Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du jeudi 15 juillet 2021 à 9h00
Débat d'orientation des finances publiques pour 2022

Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics :

Je souhaite répondre à quelques intervenants de la discussion générale. Tout d'abord, je suis conscient que vous travaillez, comme nous, dans des conditions difficiles. Le document dit tiré à part a été envoyé tardivement à l'ensemble des parlementaires – très tôt ce matin – et j'en suis le premier désolé.

À ces excuses, que j'adresse à la représentation nationale, j'ajoute des remerciements, aux membres de mon cabinet ainsi qu'aux services du ministère de l'économie, des finances et de la relance, tout particulièrement à la direction du budget. Je peux vous assurer qu'entre les derniers arbitrages et le moment où vous avez reçu le tiré à part, environ un quart d'heure s'est écoulé. Cela montre à quel point ces arbitrages ont parfois été difficiles à rendre et ont mobilisé l'ensemble de mes équipes.

Nous avons préparé ce débat d'orientation des finances publiques dans un contexte marqué à la fois par la confiance et par l'inquiétude. Nous sommes en effet confiants concernant la reprise, ce qui a conduit Bruno Le Maire et moi-même à évoquer dans le cadre de ce débat une réévaluation, à hauteur de 6 %, de la croissance en 2021, mais aussi concernant la capacité de notre économie à repartir.

Dans le même temps, le climat est à l'inquiétude en raison des incertitudes qui continuent de planer s'agissant de l'épidémie. C'est pourquoi nous ne cessons de souligner qu'il est absolument nécessaire que chacun puisse être vacciné le plus rapidement possible, car cela nous aiderait à faire face à une quatrième vague.

Nous avons réalisé cet exercice dans un cadre particulier, fait de liberté et de contraintes. La liberté nous est offerte tout d'abord par la capacité que nous avons eue à nous financer sur les marchés. Je ne reviendrai pas sur les différentes explications, liées notamment au redressement des comptes publics entre 2017 et 2020, mais je veux insister sur l'importance de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne. Sa présidente Christine Lagarde a d'ailleurs répété qu'elle la poursuivrait tant que la crise épidémique sévirait, ce qui est sécurisant pour notre exercice financier.

La liberté que j'ai évoquée tient aussi au fait que la Commission européenne, de son côté, a prolongé l'application de la clause de suspension de plusieurs indicateurs européens, ce qui nous renvoie à notre propre responsabilité en matière de trajectoire des finances publiques et nous interdit collectivement de nous cacher, comme c'est parfois le cas, derrière le cadre européen, au moment d'arbitrer telle ou telle décision.

Nous avons mené ce travail en fixant quelques ancres. Premièrement notre objectif est que l'année 2021 puisse se terminer avec un déficit public inférieur à celui de 9,2 % constaté en 2020. Nous souhaitons qu'il soit légèrement inférieur à 9 % – et nous pensons que ce sera le cas.

La deuxième ancre que nous retenons est le maintien de nos prévisions macroéconomiques pour l'année 2022, soit un déficit à 5,3 %, tel que prévu par le PSTAB, le programme de stabilité. Plus nous nous approcherons des 5 %, mieux ce sera.

La dernière ancre porte sur la maîtrise des dépenses publiques, qui passe à la fois par une maîtrise des dépenses ordinaires, autant que possible – j'y reviendrai –, par la poursuite de certaines réformes et par la stabilité du schéma d'emploi de l'État.

Quelques-uns parmi vous ont souligné qu'il existait une différence entre l'engagement, pris au début du quinquennat, de supprimer 50 000 ETP, équivalents temps plein, des effectifs de la fonction publique d'État, et ce qui est prévu aujourd'hui. Le grand débat organisé en 2019, la crise, mais aussi les décisions que nous avons prises par ailleurs, nous ont en effet conduits à reconsidérer certains éléments.

Je veux préciser, pour répondre à la présidente Valérie Rabault, que le Gouvernement ne partage pas les inquiétudes qu'elle a exprimées à propos du financement des mesures que nous avons prises. Les marchés continuent de nous témoigner une grande confiance. Le taux auquel nous empruntons sur dix ans reste très proche de zéro. Si nous avons pu, nous aussi, nourrir des craintes il y a quelques semaines concernant une forte remontée des taux d'intérêt, celles-ci semblent aujourd'hui un peu éloignées au vu de la stabilité et même de la légère décrue de ces taux.

Notre objectif est donc de retrouver à la fin 2021 le niveau de production de 2022 et de travailler à l'amélioration de notre croissance potentielle. Pour répondre à certaines interventions, j'ajoute que nous sommes convaincus que la perte de croissance potentielle se limitera aux effets de la crise sur 2020 et 2021 et que le maintien du tissu productif, notamment par un financement de l'activité partielle à un niveau élevé, par les PGE, par les aides aux entreprises ainsi que par les effets de la relance, nous permettra de retrouver un niveau de croissance potentielle à hauteur de 1,35 %.

J'aimerais à présent répondre à M. le président de la commission des finances à propos de la suppression de la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" , prévue dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques, dans la perspective du PLF 2021.

Je tiens tout d'abord à dire que cette mesure témoigne de notre objectif de sortir de la crise épidémique et de notre souhait que, après l'extinction progressive des aides d'urgence, une telle mission ne soit plus nécessaire. Ceci étant, si la situation venait à se dégrader – ce que personne ne souhaite –, nous pourrions la réintroduire avant le vote du PLF.

Je rappelle que cette mission n'était pas de nature à perdurer au-delà de l'année dernière et que c'est la prolongation de l'épidémie qui a amené le Gouvernement à en proposer la réouverture dans le cadre du dernier PLF.

Madame Lebon, je tiens tout d'abord à vous remercier puisque vous faites partie des deux seuls députés d'opposition à avoir assisté à l'intégralité de ce débat – au passage, je peux dire à M. Mattei combien je partage son sentiment – mais, même si je salue votre présence, je ne peux faire miens ni vos orientations ni vos propos, notamment quand vous parlez d'austérité. En effet, une austérité qui se traduirait par une augmentation des dépenses ordinaires de l'État à hauteur de plus de 10 milliards d'euros alors qu'elle avait pu être limitée à 6 milliards ou 6,5 milliards les années précédentes ne m'en paraît pas vraiment une. Je vous rappelle les engagements pris et financés : plus 1,7 milliard d'euros pour le ministère de l'éducation nationale, quasiment 300 millions d'euros pour le ministère de la culture, plus de 500 millions d'euros d'augmentation pour le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et plus d'un milliard pour le ministère de la transition écologique – et nous reconduisons des dispositifs qui ont fait leurs preuves dans le cadre du plan de relance, entre autres MaPrimeRénov'.

Le Gouvernement tient l'ensemble de ses engagements, notamment s'agissant de l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du minimum vieillesse, décidée il y a maintenant deux ans. Les seuls crédits budgétaires en baisse sont dus à l'évolution de la CSPE – la contribution au service public de l'électricité – et non à la volonté du Gouvernement, tous les efforts accomplis en matière de décarbonation se traduisant par une diminution de la contribution de l'État pour 2022 et, pour des raisons démographiques, à la baisse progressive du nombre de bénéficiaires des retraites de l'État et des pensionnés anciens combattants. Mais je me dois de souligner qu'une partie des crédits alloués à cette dernière mission ont été recyclés pour financer une mesure nouvelle, ce qui permettra à ma collègue Geneviève Darrieussecq de mettre en œuvre une revalorisation de la pension militaire d'invalidité, ce qu'attendait depuis longtemps le monde combattant.

Je citerai deux autres exemples qui me tiennent particulièrement à cœur : le premier concerne l'égalité entre les femmes et les hommes puisque, après une augmentation de 40 % en 2021 du budget pilotable par ma collègue Elisabeth Moreno, est prévue une nouvelle augmentation de 25 % ; le second concerne évidemment la justice, dont le budget a augmenté de 8 % en 2021 et augmentera d'autant en 2022, soit largement au-delà de ce que prévoit la loi de programmation et qui n'aurait conduit qu'à une hausse de moins de 3 %, car nous sommes convaincus de la nécessité de donner la priorité à cette politique publique.

Le dernier point que je souhaite souligner s'agissant ce que sera le prochain PLF, c'est évidemment, d'une part, le travail que nous aurons à mener concernant le plan d'investissements, à la fois à l'échelle nationale et communautaire, pour en définir les moyens de financement – budgétaires ou fiscaux, ou encore à travers la mobilisation d'acteurs tels que la Banque publique d'investissement, la mobilisation d'outils tels que le programme d'investissements d'avenir (PIA) –, en fonction de ses objectifs, mais aussi de la durée de son application, et, d'autre part, le revenu d'engagement.

Enfin, pour répondre à Charles Amédée de Courson, le second député d'opposition à avoir assisté à l'ensemble de ce débat, je tiens à dire que nous restons extrêmement attachés à la trajectoire qui est la nôtre. En dépit des incertitudes que je n'ai pas cherché à occulter, il y a de notre part une volonté de maîtrise budgétaire et aussi de conduire les politiques pour lesquelles le Président de la République a été élu, ce qui nous amène à augmenter les dépenses ordinaires de l'État et à être particulièrement attentifs à la mise en œuvre de l'ensemble des engagements pris dans le cadre du plan de relance. Et c'est bien pourquoi chaque jour, je peux vous l'assurer, monsieur le député, je lutte pas à pas pour que les mesures d'urgence ne deviennent pas des mesures pérennes ; et si nous étions conduits par souci d'efficacité et pour sa réussite à reconduire en 2022 ce plan, notre objectif resterait évidemment le même : éviter de sédimenter de nouvelles couches de dépenses publiques.

J'insiste sur le fait que ce que nous avons fait avant la crise nous permet d'être crédibles en la matière. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, l'atteinte des objectifs en matière de niveau de déficits, de diminution du poids de la dépense publique et des prélèvements obligatoires en 2018 et en 2019 a marqué un infléchissement : la baisse du poids de la dette par rapport au PIB, ce qui ne s'était pas produit depuis un grand nombre d'années, comme nombre d'intervenants l'ont souligné. Cela rend encore plus crédibles les annonces que nous faisons.

Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, nous nous retrouverons la semaine prochaine pour débattre de deux propositions de loi organique et de deux propositions de loi ordinaire portant sur les finances de l'État et sur les finances de la sécurité sociale, et vous savez combien le Gouvernement souscrit aux travaux qui sont les vôtres. Il y aura évidemment des débats, des discussions d'amendements, le but étant que nous puissions tous nous retrouver au final. Voilà l'occasion de traduire au niveau organique ce que Mme Magnier a souligné, à savoir que le Parlement comme le Gouvernement doivent faire preuve de courage pour répondre à une dégradation des finances publiques afin de permettre à notre pays sinon de l'anticiper, du moins de faire face à une nouvelle crise, quelle que soit sa nature, avec plus d'atouts et des outils plus performants. Le Gouvernement en a le courage et il sait pouvoir compter sur le soutien de votre assemblée puisque le courage à deux, c'est plus efficace. Merci à tous et rendez-vous dans quelques jours.

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