Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du mardi 20 juillet 2021 à 15h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Présentation

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Quel chemin parcouru jusqu'ici, jusqu'à ce moment très précis où les représentants de la nation réunis vont faire faire un grand pas à notre pays ! Cette journée est le symbole d'une République audacieuse, qui sait regarder le monde en face, prendre ses responsabilités devant l'histoire et agir pour conserver une Terre vivable.

Je vous le disais en commission, je vous le disais dans l'hémicycle : l'urgence est là, dans nos villes et nos villages menacés de submersion et d'inondations. Évidemment, je pense en cet instant à nos amis belges et allemands qui vivent un véritable drame. Elle est là l'urgence, dans les canicules et les sécheresses qui détruisent des vies et des récoltes. Elle est là, dans chaque coin et recoin de nos vies personnelles, professionnelles et collectives. Face à ce défi, plus grand que tout ce que nous avons pu connaître, je ne vois qu'un seul moyen d'y arriver : avancer unis, soudés, ensemble. Avancer avec au cœur cette belle idée républicaine de fraternité, de liberté et d'égalité.

C'est exactement ce que nous faisons aujourd'hui, alors que vous vous apprêtez à voter un projet de loi unique au monde. Unique par sa méthode de construction : jamais aucun gouvernement n'avait fait ce choix si simple, si juste et si essentiel, consistant à faire confiance aux citoyennes et aux citoyens pour relever le défi écologique. Ils sont venus de métropole et d'outre-mer, de partout dans le pays ; ils sont venus des grandes agglomérations, des petites villes et des zones rurales ; ils sont venus sans être au départ des experts, des sachants ou même des convaincus ; mais ils sont venus avec l'envie de voir le pays progresser et la certitude d'œuvrer pour un meilleur avenir pour eux et leurs enfants.

C'est cela même, la politique au sens noble du terme, loin des polémiques stériles, des petits mots et des promesses déçues. C'est cette force irrépressible d'engagement, de changement et de transformation qui fait bouger les peuples et les nations à travers l'histoire. Je veux redire ma fierté devant le travail de ces 150 citoyennes et citoyens, qui ont travaillé d'arrache-pied durant neuf mois. Ils ont montré combien les processus de participation citoyenne pouvaient contribuer à revivifier la démocratie. Ils ont rempli haut la main le mandat qui leur avait été confié par le Président de la République.

Et en cet instant précis, je pense à chacune et à chacun d'entre eux. Je sais que beaucoup nous regardent. Certains estiment que nous n'allons pas toujours aussi loin et aussi vite qu'ils le souhaiteraient. Mais je veux leur dire du haut de cette tribune que chaque avancée, chaque progrès, chaque pas en avant que nous accomplissons aujourd'hui est le fruit de leur travail. Qu'ils en soient remerciés.

Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi est aussi le fruit de votre travail. Démocratie délibérative et démocratie représentative ne s'affrontent pas ; elles s'enrichissent mutuellement. Vous avez débattu des centaines d'heures, proposé des milliers d'amendements, eu des échanges, parfois vifs, toujours exigeants, toujours nécessaires. Ainsi bat le cœur de notre démocratie.

Je salue l'immense qualité des débats. Ils révèlent une situation simple, mais dont la résonance est forte : sur plus aucun banc de cet hémicycle, la nécessité de lutter contre le changement climatique ne fait débat. L'écologie n'est plus l'apanage d'un parti – je m'en réjouis.

Je salue et je remercie la présidente de la commission spéciale, le rapporteur général et les rapporteurs pour les différents titres pour le travail minutieux qu'ils ont mené et le dialogue exigeant que nous avons eu. Bien sûr, je remercie également mes collègues du Gouvernement qui se sont succédé au banc.

Je remercie encore les groupes de la majorité pour leur soutien et leurs propositions, ainsi que les groupes d'opposition qui ont pleinement joué le jeu du débat démocratique en contribuant, en proposant, en amendant. J'ai une pensée pour le personnel de l'Assemblée nationale et les collaborateurs d'élus, ainsi que pour les services de mon ministère et les membres de mon cabinet, sans qui tous ces travaux auraient été impossibles.

Enfin, je salue l'aboutissement de la commission mixte paritaire, fait assez rare concernant un texte riche de plus de 300 articles. Les débats ont duré neuf heures : il faudrait vérifier dans les annales du Parlement pour savoir s'il était déjà arrivé qu'une CMP soit si longue – comme ancienne députée, je n'en ai pas le souvenir. Cela témoigne d'une large prise de conscience de l'urgence à agir et à embarquer l'ensemble de la société dans la transition écologique.

Le texte que vous allez voter est profondément différent de celui présenté par le Gouvernement. Il conforte et précise les ambitions initiales qui étaient les siennes et comporte de nombreuses avancées, qui sont le fruit de vos travaux. Vous pouvez en être fiers.

Depuis le cœur de la République, nous faisons entrer le pays de plain-pied dans le siècle nouveau. Il vous revient de graver dans le marbre de la loi les moyens dont disposera la France pour être souveraine, résiliente et capable de relever les défis qui s'annoncent ; il vous revient d'établir un lien entre les propositions de 150 citoyens et le quotidien de 67 millions de Françaises et de Français. Notre génération n'a plus l'excuse de l'ignorance pour cautionner l'inaction. Chaque pan de notre existence comporte un défi, aussi faut-il mener la bataille de la transformation dans tous les domaines : économie, travail, habitat, alimentation, déplacement.

Avec ce projet de loi point un autre monde, où l'air que l'on respire sera plus pur, où la nature et l'humain se réconcilieront, où la transition écologique apaisera bien des maux qui tourmentent le pays. Au fond, c'est assez simple : ce monde-là ne peut exister que si nous faisons face ensemble, avec le goût de l'avenir partagé. Quel que soit l'endroit où nous vivons, où nous travaillons, d'où nous venons, soyons ensemble ! Devant le péril, il ne peut y avoir de distinctions, de divisions, de déchirements. Il n'y a qu'un pays, qu'une nation, qui doit inventer son chemin. Nous le traçons aujourd'hui en nous engageant sur une véritable bascule culturelle.

Demain, l'écologie sera dans toutes les classes des écoles de la République, pour former les écocitoyens du siècle nouveau. Chacune et chacun aura les moyens d'être acteur du changement, en adoptant une consommation responsable et vertueuse, grâce à une signalétique qui indiquera les effets des produits sur le climat, sur la biodiversité et sur la consommation des ressources naturelles. Dans ce pays, la promotion des énergies fossiles disparaîtra et, grâce aux travaux parlementaires, l'écoblanchiment sera sévèrement puni pour ce qu'il est : une tromperie du consommateur.

La consommation responsable implique de se passer des innombrables emballages qui enrobent les produits du quotidien, consomment d'énormes quantités de matière et souvent polluent l'environnement. Ce texte fixe le cap d'une nette amélioration, avec la généralisation de la vente en vrac dans les grandes surfaces.

Tous ces aspects donnent au titre Ier du projet loi que vous allez voter dans quelques instants sa force et sa portée. Je remercie la rapporteure Aurore Bergé et les groupes de la majorité pour les compromis effectués sur l'ensemble.

Ce texte ne se contente pas d'engager une grande – et nécessaire – bascule culturelle. Il existe des problèmes majeurs auxquels il faut s'attaquer ici et maintenant : nous n'avons plus les moyens d'attendre. Pour y parvenir, il faut d'abord transformer notre économie. C'est l'esprit du titre II, pour lequel vous étiez rapporteure, chère Cendra Motin. Les marchés publics comporteront des clauses environnementales et sociales ; les instances des entreprises auront les moyens de prendre en considération le développement durable.

Enfin, le titre II dotera la France du cadre juridique nécessaire pour adapter l'exploitation minière à notre temps : nous ne pouvons plus autoriser des projets datés, aux conséquences hasardeuses, voire néfastes. Le texte initial prévoyait de conduire cette réforme essentiellement par ordonnances, mais les travaux de Damien Adam, rapporteur pour les articles 20 et 21, ont permis d'en transcrire d'ores et déjà une grande partie dans la loi. Le texte réforme donc le code minier et donne au Gouvernement les moyens légaux de refuser l'octroi d'un titre pour raison environnementale, grâce à des amendements défendus par les groupes de la majorité. Il était temps !

Vous comme moi savons que nous n'atteindrons nos objectifs qu'avec la confiance des territoires ; ce titre décline donc notre programmation pluriannuelle de l'énergie à l'échelle de chaque région. Cela constitue également une grande avancée pour l'écologie.

S'attaquer aux problèmes qui gangrènent le pays et construire une grande république écologique et solidaire, cela implique d'avoir le courage de prendre des mesures d'avant-garde. Le bilan humain de la pollution de l'air dans notre pays ne peut qu'inciter à l'action. Chaque année, 40 000 personnes décèdent prématurément des conséquences d'un air pollué. Combien souffrent de maladies chroniques qui viennent détruire les promesses d'une vie paisible ? Ce sont des deuils, des pertes irremplaçables, des familles brisées, souvent chez nos concitoyens les plus modestes. Nous pouvons épargner la souffrance de femmes et d'hommes. Il est absolument indispensable de prendre nos responsabilités et de résoudre cette urgence sanitaire, sociale, écologique. Avec ce projet de loi, les agglomérations de plus de 150 000 habitants disposeront demain d'une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Ce seront autant de maladies respiratoires évitées, autant de vies sauvées.

Le texte prévoit également la fin des ventes de véhicules thermiques d'ici moins de vingt ans pour les poids lourds, les autobus et les autocars neufs. Nous faisons entrer en transition la quasi-totalité des véhicules roulants de ce pays. Cela va de pair avec l'accélération de la trajectoire de verdissement des flottes d'entreprises, des collectivités et de l'État, grâce au rapporteur Jean-Marc Zulesi.

Pour agir de manière responsable et prendre des mesures d'avant-garde, il faut aussi savoir tourner la page de certaines pratiques : par exemple, prendre l'avion alors que l'on peut prendre le train pour effectuer un trajet qui dure moins de deux heures et demie, ce qui constitue une aberration.

Être à l'avant-garde, c'est faire différemment, faire mieux, faire preuve de bon sens. Tel est l'esprit du titre III. Construire des centres commerciaux au milieu des champs est une hérésie. Couler la nature sous le béton revient à nous condamner. Ces réflexions de bon sens nous amènent à diviser par deux la vitesse d'artificialisation des sols en moins de dix ans, parce que l'écologie naît et vit dans les territoires, parce qu'on ne peut plus croire que les villes peuvent s'étendre à l'infini sans noyer le lien social, ni enfermer les Français dans la dépendance à la voiture, ni ravager la biodiversité dont nous avons tant besoin pour survivre. Grâce à l'objectif de diviser par deux l'artificialisation des sols et grâce à la planification dans les documents d'urbanisme, nous pouvons inverser la tendance et laisser enfin la nature respirer.

Beaucoup d'entre vous voulaient mieux réguler la construction des entrepôts. Le rapporteur Lionel Causse l'a fait ; il a procédé intelligemment, sans tomber dans la caricature, en définissant mieux les endroits d'implantation dans les documents d'urbanisme.

Le bon sens veut aussi que l'on s'attaque à une terrible injustice sociale et climatique, sur laquelle les dirigeants ont fermé les yeux pendant beaucoup trop longtemps. Depuis des décennies, des Français étouffent en été et gèlent en hiver ; c'est le cas aujourd'hui de 2 millions de foyers. C'est une honte pour notre pays – je pèse mes mots en le disant. La lutte contre les passoires thermiques est indispensable pour construire la république écologique et solidaire dont je vous parle. Le travail parlementaire a permis, en particulier grâce au rapporteur Mickaël Nogal, de définir une trajectoire nette et précise vers l'interdiction de leur mise en location – c'est le gage de notre succès. Au-delà des effets d'annonces et de marketing, la confiance dépendra de la lisibilité, de la clarté et de la prévisibilité des mesures qui provoqueront des transformations durables.

Nos concitoyens peuvent également avoir confiance dans le soutien de l'État. C'est ici, dans cette assemblée, que sont nés les accompagnateurs Rénov', qui aideront les Français à effectuer leurs travaux, du début du projet au dernier clou posé. Le prêt avance mutation constitue une autre avancée obtenue dans cet hémicycle – je sais combien ces travaux pèsent lourd dans le petit budget de milliers de propriétaires. Les débats à l'Assemblée ont également fixé dans le marbre de la loi le principe d'un engagement financier de l'État pour garantir un reste à charge faible, notamment pour les ménages les plus modestes.

Mesdames et messieurs les députés, le projet de loi que vous vous apprêtez à voter excède très largement nos responsabilités présentes, à vous comme à moi. En effet, il n'engage pas avec le pays un rapport de force, il scelle un pacte de confiance, qui respecte l'équilibre entre la nécessaire part de contrainte et l'impérative liberté de l'initiative. Je le sais d'expérience : c'est ce qui marche.

Avec le titre V, madame la rapporteure Célia de Lavergne, chaque enfant se verra proposer un menu végétarien hebdomadaire dans son école. Au début du quinquennat, vous aviez voté l'expérimentation de cette mesure – je l'avais votée aussi. Vous la généralisez aujourd'hui, car c'est un succès. La preuve par l'exemple fait partie de notre méthode de gouvernement. Il s'agit d'expérimenter afin de généraliser dans les meilleures conditions – car on ne brusque pas la transition, on la construit pierre après pierre. Plutôt que d'imposer une taxe sur les engrais azotés dont on ne sait pas mesurer l'efficacité, il faut faire le choix de la confiance, c'est-à-dire donner aux agriculteurs un objectif de réduction et ne prévoir la taxe que s'ils ne l'atteignent pas. Confiance, accompagnement, contrôle : telle est aussi notre méthode. Le titre V constitue un jalon vers une ère d'agroécologie, bénéfique pour les territoires et pour la santé humaine.

Se projeter au-delà de nos mandats implique également de doter le pays d'un droit conforme à son temps. Chaque époque se donne des règles pour lutter contre ce qu'elle considère comme inacceptable, criminel, dangereux. Pour des millions et des millions de Français, comme pour moi, il est intolérable qu'on pollue et détruise la nature en toute connaissance de cause. Avec le titre VI, la justice rendue au nom du peuple français aura les moyens de condamner sévèrement les pollueurs. Les travaux parlementaires ont renforcé la robustesse juridique de ce passage, notamment grâce à M. le rapporteur Erwan Balanant.

Se doter de règles propres à notre époque revient aussi à nous assurer que nous garderons le cap au long cours. La République se meurt des grandes lois sans lien avec la vraie vie : elles n'existent que dans l'esprit de ceux qui les écrivent et les citoyens n'en voient jamais les effets sur le terrain. Avec la maturité politique d'une vieille démocratie qui a tant à offrir, nous nous donnons les moyens de veiller à l'effectivité de nos décisions.

Le titre VII promet plus qu'une transformation de notre gouvernance climatique. Madame la présidente – chère Laurence –, monsieur le rapporteur – cher Jean-René –, nous vous le devons. Il constitue le moyen d'assurer au long cours la pérennité de la transformation, de garantir que ce texte changera ce qui doit l'être sur le terrain. C'est une avancée dont votre hémicycle peut être particulièrement fier.

Mesdames et messieurs les députés, nous écrivons une nouvelle page de la république écologique. Elle a été rédigée par des femmes et des hommes, humbles citoyens comme parlementaires, pour chacun de nos territoires. Elle ne met pas le point final à notre action en faveur de la transition écologique : celle-ci continuera, afin de relever tous les défis auxquels nous sommes confrontés. Elle complète les pages que nous avons déjà écrites et celles que nous continuons à rédiger, mais elle est essentielle, car les fondements de la république écologique pour tous et par tous y sont posés. C'est le sens de notre histoire et c'est notre responsabilité. Je sais que vous répondrez présents, comme toujours, avec force et passion.

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