Intervention de François-Michel Lambert

Séance en hémicycle du mardi 20 juillet 2021 à 15h00
Lutte contre le dérèglement climatique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert :

Au moment même où nos voisins allemands et belges sont frappés par des inondations d'une rare ampleur, aux conséquences dramatiques et incommensurables, où nos amis espagnols et canadiens subissent des températures qu'aucun être actuellement en vie n'a connu sous ces latitudes, et alors que les agriculteurs français peinent encore à se remettre des gelées noires d'avril dernier, qui ont jeté un véritable voile de mort sur une part importante de notre agriculture, le projet de loi « climat et résilience » est expédié en catimini.

Publiée hier par un collectif, une étude – la dernière en date – annonce que la biodiversité a baissé de 20 % au cours des trente dernières années en Méditerranée et, pire encore, de 51 % – oui, 51 %, soit donc la moitié – s'agissant des espèces marines.

Profitant de l'été, le Gouvernement, avec le plein soutien de la majorité, fait ainsi passer la loi « climat et résilience » amputée de toute ambition. Vous auriez fait preuve de courage en poursuivant le débat – c'était tout l'objet de la motion de rejet préalable de nos collègues socialistes –, permettant ainsi l'enrichissement mutuel et l'expression d'une conviction partagée avec nos concitoyens et les élus locaux, qui sont bien les grands oubliés de ce texte.

Nous le savons, nous ne pourrons plus agir avant 2023, voire 2024, pour hisser notre droit à la hauteur des enjeux écologiques et enclencher un autre modèle de développement.

Nous pouvons le dire : pas encore promulguée, la loi « climat et résilience » est déjà dépassée face au réchauffement climatique, à la raréfaction des ressources naturelles, aux pollutions – à commencer par celle du plastique, qui tue nos mers – et à l'effondrement de la biodiversité. Je le répète, cette loi est dépassée !

Avant même d'être rédigé, le projet de loi manquait d'ambition. Nous vous avions alertés lors des débats : alors que la Commission européenne préparait un nouvel objectif de 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030, qui a depuis été adopté, vous refusiez le débat et restiez sur un objectif de 40 %. Tout figure au compte rendu, chacun pourra le vérifier : vous n'avez avancé aucun argument. Mais la réalité des faits, les morts et les catastrophes nous poussent à aller plus loin, plus vite, plus fort !

Le 14 juillet dernier, alors que nous célébrions notre fête de la fraternité, l'Union européenne amorçait sa révolution. La fraternité, c'est la défense d'un bien commun, d'une planète unique, la survivance de l'espèce humaine. Nous n'y sommes pas dans ce texte et je suis très inquiet à l'heure où la France s'apprête à prendre la présidence du Conseil de l'Union européenne en janvier 2022. Alors que nous devrions tirer toute l'Union européenne vers le haut sur l'urgence climatique, nous ferons probablement l'inverse, en étant encore en retard.

La loi « climat et résilience » est dénuée de logique d'ensemble, de vue globale. De nombreux sujets n'y sont qu'effleurés. Elle est par exemple timide sur la question des forêts, alors qu'il s'agit d'un puits de carbone majeur. La Commission européenne souhaite d'ailleurs utiliser forêts et tourbières pour absorber environ 7 % des émissions de gaz à effet de serre. Votre réflexion sur ce sujet est au mieux incomplète au vu de la baisse des effectifs des agents de l'ONF – Office national des forêts –, mesure contraire à toute logique de responsabilité. La forêt, pour vous, ce sont les 800 000 tonnes de bois qui alimentent la méga-centrale de Gardanne chaque année pour produire de l'électricité, alors même que 500 scientifiques du monde entier nous alertent sur cette aberration écologique. Voilà la réalité !

Autre étrangeté de ce texte : alors que la Commission européenne souhaite la fin des voitures thermiques en 2035, nous fixons l'échéance à 2040. Dans les ZFE, les voitures très lourdes, faussement électriques grâce à une hybridation – sorte de cache-sexe écologique – de leur puissance et de leur démence, pourront continuer de rouler alors qu'elles émettent énormément de particules fines. Par exemple, aucune action n'est entreprise concernant les particules fines dues aux pneumatiques et aux freins – le débat a été évité. Dans certaines villes, ceux-ci sont pourtant la principale source de cette pollution mortelle qui cause le décès prématuré de 100 000 personnes par an en France. Voilà l'une des conséquences de votre décision de ne pas poursuivre le débat sur ce projet de loi.

Vous nous présentez l'écoscore et l'affichage environnemental comme étant révolutionnaires, mais comme M. le rapporteur général l'a lui-même avoué dans l'hémicycle, l'écoscore ne prendra pas en compte l'impact du transport des produits. Un paquet de biscuits aura donc le même score, qu'il soit vendu à 10 kilomètres de l'usine de fabrication ou en outre-mer. Comment créer plus de défiance chez nos concitoyens ?

Le problème originel de votre projet de loi est qu'il est dénué de vision sur la démographie et ses conséquences sur l'aménagement du territoire. Il n'aborde jamais la question des mobilités contraintes des personnes et des mobilités désordonnées des marchandises.

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