Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du mardi 20 juillet 2021 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Nous ne devrions pas appeler ce texte un projet de loi de règlement, puisque nous n'avons pas la possibilité d'en modifier quoi que ce soit. Une loi de règlement porte en effet sur le passé et il est difficile, par définition, de modifier le passé. Par ailleurs, nous n'avons même pas le droit de modifier les montants des reports ou des annulations de crédits. Nous ne servons donc à rien et sommes réduits à l'état de spectateurs. Je commenterai donc le texte en tant que spectatrice.

Je commencerai par le solde structurel. Il reflète la part du déficit qui provient des difficultés structurelles de l'économie – du fait, par exemple, que nous n'avons pas assez d'industries. Vous l'évaluez à 1,3 point de PIB et avez ainsi décidé d'allouer la plus grande partie du déficit public à sa composante conjoncturelle, comme si, dans le fond, tout le déficit résultait de la crise. C'est d'autant plus étrange que, dans la loi de finances initiale pour 2020, vous aviez fait exactement le contraire, en faisant porter tout le déficit sur la partie structurelle. Tout au long des débats, vous n'avez jamais expliqué ce qui vous a fait changer d'avis. Reste que votre modification porte sur plus de 20 milliards d'euros. Je dis bien « votre modification », puisque le déficit structurel n'est jamais observable et résulte d'une construction théorique macroéconomique qui permet d'appréhender l'état de l'économie.

Ce choix, non expliqué, est d'autant plus curieux que la Commission européenne, qui a recalculé notre déficit structurel pour 2020, l'évalue pour sa part à 5,3 points de PIB. Autrement dit, elle pense que les trois quarts de notre déficit pour 2020 proviennent du fait que notre économie est durablement abîmée, alors que vous pensez le contraire puisque vous avez réduit le niveau de déficit structurel dans la loi de règlement. Un tel écart entre les calculs de Bercy et ceux de la Commission européenne, monsieur le ministre délégué, c'est du jamais vu. Cette divergence d'appréciation sur l'état de notre économie m'interpelle. J'attends donc votre réponse sur ce point.

Ensuite, en ce qui concerne le montant des reports de crédits, nous en sommes à 36 milliards d'euros, dont 28,8 proviennent de la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" . Là encore, il s'agit d'un montant inédit, mais qui correspond à une situation tout aussi inédite. Reste qu'on peut s'interroger sur le PLFR 4, qui a ouvert 20 milliards d'euros de crédits pour en reporter 28,8 ; mais je veux bien concevoir que pour une année comme 2020, c'est un peu compliqué.

J'en viens aux crédits annulés. On peut comprendre que, du fait de la crise du covid-19, certains le soient – le ministère des affaires étrangères a ainsi dû financer beaucoup moins de voyages. Mais certaines annulations sont surprenantes. C'est le cas de 172 millions d'euros de crédits à l'enseignement scolaire, dont 104 millions pour le second degré. Je vous avoue en être très étonnée : cet argent aurait pu être utilisé pour améliorer l'équipement informatique des enseignants. Vous annulez par ailleurs 60 millions d'euros de crédits sur le budget de la justice, dont 43 millions initialement destinés à l'administration pénitentiaire, dont chacun sait qu'elle doit gérer des établissements surpeuplés. Vous annulez encore 42 millions d'euros de crédits sur la mission "Travail et emploi" , ce qui est un comble au vu des difficultés rencontrées au cours de l'année 2020. Vous annulez enfin 99 millions d'euros de crédits sur la mission "Sécurités" , dont 53 millions pour la police et 43 millions pour la gendarmerie ; là aussi, il y a de quoi être quelque peu étonné.

Je dirai un mot sur la relance. En 2020, contrairement aux autres pays, il n'y a pas eu, en France, de plan de relance, d'argent consacré à la relance, alors que pour l'urgence, oui. Le plan de relance a en effet été présenté début septembre 2020, soit plus de trois mois après celui de l'Allemagne ou encore trois mois après celui présenté par le parti socialiste. Il n'a donc trouvé sa traduction que dans le budget pour 2021, ce qui signifie que nous avons pris un peu de retard à l'allumage.

Enfin, il y a ce que le projet de loi de règlement ne dit pas. Je reviens ainsi sur un point sur lequel j'ai interrogé le Premier ministre tout à l'heure : le texte ne montre pas que nous sommes passés à côté de l'investissement dans la vaccination. En 2020, nous avons investi 17,4 millions d'euros dans la recherche vaccinale contre le covid-19, contre 2,17 milliards pour les États-Unis, 1,5 milliard pour l'Allemagne, 500 millions pour le Royaume-Uni, 280 pour le Canada ou encore 260 pour la Norvège. Eh bien, monsieur le ministre délégué, je crains que nous ne continuions à payer pendant un certain temps ce manque si crucial d'investissement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.