Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mardi 20 juillet 2021 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

La loi de règlement, si elle ne passionne pas les foules, a au moins le mérite de permettre de juger sur pièce de la réalité de l'action gouvernementale au cours de l'année écoulée. Et quelle année, en effet ! Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai dû me prêter à cet exercice de commentaire au gré des allers-retours de ce texte ; aussi, chers collègues, pardonnez-moi si je rabâche quelques chiffres pour planter le décor.

En 2020, on a dénombré un million de nouveaux demandeurs auprès des banques alimentaires. Un jeune sur six a dû abandonner ses études et un sur deux n'a pas mangé à sa faim. Avant même le mois de décembre, le pays comptait un million de pauvres en plus. Les 10 % de ménages les plus pauvres n'ont connu aucune augmentation de revenus et les milliardaires ont engrangé 170 milliards. L'investissement s'est contracté de 10 %, c'est normal. Mais l'ensemble est une débâcle – et le mot n'est pas galvaudé –, une débâcle que vous, Gouvernement et majorité, tâchez de repeindre en triomphe en nous serinant sur tous les tons que votre mobilisation est sans précédent, vos efforts sans précédent, pour limiter les conséquences d'une crise sans précédent elle aussi.

Car crise il y a eu, et vous avez beau arguer que d'autres pays ont souffert davantage que le nôtre, si d'autres s'en tirent mieux aussi, c'est qu'ils ont rompu avec l'orthodoxie néolibérale. D'ailleurs, il n'est pas jusqu'à des économistes tels M. Blanchard ou M. Pisani-Ferry qui n'aient réclamé des aides plus conséquentes et mieux ciblées, comme nous le préconisions. Pourtant, toute l'année, nous avons dû subir vos annonces, vivre à leur rythme et essuyer vos procès en mauvaise foi chaque fois que nous émettions la moindre critique. Voici venue l'heure des comptes, nous les avons sous les yeux et, une fois de plus, ne vous déplaise, ils nous donnent raison.

Eussiez-vous respecté vos propres engagements, la réponse de l'État à la crise n'aurait pas été à ce point misérable. Mais vous avez fait des effets de manche au gré des lois de finances rectificatives, pour finalement sous-exécuter ce que vous aviez promis.

Ce sont donc près de 36 milliards qui manquent par rapport à la quatrième loi de finances rectificative. On se figure mal ce que représentent des sommes pareilles. Ce sont 800 000 emplois au salaire médian, charges comprises, qui auraient pu être mis au service, par exemple, de la bifurcation écologique. Ces emplois auraient de plus produit une relance sans précédent de la consommation, plus populaire, c'est-à-dire une relance sans même un plan de relance. Et 36 milliards, c'est à peu près ce qu'il faut pour relever tous les minima sociaux au-dessus du seuil de pauvreté, automatiser leur versement et étendre le RSA aux moins de 25 ans.

Mais pendant que nos concitoyens les plus précaires attendaient votre secours, d'autres se sont vautrés dans vos largesses – j'en parlais tout à l'heure. La fortune cumulée des milliardaires a bondi de 40 % et le CAC40 a versé en dividendes l'équivalent de 140 % de ses profits. Voilà le beau bilan de vos efforts sans précédent.

À cela s'ajoute un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pérennisé et d'autres niches fiscales incontrôlées. Pour 222 de ces 475 niches, nous ignorons le nombre de bénéficiaires ; 67 d'entre elles ne sont pas chiffrées du tout ; la Cour des comptes relève d'ailleurs – pas seulement cette année – que certaines sont même en contradiction avec les objectifs des politiques publiques auxquelles elles sont rattachées. Et l'on en compte encore une trentaine qui favorisent le recours aux énergies fossiles, soit plus de 15 milliards d'euros par an, alors que nous venons de voter la fameuse loi « Climat ». En somme, vous nous avez promis un pognon de dingue, mais nous avons eu le droit de traverser la rue, et encore.

En synthèse, votre bilan 2020, c'est une sous-exécution budgétaire qui s'apparente à une diversion publicitaire : toutes vos offres sont, comme le dit la formule, « soumises à conditions », sauf pour le CAC40, « non cumulables avec d'autres promotions », sauf pour le CAC40, « voir conditions en magasins participants » pour tous les autres, « un crédit vous engage et doit être remboursé », en se serrant tous la ceinture, sauf le CAC40.

Voilà pourquoi, fidèles à nous-mêmes, nous voterons contre ce projet de loi.

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