Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du mardi 20 juillet 2021 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Il peut sembler vain, en ces temps difficiles, de se pencher sur le passé, en particulier lorsque la situation sanitaire nous pousse à nous concentrer sur le présent et sur l'avenir. Cependant, je crois que l'examen de ce bilan 2020 conserve toute son utilité, surtout si le Gouvernement tire les leçons du passé pour mieux préparer 2022. Ne sous-estimons pas la loi de règlement du budget : elle contraint l'exécutif à rendre compte de sa gestion devant le Parlement et est aussi l'occasion de confronter les intentions et les promesses annoncées avec les résultats obtenus.

Qu'est-ce qui a justifié le rejet de ce texte par nos collègues du Sénat ? Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est pas seulement le coût de l'« open bar » budgétaire et le niveau inédit de déficit. Le refus repose essentiellement sur l'insincérité du budget. La critique la plus forte, que notre groupe avait déjà formulée en première lecture, tient aux reports de crédits : 36,2 milliards de crédits reportés. Ces reports font perdre tout son sens à l'autorisation parlementaire. La sous-consommation est une chose, mais pourquoi des reports d'une telle ampleur ? La Cour des comptes rappelle qu'il vous aurait été possible d'annuler ces crédits et d'éviter ainsi une confusion entre l'ensemble des exercices budgétaires.

De manière générale, c'est tout le bilan du budget 2020 qui est difficile à apprécier. Les contours sont flous entre crédits du plan d'urgence, du plan de relance, et crédits ordinaires.

Le bilan que vous nous présentez est évidemment celui d'un État en grande difficulté budgétaire. La dette publique s'établit à 115,7 % du PIB et le déficit dépasse les 9 %. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les dépenses nettes du budget général ont augmenté de 46 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale en loi de finances.

Bien évidemment, nous avons tous conscience que ces résultats inédits sont liés au contexte particulier que nous vivons. La crise sanitaire a eu des conséquences imprévisibles et irrésistibles. Notre groupe a conscience des efforts engagés par le Gouvernement pour accompagner les entreprises, les collectivités et les citoyens. La fragilité des finances publiques, antérieure à la crise, a également contribué à accroître la gravité de la situation. Les échecs budgétaires accumulés ont lourdement pesé au moment de la crise et continuent de peser actuellement. Le défaut de tout gouvernement est de jouer le court terme et de proposer aux successeurs le soin de la nécessaire maîtrise.

Notre groupe l'a déjà rappelé lors du débat d'orientation des finances publiques, malgré les engagements, vous n'avez pas su non plus, ou pu, rétablir nos finances en début de quinquennat. L'effort structurel réalisé pendant les trois premières années du mandat s'est limité à 5 milliards par an, alors qu'il aurait été nécessaire de viser les 20 milliards d'euros pour réellement rétablir les finances de l'État. Nos finances publiques étaient donc déjà très affaiblies au moment où la crise est survenue. En outre, les mesures que vous avez déployées ont eu un coût substantiel : 40 milliards pour le seul plan d'urgence.

Autre sujet : cette réaction budgétaire exceptionnelle, justifiée et nécessaire, nous semble mal déployée. Notamment, nous avons eu l'occasion de le souligner à de nombreuses reprises, elle n'a pas ou elle a mal pris en compte la diversité des réalités territoriales.

En dehors des seuls effets de la pandémie, vous avez aussi fait le choix, qui peut se défendre et dont on peut discuter l'opportunité, d'abandonner l'effort de maîtrise au profit du soutien structurel. Cet envolement budgétaire se poursuit donc en 2021 et se poursuivra en 2022.

Le tiré à part qui nous a été transmis au dernier moment, la semaine dernière, confirme cet état de fait : 10,8 milliards supplémentaires pour les dépenses pilotables. Si certaines hausses vont dans le bon sens, la question essentielle demeure : comment financer ces mesures, comment maîtriser la courbe d'évolution ? Vu l'état des lieux, le niveau d'endettement, le niveau de pression fiscale, on comprend l'étroitesse des marges de manœuvre, pour ne pas dire leur inexistence. Il reste à espérer que les prévisions de croissance qui sous-tendent le budget futur se réalisent, que les taux d'intérêt demeurent ce qu'ils sont, que le déficit du commerce extérieur ne s'aggrave pas, faute de quoi la situation budgétaire pourrait devenir véritablement ingérable.

Sans vouloir nous ériger en donneurs de leçon, et tout en ayant conscience de la difficulté des choses, notre groupe ne votera pas ce projet de loi de règlement.

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