Merci, monsieur le président.
Le texte qui est aujourd'hui soumis au Parlement est tout sauf anodin. Oui, la covid-19 est un virus dangereux. Oui, la propagation de l'épidémie reprend malheureusement de la vigueur. Oui, nous devons prendre des mesures à la hauteur de la situation. Cela peut et doit notamment passer par la vaccination des soignants et des travailleurs de certaines professions qui sont au contact des personnes vulnérables.
Cela étant, nous sommes plusieurs à estimer, au sein du groupe Libertés et territoires, qu'il ne faut pas démesurément dépasser les limites de l'acceptable s'agissant de la vie en société, en restreignant ou en conditionnant l'accès des personnes à certains lieux de vie. En effet, les retards, les approximations, les revirements que nous avons connus depuis mars 2020 ont creusé la défiance des populations. Ce doute et cette défiance, il convient de les entendre !
Si la vaccination du plus grand nombre semble le meilleur moyen de juguler la pandémie et de reprendre une vie normale, pour ce qui est de l'ensemble de la population, nous préférerons toujours l'incitation massive, par un travail de conviction, à l'obligation. La recherche de l'acceptabilité et, à plus forte raison, de l'efficacité doit nous guider, afin d'avancer le plus rapidement possible dans la couverture vaccinale de la population. Interrogeons-nous sur les raisons profondes de la défiance vis-à-vis de la vaccination, qui s'observe même chez les soignants.
Malheureusement, cette question est devenue trop clivante. Nous condamnons les menaces de mort à l'encontre d'élus, tout comme les amalgames honteux avec la seconde guerre mondiale et la Shoah. Le groupe Libertés et territoires apporte son soutien total à toutes celles et tous ceux qui ont été victimes de pressions et d'intimidations.
Face à cette défiance, le Président de la République a choisi de rendre la vaccination obligatoire à partir du 15 septembre pour les personnels au contact des publics à risque. Si cette mesure paraît proportionnée, il n'en va pas de même du licenciement des salariés qui ne respecteraient pas cette obligation. Établir une échelle des sanctions serait selon nous préférable.
Au-delà du débat sur l'obligation vaccinale des professionnels de santé, nous aurions dû anticiper l'atteinte d'un palier vaccinal et adapter l'offre en conséquence, en facilitant la prise de rendez-vous sur les lieux de vacances et en adoptant une logique du « aller vers » concernant les personnes qui éprouvent légitimement des difficultés à s'inscrire dans le parcours vaccinal actuel – je pense en particulier aux personnes isolées. Pour ce faire, nous pouvons nous appuyer sur le réseau des professionnels de santé de proximité, des médecins traitants et des pharmaciens.
En revanche, les dispositions relatives au passe sanitaire nous posent certains problèmes, suscitant même le rejet de plusieurs membres de notre groupe. Instauré par la loi du 31 mai 2021, le passe sanitaire est aujourd'hui nécessaire pour accéder à des événements accueillant plus de 1 000 personnes. Il facilite également les voyages vers et depuis la Corse – ce que nous demandions il y a un an déjà et que nous avons soutenu –, l'outre-mer et, depuis son harmonisation à l'échelle européenne, les autres pays de l'Union européenne. Ainsi, pour une majorité de députés de notre groupe, il ne paraît pas opportun d'étendre démesurément le périmètre du passe.
Il y a moins de deux mois, le Gouvernement avait explicitement précisé que jamais le passe sanitaire ne s'appliquerait à la vie quotidienne : nous voici aujourd'hui convoqués pour voter l'inverse. Nous sommes nombreux à craindre des tensions avec les professionnels concernés, comme les restaurateurs et les hôteliers. Et nous nous étonnons au passage du dernier avis du Conseil d'État, qui nous semble contredire en partie ses précédentes décisions. Rappelons-nous que si le Conseil avait décidé de ne pas suspendre le passe sanitaire, c'est parce qu'il n'était pas exigé pour des actes de la vie quotidienne.
Autre critique : la date d'entrée en vigueur du passe sanitaire est trop rapprochée. La fixer au 1er septembre nous semble préférable, afin que les personnes débutant aujourd'hui leur schéma vaccinal puissent l'achever sans être contraintes de se faire tester tous les deux jours.
Enfin, le projet de loi prévoit la prorogation jusqu'au 31 décembre du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Eu égard aux dispositions suffisantes figurant dans le droit commun, rappelées à de nombreuses reprises par notre groupe, la prorogation sans limite de cet état d'exception n'apparaît pas justifiée.
En outre, nous déplorons la méthode qui nous fait une fois de plus légiférer dans l'urgence – cela a été dit précédemment. Susciter l'adhésion nécessite de concerter, de fédérer, de rassembler et de convaincre.
Malgré les réserves des groupes d'opposition et surtout celles de votre propre majorité, largement exprimées hier en commission, les mesures figurant dans le texte initial du Gouvernement se retrouvent quasi telles quelles dans la version que nous examinons aujourd'hui – nous le regrettons vivement.
Vous êtes, mais nous aussi, dans l'impérieuse nécessité de rester sur un chemin de crête en garantissant à la fois la protection des populations, la relance – tout aussi essentielle pour la vie en société – de l'activité économique, sociale et culturelle, ainsi que le respect des libertés. Nous le savons, par nature, ce défi est difficile à relever. Faisons en sorte, pour une fois grâce au travail parlementaire, de cheminer ensemble.