Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du mercredi 21 juillet 2021 à 15h00
Gestion de la crise sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Une nouvelle fois, le Président de la République a rendu son verdict et nous voici réunis pour l'enregistrer. Ainsi va la Ve République, emportée par son déséquilibre originel.

Une chose est certaine, le variant delta constitue un danger sévère. Nous devons empêcher qu'il ne provoque une nouvelle hécatombe, qu'il ne mette à l'épreuve nos capacités hospitalières insuffisantes, qu'il n'entrave notre vie quotidienne. Nous avons donc encore et toujours besoin d'agir vigoureusement contre le virus, en donnant notamment un nouvel élan décisif à la vaccination, aussi bien en France que dans le monde.

Les chercheuses et chercheurs ont mobilisé de nombreuses connaissances accumulées ; leurs vaccins ont subi des essais cliniques et obtenu la validation des autorités sanitaires. Le vaccin est un outil essentiel pour nous aider à vaincre le virus. Se faire vacciner est un acte de protection individuel et collectif contre l'infection en général et particulièrement contre ses formes graves et prolongées.

Sans revenir sur les difficultés et les ratés de votre gestion de la crise, il était évident que la campagne de vaccination connaîtrait des phases de ralentissement. Ainsi, pour agir sur les bons leviers, il eût fallu anticiper et identifier les freins rencontrés, d'autant plus que le récent regain des prises de rendez-vous souligne la marge de progression existante.

Comment ignorer le contexte marqué par une crise démocratique profonde – la portée de la parole publique est amoindrie – et la méfiance à l'égard d'une industrie pharmaceutique peu transparente et de plus en plus financiarisée ? La confiance ne se décrète pas et doit se construire par des garanties publiques et démocratiques. Alors qu'elle ne peut se fonder que sur une culture de santé publique vivace, la crise a confirmé le recul des politiques de promotion de la santé et de prévention, ce qui n'est pas sans lien avec l'affaiblissement des moyens et des outils de ce secteur ni avec les offensives pour accroître sa marchandisation.

Nous ne pouvons faire l'économie d'une relance puissante de la campagne de santé publique en faveur de la vaccination. Celle-ci ne peut se résumer à de simples dispositifs de communication et appelle une stratégie bien plus offensive, basée sur des appels téléphoniques, des courriers systématiques et l'accès décuplé à la vaccination gratuite au plus près des personnes, dans les quartiers, les zones d'activité, les zones rurales ou isolées, ou encore les lieux touristiques, afin de favoriser le recours à la vaccination. Pour convaincre, il faut aussi engager cette nouvelle phase de déploiement dans le but de répondre aux questions et aux doutes.

Depuis le début de la crise, nous invitons le Gouvernement à inscrire sa démarche politique autour d'un axe fort : donner à la société les moyens de se mobiliser, permettre aux femmes et aux hommes d'être actrices et acteurs de la lutte et construire les solutions en associant les forces disponibles. Toutefois, la logique mécaniste et descendante d'ordre public qui prévaut, et ce non sans atermoiements ni incohérences, n'est pas de nature à créer les meilleures conditions pour viser un tel objectif. La santé publique a besoin de connaissances, de conscience et de confiance.

Alors que nous avons besoin d'adhésion et de cohésion nationale, les dispositions que vous prenez cristallisent la défiance et provoquent le clivage dans le pays. Il faut dénoncer les amalgames graves et choquants, mais aussi prendre conscience du fait que ces dispositions concrétisent la partition de la société.

De nombreux soignants se sont sentis ciblés, désignés comme les responsables des difficultés et érigés en exemples pour un acte d'autorité. Alors que les inégalités sociales et sanitaires se recoupent, vous prenez des mesures d'exclusion supplémentaires au lieu de construire une démarche inclusive de généralisation de la vaccination. Le laissez-passer sanitaire, désormais appliqué aux gestes de la vie quotidienne, organise le contrôle des uns par les autres et porte atteinte au droit du travail en permettant des licenciements pour raisons sanitaires.

Cet usage du contrôle, de la contrainte, de ce qui peut être vécu comme une forme de chantage, enclenche dans les rapports sociaux des dynamiques qui nous inquiètent, pour ce qu'elles tracent comme perspectives de société. Ces choix aux effets contradictoires ne jouent pas sur les bons ressorts et signent un renoncement à créer la confiance et à construire l'émancipation partagée.

Ainsi appelons-nous à ne pas nous diviser à cause de ces mesures, mais à faire corps contre le virus et à combattre fermement les projets antisociaux annoncés, dont celui de démantibuler d'autorité le droit à la retraite – il n'était certainement pas nécessaire de revenir sur cette question il y a quelques jours.

Si nous souscrivons à l'objectif sanitaire affiché, nous n'adhérons pas aux moyens choisis. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'opposera donc à un projet de loi qui n'apporte pas les bonnes réponses, qui tend à nouveau à proroger l'état d'urgence sanitaire et qui, par surcroît, laisse de côté des enjeux essentiels, comme celui de la vaccination à l'échelle mondiale.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.