Au premier rang de ces solutions bancales, il y a le passe sanitaire – dans la version que vous proposez, s'entend, et j'insiste sur cette précision. Vous inventez un passe sans jamais avoir défini une règle au préalable. Au contraire, dans un État de droit, c'est une fois que la règle a été définie que l'on imagine des sanctions en cas de transgression de celle-ci.
Pour notre part, nous sommes très clairs : nous demandons la vaccination obligatoire pour tous les adultes ; nous demandons qu'elle se fasse de manière concertée et constructive cet été ; nous demandons un point d'étape au 1er octobre. Vacciner de manière concertée, cela suppose par exemple que les caisses primaires d'assurance maladie contactent dès aujourd'hui toutes les personnes de plus de 50 ans non vaccinées, puis celles ayant entre 40 et 50 ans, et ainsi de suite. Cela suppose de prévoir des bus de vaccination qui se déplacent dans les communes, ainsi que des facilités pour la vaccination, comme le fait par exemple l'Italie au bord de ses plages. Cela suppose enfin et surtout de disposer des doses nécessaires pour vacciner les 20 millions de Français qui n'ont pas encore reçu leur première dose et les 28 millions qui n'ont pas encore reçu la seconde. Sur ce point, madame la ministre déléguée, il faut que vous nous éclairiez. M. Véran a indiqué hier que le pilotage des opérations ne dépassait pas trois semaines ; cette réponse n'est pas acceptable.
Si nous sommes d'accord avec vous concernant la vaccination, les modalités de votre passe sanitaire nous posent problème ; ce sont leurs éventuelles évolutions qui décideront de notre vote.
Le premier problème est celui de l'unité du pays, que, pour notre part, nous cherchons à favoriser. La vaccination obligatoire pour tous les adultes que nous proposons a vocation à s'appliquer de manière uniforme. Au contraire, avec votre passe, vous divisez les Français : il y aurait les bons Français d'un côté, les mauvais de l'autre, les uns se défiant des autres. Cette cassure est dangereuse. La vaccination obligatoire a un autre avantage : elle est inclusive. Elle garantit un vrai pilotage par l'État, ce qui permet notamment de réduire les inégalités territoriales dans l'accès au vaccin. Peut-on se satisfaire que certains départements comptent près de deux fois moins de vaccinés que d'autres ? Non ! En n'assumant pas d'obliger les Français à se faire vacciner, vous renoncez à la mission de pilotage global de la santé publique qui vous a été confiée et qui impliquerait par exemple de demander aux caisses primaires d'assurance maladie de relancer les personnes non vaccinées par téléphone. S'il fallait résumer notre différence de vision, je dirais que nous sommes pour la vaccination obligatoire, qui inclut, et que vous êtes pour le passe sanitaire, qui exclut.
Deuxième problème, sur lequel j'insiste : vous ne pouvez sanctionner les Français qui ne seraient pas vaccinés, si vous ne disposez pas de doses en nombre suffisant. La réponse que m'a fournie hier le Premier ministre montre que le nombre de doses est suffisant ; celle de M. Véran, selon laquelle vous pilotez les opérations avec une visibilité de trois semaines, n'est pas acceptable aujourd'hui.
Troisième problème : si nous sommes d'accord avec le principe de la vaccination obligatoire des soignants, c'est à la seule condition que le Gouvernement soit en mesure de les vacciner et de leur proposer une première dose avant 18 août, afin qu'ils échappent aux sanctions dont vous prévoyez l'application à partir du 15 septembre.
Quatrième problème : pour faire fonctionner votre passe, vous vous appuyez sur les salariés des restaurants, des cafés, ainsi que sur les bénévoles qui organiseront des manifestations cet été, en leur demandant de contrôler les personnes qui souhaitent accéder à leur établissement ou à leur manifestation. S'ils refusent d'effectuer ces contrôles, vous leur imposerez une amende de 1 500 euros, puis, s'ils récidivent, de 9 000 euros. Vous faites ainsi porter à d'autres la responsabilité qui vous incombe, en matière de respect des règles communes. C'est pour nous inacceptable.
Enfin, votre passe sanitaire crée un faux sentiment de liberté et de sécurité, puisque le fait d'être vacciné ou de disposer d'un test négatif n'écarte pas à 100 % la possibilité d'être contaminé. Dès lors, suggérer aux Français qu'ils peuvent abandonner les gestes barrières s'ils disposent d'un passe sanitaire, comme vous l'avez fait hier en publiant un décret dispensant du port du masque dans les lieux, y compris clos, où le passe est obligatoire – j'ai cité hier l'exemple du musée du Louvre –, est totalement irresponsable.
Nous attendons que le texte évolue sur l'ensemble de ces points.