Ce qui doit nous inquiéter tout autant que la maladie, c'est l'accoutumance, l'accoutumance à l'urgence, l'accoutumance à l'extrême précipitation pour voter des textes, l'accoutumance à autant de privations de liberté, l'accoutumance à une parole publique qui ne vaut plus rien, qui, un jour, jure que le port du masque est inutile et qui ensuite l'impose, qui, un jour, jure qu'il n'y aura pas d'isolement contraint des patients et qui ensuite le demande, qui, un jour, jure qu'il n'y aura pas de passe sanitaire et qui aujourd'hui l'inscrit dans la loi.
Oui, ce qui doit nous inquiéter autant que la maladie, c'est l'accoutumance, l'accoutumance à la faillite de certains principes auxquels il y a quelques mois encore nous étions les uns et les autres résolument attachés, l'accoutumance à une société de contrôles permanents, notamment des contrôles effectués par des professionnels de la restauration, dont, il y a encore quelques mois, nous n'aurions jamais imaginé qu'ils puissent devenir des vérificateurs d'identité et de données sanitaires.
Ce qui doit nous inquiéter, c'est l'accoutumance à une forme de déresponsabilisation de nos concitoyens : tout dans ce texte pousse à les déresponsabiliser ; en réalité, vous ne croyez pas, madame la ministre déléguée, monsieur le ministre, qu'ils puissent faire preuve de responsabilité. Ce qui doit nous inquiéter, c'est encore la fracturation de la société.
Comme le président l'a dit tout à l'heure, la loi dont nous discutons n'est pas une loi banale : elle transformera durablement notre société, au-delà de la situation sanitaire. La solution de facilité, c'est le passe sanitaire ; le courage eût consisté à chercher à installer un climat de confiance dans notre pays, ce que vous avez été incapables de faire, par faiblesse. Je ne peux imaginer que ce texte dessine les contours de la société des années à venir. C'est la raison pour laquelle, par principe, je m'y opposerai de toutes mes forces.