Au lieu d'avoir eu le courage de recourir à la coercition, vous avez pris, avec le passe sanitaire, le risque de porter atteinte aux libertés, non aux libertés individuelles que le ministre Véran s'est plu à caricaturer tout à l'heure, mais aux libertés collectives. Vous voulez donner l'impression aux Français qu'ils font usage de leur libre arbitre en se faisant vacciner alors que vous les poussez à faire ce choix en les récompensant par un passe. Vous appliquez une théorie importée des pays anglo-saxons, celle du paternalisme libertarien ou nudge, qui consiste à donner aux gens l'illusion qu'ils décident par eux-mêmes alors qu'on leur impose un choix.
Autre question : faut-il rendre la vaccination obligatoire ? Je ne le pense pas. Les populations à risques ont pu bénéficier d'une vaccination précoce grâce aux vaccins à ARN messager rapidement mis au point et c'est très bien. Mais compte tenu du rapport bénéfices-risques, j'estime que les personnes bien portantes, mineures ou non, qui ne sont pas obèses, qui n'ont pas de raisons de développer une forme grave de covid ou d'en mourir, devraient avoir le choix.
Tout est en fait une question de timing. Cette vaccination obligatoire, je pourrais peut-être moi-même dans quelques mois être amené à la défendre, mais j'estime que nous devons nous donner un peu de temps. Il reste quelques mois avant que ne soient fabriqués des vaccins dits classiques, à protéines recombinantes, dont les effets secondaires seront négligeables par rapport aux bénéfices attendus. Dans ces conditions, il me paraît préférable de retenir une voie intermédiaire qui consiste à n'aller ni vers la solution liberticide du passe sanitaire ni vers une vaccination obligatoire. Poursuivons la vaccination des populations à risques avec les armes que nous avons, continuons à développer notre connaissance du SARS-CoV-2, temporisons pour la vaccination des populations qui ne sont pas à risques et gardons comme objectif une couverture vaccinale efficace.