Alors que la violence et le harcèlement dans le monde du travail constituent un phénomène massif et en croissance, celui-ci n'est devenu que récemment un sujet de préoccupation des institutions internationales. Rendons-nous compte qu'il n'existait pas, avant cette convention, de définition universellement admise en droit international des notions de violence ou de harcèlement dans le monde du travail, alors qu'environ 16 % des travailleurs déclaraient en 2015 être exposés à des incivilités et à des violences au travail, chiffre s'élevant à 30 % chez les femmes.
L'attitude volontariste de nombreux acteurs pour mettre cette question à l'agenda, notamment celle des organisations syndicales à l'origine des négociations de l'OIT sur cette convention, doit être saluée. Nous nous félicitons également que la France ait été à l'initiative durant ces négociations. À la demande des États membres de l'Union européenne, elle a été la porte-parole de celle-ci et un membre du comité de rédaction des conclusions. Elle a notamment défendu une position de compromis tout au long des travaux de cette organisation que sa structure tripartite rend si spéciale. Cela témoigne de l'engagement incontestable de notre pays sur cette question.
La Convention n° 190 de l'OIT est la première norme internationale sur la question de la violence et du harcèlement au travail. Elle pose un principe, elle définit une méthode fondée sur la concertation de toutes les parties prenantes, elle se donne des obligations de moyens.
Pour lutter contre le phénomène de violence et de harcèlement dans le monde du travail, la convention promeut une réponse globale, qui repose notamment sur la formation des managers à l'accompagnement des victimes, sur la prévention, sur la protection et sur la garantie de moyens de recours et de réparation. Elle appelle par ailleurs à une vigilance renforcée à l'égard des travailleurs les plus exposés à la violence du fait de leur appartenance à certains groupes vulnérables, de leurs conditions de travail ou de leur secteur d'activité. Elle s'applique à tous les travailleurs, qu'ils soient salariés du secteur privé ou public, stagiaires ou bénévoles.
Le texte impose par ailleurs aux États d'adopter une approche inclusive, intégrée et tenant compte des considérations de genre, afin de prévenir et d'éliminer la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Il pose également une obligation de moyens. Les États devront prendre des mesures visant à garantir des moyens de recours et de réparation, et les employeurs auront également un rôle à jouer en matière de prévention de la violence et du harcèlement. Toutes ces dispositions vont dans le sens d'une responsabilisation de chacun et à tous les niveaux pour lutter contre les violences et le harcèlement au travail.
L'Union européenne aura la charge d'émettre un avis favorable ou défavorable à la ratification de cette convention, mais il est de notre devoir de voter ce projet de loi de ratification. Nous avons en effet l'occasion de donner une première application aux principes défendus lors du Forum génération égalité il y a quelques semaines, et de continuer à tracer des lignes claires dans la lutte contre toutes les formes de violence. La France disposant d'un cadre normatif récemment renforcé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, son cadre légal et réglementaire est en adéquation avec les exigences posées par la Convention, ce qui n'exclut naturellement pas la possibilité d'aller plus loin.
Les négociations au sein de l'Organisation internationale du travail ont abouti à un large consensus, plus des deux tiers des suffrages exprimés ayant approuvé la Convention et la recommandation, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. Nous espérons que le même consensus se retrouvera dans le vote de notre assemblée. Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés y contribuera naturellement.