À l'heure où le Gouvernement pousse à l'adoption de ce projet de loi, qui devrait d'ailleurs plutôt être renommé « de prolongation de l'état d'urgence sanitaire », visant à durcir les règles du passe sanitaire pour inciter le plus grand nombre à la vaccination, plusieurs lignes de fracture vaccinale traversent le pays : un territoire bien vacciné dans l'ouest et le nord, mais un retard dans le sud-est ; un taux de vaccination supérieur dans les villes que dans les périphéries et dans les communes aisées que dans les communes les plus défavorisées. C'est à cette triple fracture vaccinale que le Gouvernement devrait s'attaquer. Cela devrait être sa priorité : lutter contre les inégalités sociales et les inégalités de santé. Se vacciner, c'est protéger sa santé et sa liberté, et c'est aussi protéger la santé et la liberté des autres.
C'est pourquoi, face à la progression du variant qui fait peser un risque de reconfinement, il aurait été important de franchir clairement une nouvelle étape avec la vaccination universelle et massive contre le covid. Cette mesure aurait pu être progressive, concerner l'ensemble de nos concitoyens et ne pas stigmatiser une ou deux professions.
Force est de constater que la carte du décrochage vaccinal est aujourd'hui un quasi-décalque de la carte des inégalités socio-économiques. Or le projet de loi qui nous est soumis prévoit une extension du passe sanitaire dans les cafés et restaurants, les foires et salons, les établissements médicaux, les avions, trains et cars sur les longs trajets, mais pas dans le métro ni dans le bus. Il prévoit l'extension aussi dans les lieux de culture, les cinémas et les concerts, mais pas dans les lieux de culte. Les usagers de clubs sportifs ou d'ERP accueillant plus de cinquante personnes sont soumis à l'obligation vaccinale, mais pas les bénévoles. Les soignants, les professionnels travaillant auprès des personnes âgées et les sapeurs-pompiers y sont soumis, mais pas la police.
Comment voulez-vous que nos concitoyens s'y retrouvent ? Ce système risque surtout de mener à une France à deux vitesses : celle du passe sanitaire et celle des sans-passe, avec, à coup sûr, les conditions sociales et de revenu comme ligne de démarcation. Nous voulons tout le contraire : nous voulons une vaccination massive et inclusive. Malheureusement, le texte du Gouvernement ne le prévoit pas.