Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 15 avril 2021 à 9h00
Partenariat stratégique entre l'union européenne et le japon — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Le présent accord de partenariat stratégique a vocation à remplacer le plan d'action conjoint conclu en 2001 entre l'Union européenne et le Japon. Il vise à renforcer la coopération entre les parties dans plus de quarante domaines, notamment l'environnement, la sécurité, la coopération judiciaire, la science et la technologie. Il s'articule plus particulièrement autour de quatre objectifs : la contribution commune du Japon et de l'Union européenne à la paix ; la promotion des valeurs et principes de la démocratie, de l'État de droit et des droits humains ; la coopération politique bilatérale au sein des organisations internationales ; l'intensification des réunions entre l'Union européenne et le Japon sur l'ensemble des sujets.

Le Japon est un allié de la France dans la région, et nous ne pouvons que nous satisfaire d'un tel accord. Alors que l'autoritarisme et le nationalisme se développent de façon inquiétante dans le monde, particulièrement en Asie, cet accord de partenariat stratégique permet de réaffirmer nos liens avec une démocratie partenaire. L'Union européenne et le Japon entretiennent des relations économiques étroites, et ce texte permet d'ancrer le fait que cette relation se fonde aussi sur des valeurs partagées.

Par ailleurs, cet accord permettra un renforcement de la relation bilatérale qu'entretiennent nos deux pays, sachant que le Japon est déjà le premier investisseur asiatique en France et qu'il est un partenaire important dans plusieurs domaines, notamment le nucléaire civil.

Du point de vue du groupe Libertés et territoires, l'affirmation de nos relations avec le Japon est nécessaire eu égard au contexte géopolitique dans la zone Asie-Pacifique. Un grave renversement du monde s'opère sous nos yeux en direction de l'Asie, et la région indo-pacifique est en passe de devenir le nouveau cœur économique et stratégique planétaire. La Chine, notamment, y avance ses pions par le biais de revendications territoriales, du développement d'infrastructures à marche forcée, de prise de concessions portuaires dans les pays de la zone. Elle développe, dans la région, son influence et sa supériorité financière et technologique.

Le Japon a théorisé dès 2007 le concept d'Indo-Pacifique libre et ouvert pour sauvegarder ces « mers de liberté » – selon la formule du premier ministre de l'époque Shinzo Abe. La France est désormais le seul État membre de l'Union européenne présent dans le Pacifique et le premier pays à s'être doté d'une stratégie indo-pacifique. La doctrine française de liberté maritime est en parfaite cohérence avec celle exposée par le Japon. Ainsi, la France et l'Union européenne doivent jouer un rôle plus important dans la zone et privilégier des alliés avec lesquels nous partageons un socle de valeurs communes. Le dialogue quadrilatéral pour la sécurité entre l'Inde, les États-Unis, l'Australie et le Japon s'affirme de plus en plus dans la zone. La France, qui a déjà montré son intérêt, et l'Union européenne doivent prendre une part plus importante dans ce dialogue ; une véritable stratégie pour l'Indo-Pacifique doit être conçue à l'échelle de l'Union européenne.

Pour revenir au projet de loi en discussion, nous souhaitons toutefois émettre un regret. Seul cet accord de partenariat stratégique est soumis au Parlement ; l'accord de partenariat économique, le JEFTA, pourtant signé en même temps, ne sera pas soumis à la ratification des parlements nationaux. Nous trouvons assez problématique, pour ne pas dire regrettable, de ne pouvoir nous prononcer à son sujet sous prétexte que la politique économique est de la compétence exclusive de l'UE, d'autant que les accords de libre-échange ont des répercussions très importantes sur le terrain. Le JEFTA comporte en outre des impasses dommageables sur les questions environnementales, sachant que le Japon pratique à grande échelle le trafic de bois illégal ou la chasse à la baleine.

L'Assemblée devrait avoir à se prononcer sur ce type d'accord international. On ne peut sous-estimer l'impact direct de la mondialisation dans la vie quotidienne des entreprises et des régions françaises. Les accords internationaux et l'ouverture économique portent en eux des germes de paix et de progrès, mais nous tenons à affirmer une fois de plus que la libéralisation des échanges ne devrait être décidée qu'à la lumière des conséquences économiques et sociales qu'elle implique pour les territoires. En définitive, malgré ces regrets, nous voterons en faveur de la ratification du partenariat stratégique, parce qu'il permet de renforcer la coopération et la défense de nos valeurs communes avec une démocratie alliée.

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