Intervention de Anne Genetet

Séance en hémicycle du jeudi 15 avril 2021 à 9h00
Accord-cadre entre l'union européenne et l'australie — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne Genetet, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Permettez-moi tout d'abord de saluer la mémoire de Marielle de Sarnez, devant laquelle j'avais présenté mon rapport le 19 février 2020. Sous sa présidence, la commission des affaires étrangères s'était alors prononcée en faveur de l'adoption de ce projet de loi. Permettez-moi aussi d'adresser au peuple australien mes vœux de prompt rétablissement au lendemain de la crise sanitaire qui l'a également frappé ; je le sais sur la bonne voie. Mais je déplore le blocage par la commission européenne des exportations de vaccins contre le coronavirus vers l'Australie. La sortie de crise sera mondiale ou ne sera pas. Un partenariat à géométrie variable ne me semble pas cohérent avec l'accord que je vais maintenant vous présenter.

Mais avant cela, permettez-moi de vous emmener là-bas avec ce court poème, écrit en 1908 par la grande poétesse australienne Dorothea Mackellar :

J'aime un pays brûlé par le soleil,

Terre de vastes plaines,

De chaînes de montagnes déchiquetées,

De sécheresse et des inondations.

J'aime ses horizons lointains,

J'aime le bijou qu'est sa mer,

Sa beauté et sa terreur

La grande terre brune pour moi !

Oui, ce pays est magnifique, ce pays est attachant. Comme députée des Français établis en Australie, en Nouvelle-Zélande et dans les autres pays de la région, je sais aussi l'histoire avec un grand H, la force des liens qui nous unissent et des valeurs que nous partageons. L'Union européenne a déjà noué avec les États insulaires du Pacifique de multiples partenariats, axés sur le développement, la pêche et le changement climatique. Elle a aussi fait du Forum des îles du Pacifique un interlocuteur privilégié.

L'Australie a ratifié le présent accord-cadre le 4 septembre 2018 ; nos partenaires australiens, je peux vous en assurer, sont impatients de nous voir leur emboîter le pas. Leur ambassadrice, Mme Gillian Bird, que je salue, me l'a confirmé lorsque je l'ai rencontrée hier. Rappelons qu'il s'agit d'un accord dit mixte, c'est-à-dire concernant un domaine de compétence partagé entre l'Union européenne et les États membres ; il doit donc être ratifié par les parlements nationaux. Il a pour objet, M. le ministre l'a souligné, de renforcer l'assise juridique et le champ des relations de l'Union avec son partenaire australien dans un vaste panel de domaines : innovation, formation, éducation, culture, mais aussi coopération judiciaire, aide humanitaire, questions de migration et d'asile, ou encore lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, la cybercriminalité et la prolifération des armes de destruction massive. Il doit être bien distingué de l'accord commercial en cours de négociation ; les deux accords n'ont aucun rapport. La ratification du présent accord-cadre n'exige pas et n'empêche pas davantage la conclusion d'un accord commercial.

Alors pourquoi cet accord est-il utile ? Les Australiens considèrent qu'une Union européenne forte est essentielle. De nombreuses personnalités australiennes que j'ai rencontrées ont souligné la dépendance actuelle de leur pays vis-à-vis de ses voisins, notamment la Chine. Celle-ci demeure le premier partenaire économique de l'Australie, qui cherche précisément à réduire sa dépendance et à prévenir les effets dommageables d'une guerre commerciale sino-américaine. L'Australie ambitionne donc de diversifier ses partenariats et ses collaborations ; l'Union européenne se doit de répondre à ces ambitions. Pour cette dernière ensuite, il est bon de chercher à renforcer la présence européenne dans cette région immense et dynamique que constitue la zone indo-pacifique, notamment en resserrant nos liens avec un pays partenaire et ami comme l'Australie.

Tous les analystes s'accordent à reconnaître que la région indo-pacifique a déjà pris, et continuera à prendre, une importance majeure du point de vue de l'influence politique et diplomatique et de la puissance militaire, au point que l'on a parfois parlé à cet égard de « basculement du monde ».

Pour la France enfin, l'Australie constitue un partenaire stratégique, comme l'a illustré le déplacement du Président de la République en mai 2018, ainsi que son invitation, en août 2019, dans son discours prononcé devant la conférence des ambassadeurs, à « se mobiliser pleinement pour construire une stratégie française dans l'axe indo-pacifique ». La France est en effet le seul État membre présent territorialement dans la zone Océanie-Pacifique depuis la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. J'ajoute que les coopérations prévues par l'accord impliqueront, de manière forte, la Nouvelle-Calédonie, qui dispose déjà d'une diplomatie régionale active et dont le Congrès n'a formulé aucune opposition à la ratification de cet accord. D'ailleurs, son statut de membre à part entière du Forum des îles du Pacifique et de la Communauté du Pacifique – ce qui n'est pas le cas de l'Union européenne – justifie le souhait du président de son gouvernement d'être partie prenante des instances de dialogue politique, en matière de politique étrangère et de sécurité.

Quelles dispositions contient plus précisément cet accord ? Il formalise un dialogue qui n'était régi jusqu'à présent que par un simple cadre de partenariat, adopté en octobre 2008, sans valeur contraignante. Par exemple, le titre II met en avant la volonté des parties de renforcer leur dialogue, par le biais de consultations et d'échanges réguliers, au niveau des dirigeants ou des administrations.

Les titres suivants posent des engagements de dialogue dans une série de domaines de coopération : le développement mondial et l'aide humanitaire, l'économie, le commerce, la justice, la liberté et la sécurité, la recherche, l'innovation et la société de l'information, l'éducation et la culture, ou encore le développement durable, l'énergie et les transports.

L'accord prévoit l'existence d'un mécanisme de règlement des différends destiné à résoudre d'éventuelles difficultés d'interprétation ou d'application. Mais seule une violation particulièrement grave des dispositions relatives aux principes démocratiques, aux droits humains ou aux libertés fondamentales pourrait conduire à la suspension de son application.

L'accord comprend de nombreux engagements en matière de protection de l'environnement, de développement durable, de préservation des ressources naturelles et de la diversité biologique, de protection de la faune et de la flore, de gestion durable des forêts, de lutte contre la pêche illicite. L'article 46 est notamment consacré à la reconnaissance de la menace mondiale commune que constitue le changement climatique. L'accord contient un engagement « à œuvrer ensemble pour parvenir à un accord international sur le climat, solide, juridiquement contraignant et applicable à tous les pays ». On reconnaît là une esquisse de ce qui est devenu l'accord de Paris sur le climat, mais l'accord-cadre ne mentionne pas ce dernier, car il a été paraphé avant sa signature.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.