À la suite de l'accord trouvé par les députés et les sénateurs réunis en CMP, l'Assemblée nationale examine aujourd'hui le texte issu de leurs travaux, qui a d'ores et déjà été adopté par le Sénat. Mon collègue et ami Sébastien Lecornu, qui s'est pleinement investi dans un texte si important pour les Guadeloupéens, ne pouvait malheureusement pas être présent cet après-midi. Sans avoir pris part à vos travaux, c'est bien volontiers que je lis les mots qu'il a préparés à votre intention.
Madame la rapporteure, permettez-moi de saluer votre engagement, mais aussi – dans l'esprit républicain que vous avez évoqué – celui de votre groupe, des élus ultramarins, de toute la représentation nationale, de même que celui du Sénat, de sa rapporteure et de toutes les parties prenantes qui ont soutenu avec courage et dignité, et dans le dialogue, ce texte ambitieux. En assurant l'adoption de cette proposition de loi chacun dans votre hémicycle, vous avez su être les porte-voix du quotidien des Guadeloupéennes et des Guadeloupéens, puisque c'est bien ce dont il est question.
Ce texte pragmatique et concret vise à résoudre des difficultés très fortes que connaît votre île. Il s'agit de mettre un terme à une situation dans laquelle 100 000 Français sont régulièrement victimes de coupures d'eau, parfois pendant plusieurs jours, et ce – c'est là tout le paradoxe – malgré des ressources abondantes. Malheureusement, 65 % de l'eau qui entre dans le réseau est perdue à cause de la vétusté des installations. Ce n'est pas acceptable et cela résume le bien-fondé, qui n'est plus à démontrer, de la proposition de loi. Si l'État n'est pas compétent, il est présent et il prend toute sa part : en 2020, 6 millions d'euros ont ainsi été investis par l'État pour des réparations d'urgence afin de résorber plus de 4 000 fuites. Depuis 2014, les gouvernements successifs ont fléché 90 millions d'euros pour des investissements lourds sur le réseau, et 30 millions sont prévus pour 2021 et 2022. Enfin, l'État sera présent aux côtés des élus compétents pour les accompagner dans la mise en œuvre du nouveau syndicat unique.
Dans ce dossier, l'exigence de vérité – tout entière et toute crue – est un impératif. Aussi, permettez-moi de le dire : l'argent ne suffira pas, à lui seul, à construire un service public de l'eau et de l'assainissement qui fonctionne ; il faut également une gouvernance adéquate. C'est la raison pour laquelle, sans priver les élus locaux de leurs prérogatives, ce sujet appelle notre mobilisation collective pour poser les bases saines d'une nouvelle gouvernance de l'eau en Guadeloupe, qui permettra d'offrir à ses habitants un service de qualité, tout en assurant, dans le respect des compétences de chacun, la mise en œuvre de nos engagements en matière de protection de l'environnement et de bonne gestion des ressources naturelles. Ce texte a pour objectif d'accompagner la volonté de transformation partagée par tous, en mettant en œuvre le principe d'une structure unique de l'eau et de l'assainissement. Les conclusions de la CMP sont une nouvelle preuve de la volonté de tous les acteurs d'avancer ensemble. Nous le devons à nos concitoyens de Guadeloupe, qui attendent que 2021 soit enfin l'année des résultats.
Avec ce texte, le Parlement a fait un premier pas très important et nécessaire pour atteindre l'objectif qui nous anime : assurer le retour de l'eau dans les robinets de tous les habitants de la Guadeloupe. La proposition de loi contient des réponses qui doivent faire avancer, de manière concrète, cet objectif. Cela passe par une réponse institutionnelle, démocratique et responsable.
Réponse institutionnelle d'abord, avec la création d'un syndicat unique pour la gouvernance de l'eau et de l'assainissement, synonyme de solidarité, qui répond à une demande forte et consensuelle. Cela était nécessaire, face à une gouvernance qui – disons-le –, pendant longtemps, n'a pas vraiment joué son rôle. Pour sortir d'un schéma dans lequel certains syndicats sont devenus inopérants, la structure unique prévue par la proposition de loi mettra en œuvre une gouvernance de long terme qui permettra de rassembler tout le monde au nom de l'intérêt général, et de mutualiser la ressource en eau et la capacité d'investissement qui sont aujourd'hui inégalement réparties.
Après l'aspect institutionnel vient la réponse démocratique à travers l'association de la société civile et, singulièrement, des usagers. Pour que la solution proposée par cette exigeante proposition de loi soit viable, le syndicat unique doit être représentatif, et il le sera : avec les élus locaux, qui siégeront au sein du conseil syndical ; mais aussi avec les usagers, qui disposeront d'un droit de regard sur l'action de leurs élus et dont la parole sera indispensable pour que ce service public soit efficace. Cette structure devra également laisser une place importante au débat afin d'agir, en lien avec les services de l'État, au profit de toutes les Guadeloupéennes et de tous les Guadeloupéens.
Enfin, la réponse doit être responsable pour rassurer et pour répondre aux inquiétudes suscitées par la création du syndicat unique, qui ne sera évidemment pas sans conséquence. S'il n'est pas envisageable que ce nouveau syndicat se crée avec des effectifs pléthoriques – qui mettraient sa viabilité financière en péril, ce qui ne manquerait pas de se répercuter sur les factures d'eau des usagers –, il n'est pas non plus envisageable de laisser des personnels sur le carreau. Comme l'a indiqué le ministre des outre-mer, une solution sera trouvée pour tout le monde, soit au sein de la nouvelle structure ou des EPCI qui en sont membres, soit en négociant des départs volontaires, ce dernier mot étant évidemment très important. Une cellule dédiée a été activée par l'État sur le sujet afin d'accompagner le travail de mise en place d'un plan de départs volontaires, notamment à la retraite.
Pour que ce nouveau syndicat unique parte sur des bases saines, la question de la dette est évidemment une préoccupation importante. La proposition de loi a dû y répondre, en établissant un principe simple et de bon sens : seules les dettes bancaires seront reprises. Les dettes fournisseurs sont donc exclues du dispositif. Elles devront être honorées par les EPCI concernés, notamment grâce aux créances. Nous avons conscience des graves difficultés financières que cela pourrait entraîner pour certains EPCI. Là encore, Sébastien Lecornu s'est engagé, à cette tribune, à ce que la dette demeure soutenable pour les EPCI, qui auront un rôle primordial dans la nouvelle structure.
Mesdames et messieurs les députés, cette initiative parlementaire portée avec courage par Mme la rapporteure est un premier pas qui, face à l'urgence, apporte des solutions concrètes. Là où, jusqu'à présent, le problème faisait naître de la division, ce premier pas rassemblera sous la bannière de l'intérêt général cette belle île de Guadeloupe. La création d'un syndicat unique de l'eau constitue un nouveau départ. C'est ce que la politique fait de mieux : le concret pour nos concitoyens. Nous invitons tous les élus locaux à avancer sur sa préfiguration dès le lendemain de l'adoption du texte, et avant même les échéances électorales. Comme tout texte législatif, la proposition de loi n'est pas une fin en soi : elle engage les collectivités locales et l'État à transformer les paroles en actes et à assumer leurs responsabilités afin d'obtenir les résultats que nos concitoyens attendent depuis trop longtemps. C'est un texte populaire, fait pour les Guadeloupéens, auquel je suis très fier – tout comme le ministre des outre-mer – d'apporter mon concours.