Je prends la parole en lieu et place de ma collègue Hélène Vainqueur-Christophe, qui ne peut être présente aujourd'hui. C'est elle qui a suivi, pour le groupe Socialistes et apparentés, ce sujet ô combien vital pour l'archipel guadeloupéen, se montrant particulièrement impliquée et s'attelant à améliorer le texte. Elle l'a fait, je crois, en bonne intelligence avec notre rapporteure, qui a efficacement défendu en CMP les avancées votées par l'Assemblée, malgré le maintien de certaines suppressions du Sénat.
Devons-nous pour autant nous satisfaire de l'aboutissement de ce projet ? Nous aurions préféré que l'État, qui a pris seul l'initiative de cette opération, aille au bout de sa démarche ; ce n'est pas le cas. Au-delà de la question, certes importante, de la gouvernance, une kyrielle de questions restent pendantes.
Que faire face au nœud du problème – le passif des actuelles structures et des dettes fournisseurs ? Le texte demeure muet et rien n'est réellement réglé. À l'Assemblée, vous avez certes accepté, sans que cet engagement ait une valeur juridique, de faire remonter uniquement 44 millions d'euros de dettes financières dans le futur syndicat, mais de quelles sommes parlons-nous concrètement ? Q uid du total de 191 millions de la dette ? Quelles garanties donnez-vous aux engagements verbaux pris ici à l'égard de la centaine de salariés du syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe (SIAEAG) ? Tout cela concerne naturellement le passé et le présent, mais aussi l'avenir : il reste encore 700 millions d'euros à trouver. Au vu de la situation financière de ce dossier, disons clairement que le principe « l'eau paie l'eau » ne pourra tout simplement pas s'appliquer à court terme.
Dès lors, l'État doit s'engager. L'État doit donner au nouveau syndicat les moyens de trouver une soutenabilité et une rentabilité financières. Cette période de crise vous offre plusieurs outils : plan de relance, création de structures de défaisance ou, mieux encore, une garantie d'État sur trente ans de 500 millions d'euros de prêts aux collectivités. En rejetant ces options proposées à maintes reprises par notre groupe, l'État commet une erreur gravissime. À l'heure où les milliards pleuvent, nous y voyons un risque de non-assistance à un peuple en danger. Bien sûr, l'eau est une compétence locale ; jamais, pourtant, l'État n'a reconnu que dans une période plus ancienne, le contrôle de légalité a manifestement failli.
Malgré ces remarques de fond, nous restons réalistes : ce texte comporte bel et bien une plus-value, celle de passer outre la volonté des acteurs locaux pour faire avancer les choses. L'honnêteté commande en effet de constater que jusqu'ici, toutes les tentatives locales de création d'une autorité unique de gestion des eaux ont échoué. Reconnaissons donc à ce texte le bénéfice de forcer les élus à s'entendre pour avancer, même si nul ne peut ignorer le risque de censure constitutionnelle. Nous demandons par ailleurs que le Gouvernement nous dise aujourd'hui ce qu'il adviendra dans les prochaines semaines du syndicat mixte local (SMO), avalisé par le préfet en parallèle au projet de syndicat proposé par le texte. Il y a là un jeu de dupes qu'il faudrait tôt ou tard élucider.
Enfin, ma collègue souhaiterait vous voir détailler les garanties que vous donnerez pour assurer la pérennité du mode de gestion de l'eau sous forme de régie, à Trois-Rivières. Créer un syndicat unique sans prendre en compte la situation financière des régies municipales bien gérées peut en effet créer à terme d'autres problèmes.
En dépit de ces nombreuses remarques et avertissements, le groupe Socialistes et apparentés votera ce texte. J'ai également entendu vos réponses, monsieur le ministre.