Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 15 avril 2021 à 15h00
Services publics d'eau potable et d'assainissement en guadeloupe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Depuis 2010, l'accès à l'eau potable est reconnu droit humain fondamental par l'Organisation des Nations unies (ONU). En France, le fait que chaque personne puisse avoir accès à l'eau potable à son domicile est également l'un des droits fondamentaux. Toutefois, cet accès à l'eau potable est aujourd'hui très insatisfait en Guadeloupe : ce territoire, pourtant très riche en eau, rencontre de grandes difficultés dans la gestion de l'approvisionnement. Les coupures y sont fréquentes et affectent la majorité des Guadeloupéens. Par ailleurs, le prix de l'eau est le plus élevé de France alors même que la région est relativement pauvre. De nombreux Guadeloupéens ont ainsi des difficultés à payer leur facture d'eau. Globalement, le système d'eau guadeloupéen est qualifié de très inefficace par les indicateurs de la Banque mondiale.

Plusieurs explications sont avancées pour justifier cette défaillance grave, parmi lesquelles la vétusté du système de distribution, l'insuffisance des investissements ou encore une déperdition importante. Mais le principal problème est la mauvaise organisation de la gestion du service public de l'eau. La mésentente entre les différents acteurs, notamment entre acteurs publics et privés, est invoquée.

Notre groupe a bien conscience de la difficulté de la situation à laquelle sont confrontés les Guadeloupéens et nous comprenons l'exaspération d'une partie de la population. Ainsi, nous partageons pleinement l'ambition de la proposition de loi. Cette proposition de transformation de la gouvernance de l'eau en Guadeloupe a été repoussée à plusieurs reprises depuis 2018. Réclamée par les syndicats guadeloupéens, ce qui constitue un point positif à nos yeux, elle a été annoncée par le ministre Sébastien Lecornu en novembre dernier.

Nous saluons les ajouts adoptés en commission des lois de notre assemblée pour permettre une meilleure prise en compte de la société civile dans la gestion publique de l'eau, avec la création d'une commission de surveillance placée auprès du syndicat mixte, composée de représentants des syndicats et d'associations locales. Nous nous satisfaisons aussi des apports du Sénat pour assurer une meilleure représentation des élus locaux et renforcer les prérogatives de cette commission. Nous regrettons néanmoins que les représentants des usagers, présents au sein de la commission de surveillance, ne le soient pas également au sein du comité syndical.

Toutefois, si notre groupe partage l'objectif de la proposition de loi et salue l'esprit de consensus transpartisan qui a prévalu lors de la navette parlementaire, nous souhaitons renouveler plusieurs remarques. Tout d'abord, pour ce qui est de la question financière, on parle d'un engagement de l'État de l'ordre de 10 millions d'euros dans le cadre du plan de relance alors que le coût total prévu pour la rénovation du service public d'eau potable est estimé au bas mot à 900 millions d'euros : dans ces conditions, comment la rénovation sera-t-elle financée ? Nous trouvons dommage que le financement ne soit pas davantage détaillé.

Ensuite, cette problématique territoriale aurait-elle vraiment dû se régler à Paris ? À nos yeux, la recherche d'un consensus au niveau local doit toujours primer sur l'imposition d'une norme par le haut. Nous ne considérons pas que la gestion du service public de l'eau potable d'une collectivité territoriale soit du domaine de la loi. Pour nous, ce n'était pas à l'Assemblée nationale de décider de l'organisation interne de la gestion de l'eau en Guadeloupe, mais aux assemblées délibérantes de Guadeloupe. Les Guadeloupéens, comme les habitants d'autres collectivités, doivent demeurer pleinement souverains quant à leur organisation politique interne. Cette position a toujours été la nôtre sur la question de la gestion de la compétence eau et assainissement. Le partage de la compétence ou son transfert à un échelon supérieur doit se faire sur une base volontaire et être mis en œuvre par les collectivités locales elles-mêmes. C'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles il n'y a pas un consensus complet parmi les élus locaux. L'un des EPCI concernés a ainsi annoncé ne pas soutenir cette démarche pouvant être perçue comme brutale et descendante.

En définitive, bien que nous partagions l'ambition de cette proposition de loi, nous allons nous abstenir, car la méthode employée, appuyée par le Gouvernement, est à nos yeux insuffisamment respectueuse de l'autonomie des collectivités locales, à laquelle notre groupe est très attaché. Nous ne désirons pas donner notre aval à un précédent de cet ordre sur une compétence si décentralisée, quand bien même, je le répète, le sujet mérite une action résolue.

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