Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du jeudi 15 avril 2021 à 15h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Présentation

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

…ainsi que pour les députés de tous les groupes, qui ont su se mobiliser pour rendre possible l'évolution historique qui s'annonce. Je vous le dis à tous : rejoignons-nous pour que ce texte soit adopté à l'unanimité, et que plus jamais ne subsiste le doute. On ne touche pas aux enfants !

En quelques mots, vous vous apprêtez à voter, je l'espère, rien de moins que la suppression du critère de consentement pour les relations sexuelles entre un majeur et un mineur de 15 ans ; l'ajout de l'acte bucco-génital à la définition du viol, pour protéger de façon identique les enfants, qu'ils soient fille ou garçon ; la répression du recours à la prostitution des mineurs de moins de 15 ans, considéré comme un viol ou une agression sexuelle ; l'allongement de la prescription en cas de pluralité de victimes – je m'y étais engagé et le dispositif proposé permet un traitement judiciaire égalitaire pour toutes les victimes ; la création du délit de « sextorsion » ; l'extension des condamnations devant être obligatoirement inscrites au FIJAIS – fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes ; le renforcement de la répression de l'inceste par des infractions de viol incestueux et d'agressions sexuelles incestueuses autonomes dans le code pénal, qui protège tous les mineurs.

Parce que la condition d'autorité de droit ou de fait pour les collatéraux n'est pas comprise par certains, je vais être très concret ; un seul exemple doit faire taire les critiques. Imaginez un frère de 17 ans, une sœur de 19 ans, une fratrie déchirée, la mort du père et une mère absente. Le frère a pris l'ascendant et impose sa loi dans la famille ; il finira par imposer des relations sexuelles à sa sœur, pourtant plus âgée. Si vous n'imposez pas au juge de rechercher qui exerce l'autorité de droit ou de fait, alors la victime sera condamnée en lieu et place de son agresseur. C'est proprement impensable !

Alors que le processus législatif arrive, je l'espère, à son terme, notre seule préoccupation doit être désormais d'accompagner les juridictions face au changement de culture qui doit se diffuser dans toute la société. Dès la promulgation de la loi nouvelle, je m'attacherai à diffuser une circulaire d'application, afin que tous les acteurs judiciaires soient prêts à manier les nouvelles incriminations au plus vite et dans les meilleures conditions.

Madame la députée Avia, chère Laetitia, cette circulaire sera aussi l'occasion de préciser, en accord avec votre amendement introduit en première lecture, qu'en matière d'atteinte sexuelle, les parquets doivent être particulièrement précautionneux face aux abus de dénonciation s'agissant de relations consenties mais désapprouvées par des tiers – souvent par les parents. Se présente à nous une nouvelle exigence de pédagogie envers nos concitoyens : nous ne pouvons tolérer les accusations sans fondement, qui pourraient servir de prétexte à faire reculer la protection de certaines catégories de victimes.

Vous l'aurez compris : comme vous, je poursuivrai sans relâche les engagements du Président de la République pour dire aux victimes qu'elles ne sont plus seules, et pour leur dire que nous les entendons. Mesdames et messieurs les députés, en avant !

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