Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du jeudi 15 avril 2021 à 15h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Présentation

Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles :

Nous nous réunissons à nouveau aujourd'hui pour débattre de la proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste. Nous pouvons être collectivement fiers du travail que nous avons accompli. Je pense bien sûr tout d'abord aux associations, dont je veux avant toute chose saluer le travail, elles qui, depuis des années, alertent avec pugnacité sur la réalité de ces crimes sexuels.

Le Gouvernement, de son côté – le garde des sceaux l'a rappelé –, a répondu à la demande adressée le 23 janvier dernier par le Président de la République à Éric Dupond-Moretti et à moi-même : il nous avait demandé de mener une consultation auprès des acteurs judiciaires et de la protection de l'enfance, de formuler le plus rapidement possible des propositions et de les concrétiser.

Tout cela est aussi possible grâce à l'action du Parlement, qui répond ainsi à l'enjeu identifié par de nombreux députés et sénateurs – je salue à mon tour Annick Billon et Marie Mercier, Alexandra Louis, Isabelle Santiago et l'ensemble des députés qui ont légiféré sur ces questions.

Les travaux auront été menés avec célérité et avec efficacité pour répondre à l'urgence posée par le caractère endémique de ces crimes dans notre pays. J'ai donc bien évidemment une pensée pour les dizaines de milliers de victimes qui se sont exprimées, chacune avec ses mots, chacune en fonction de son parcours, de ce qu'elle a traversé et de la relation particulière qu'elle entretient avec les sujets dont nous débattons aujourd'hui ; chacune, donc, dans son individualité et dans sa singularité, qui doivent être respectées en tant que telles.

En ne voulant pas entendre, en ne voulant pas croire, en ne voulant pas dénoncer, en offrant une prise en charge et un accompagnement insatisfaisants, voire défaillants, quand ils n'étaient pas inexistants, et en apportant une réponse pénale parfois inadaptée, nous avons longtemps manqué de considération à l'égard des victimes. La responsabilité des pouvoirs publics est de ce point de vue incontestable.

Au-delà, c'est la société dans son ensemble qui, frappée d'une sorte de cécité, n'avait pas pris la mesure du problème. Avec ce texte, le garde des sceaux l'a rappelé, nous apportons des réponses fortes. D'abord sur la fixation d'un âge en dessous duquel la notion de consentement ne sera même plus en question, conduisant à une répression plus systématique des auteurs. Une réponse également sur le renforcement des dispositifs de prescription, pour que, véritablement, justice puisse être faite. Une réponse aussi sur la reconnaissance de l'inceste comme un crime spécifique, différent du viol sur mineur – en protégeant mieux les enfants contre les crimes sexuels subis au sein même de leur famille, nous franchissons une étape décisive dans l'affirmation de l'interdit social absolu qu'est l'inceste. Ce texte constitue donc une avancée incontestable pour protéger les mineurs des violences sexuelles. Et il ne dit pas autre chose.

Ce n'est pas une régression, ce n'est pas un texte dangereux, comme nous avons pu le lire. Veillons collectivement à ne pas brouiller le message que nous adressons aux victimes. Vis-à-vis d'elles, nous avons un devoir, celui de recréer de la confiance, une confiance brisée par des décennies de déni individuel, de déni institutionnel, de déni collectif. Le retour de la confiance ne repose pas seulement sur le vote de ce texte, évidemment, mais ce texte de progrès y contribuera indéniablement.

C'est en effet un progrès que de mieux protéger les enfants contre le silence et la honte en allongeant le délai de prescription de non-dénonciation de violences sexuelles sur mineur. C'est un progrès que de criminaliser le recours à la prostitution des mineurs de moins de 15 ans en le qualifiant de viol et en le punissant de vingt ans de réclusion. C'est un progrès que de punir jusqu'à dix ans d'emprisonnement le majeur qui demanderait à un mineur de lui envoyer des photos de sa personne dénudée. C'est encore un progrès que de créer un nouveau délit de « sextorsion ». C'est un progrès que d'élargir les infractions inscrites au fichier des agresseurs sexuels. Qui pourrait prétendre que ces dispositions ne protègent pas mieux nos enfants et ainsi décider en responsabilité de ne pas les voter ?

Mais parce que punir ne suffit pas, il nous faut évidemment également prévenir et accompagner. Cette proposition de loi s'inscrit ainsi dans un mouvement indispensable beaucoup plus large qui renvoie aux travaux engagés à la demande du Président de la République le 23 janvier dernier, pour, d'une part, garantir la prise en charge psychologique des victimes – sujet sur lequel nous travaillons avec Olivier Véran –, pour, d'autre part, faire de l'école un espace central de prévention, à travers, notamment, la fixation de deux rendez-vous de dépistage et de prévention contre les violences sexuelles en primaire puis au collège, et cela dès la rentrée 2021, ce à quoi nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer.

Ce travail concerne également l'action lancée par la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, coprésidée par Édouard Durand et Nathalie Mathieu, dont les travaux que nous serons nombreux à suivre avec attention devront déboucher sur la diffusion d'une véritable culture d'interdits en matière d'inceste, sur l'application d'un véritable programme de formation de tous les professionnels en contact avec les mineurs, ou encore sur une meilleure protection des enfants en situation de handicap, cela sur la base, notamment, de propositions qui nous ont déjà été remises par le groupe de travail piloté par Céline Poulet, secrétaire générale du comité interministériel du handicap, et qui associe un certain nombre de personnes en situation de handicap. À cet égard, il est entre autres proposé de rendre obligatoire le recueil du consentement de l'enfant pour chaque intervention sur son corps et de l'associer à toutes les décisions prises en adaptant, en fonction de son handicap, les explications données.

Mesdames et messieurs les députés, nous nous trouvons, j'en suis convaincu – et je sais que vous en êtes convaincus – à un tournant. Ce qui vient de commencer n'est rien de moins qu'un combat culturel que nous devons désormais mener sans relâche pour le remporter. Nous le devons aux victimes qui doivent retrouver une confiance détruite par des années de dysfonctionnements et de déni, nous le devons à nous-mêmes en tant que société. Votre vote marquera le début d'une nouvelle ère de progrès en matière de prévention et de protection des enfants. Nous l'appelions de nos vœux et nous y prendrons tous part pour, in fine, rompre avec une culture de la domination et passer à une culture véritable de la prévention et de la protection.

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