Je souhaite profiter de cette discussion sur l'article 62, sur les intrants chimiques en général et leur impact environnemental, pour vous interpeller, monsieur le ministre et à travers vous, le Gouvernement, sur la question des ouvriers et ouvrières agricoles affectés par la contamination au chlordécone dans les outre-mer.
Le choix d'une agriculture extensive et productiviste s'est traduit par l'usage de toutes sortes de produits phytosanitaires, dont l'un désormais tristement célèbre, le chlordécone. Les pesticides créés à partir de cette molécule organochlorée, ultratoxique et ultra-persistante dans l'environnement ont été massivement utilisés, officiellement pendant plus de vingt ans, entre 1972 et 1993, sous les noms commerciaux de Képone, Curlone ou de Musalone, afin de lutter contre le charançon du bananier.
Or, dès 1975, la toxicité du chlordécone était connue. En effet, un accident industriel, survenu à l'usine de Hopewell en Virginie, a entraîné l'arrêt définitif de son utilisation aux États-Unis. En 1979, le chlordécone est classé comme cancérigène possible par l'Organisation mondiale de la santé. Pourtant, la France a attendu 1990 pour décider de son interdiction, soit vingt ans après la découverte de la toxicité de la molécule.
Aujourd'hui, la communauté scientifique estime que la durée de contamination des sols pourrait atteindre sept siècles, selon leur profil. En outre, d'après une étude publiée par Santé publique France en octobre 2018, plus de 95 % des Guadeloupéens et Guadeloupéennes, et 92 % des Martiniquais et Martiniquaises sont contaminés par le chlordécone. L'exposition au produit, également reconnu comme perturbateur endocrinien, augmente les risques de prématurité ou de troubles du développement cognitifs et moteurs chez le nourrisson ; chez l'adulte, elle est un facteur favorisant le cancer de la prostate.
En septembre 2018, le président Macron avait reconnu symboliquement une forme de responsabilité de l'État français dans l'un des plus grands scandales environnementaux, sanitaires et sociaux de notre pays. Mais, depuis cette déclaration, aucune mesure véritablement concrète n'a été prise. Alors que le chef de l'État avait notamment évoqué la reconnaissance comme maladies professionnelles des pathologies résultant de l'exposition au chlordécone dont sont affectés les ouvriers et ouvrières, ce qui aurait ouvert la voie à une indemnisation des victimes, aucun ni aucune ne bénéficie à ce jour de ce régime.
Je vous interpelle donc, monsieur le ministre. La mobilisation est aujourd'hui très forte dans les territoires d'outre-mer, notamment parmi les ouvriers et ouvrières agricoles, sur ces questions. On ne pourra pas développer l'agroécologie sans ces personnes, qui ont été les premières victimes du chlordécone, comme d'ailleurs d'autres pesticides, en raison d'un choix agricole productiviste. Leur désir d'obtenir justice et réparation mérite toute notre attention.