Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 9h00
Parrainages citoyens pour la candidature à l'élection présidentielle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

La proposition de loi organique relative à l'introduction du parrainage d'un candidat à l'élection présidentielle par 150 000 citoyens, déposée par nos collègues La France insoumise, comporte un fort enjeu politique. Comme le disait l'ancien membre du Conseil constitutionnel Jean-Claude Colliard : « Que la désignation du Président de la République, depuis la révision de 1962, dépende directement du vote des électeurs est un dogme bien établi dans notre vie politique. Mais le dire ainsi sans nuances, c'est oublier un peu vite que le vote est nécessairement déterminé par l'offre politique, autrement dit la liste des candidats admis à concourir. » Ce cadre pose les questions du nombre et de la qualité des parrains, et de la publicité.

Le nombre est celui qu'a proposé la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par M. Lionel Jospin en 2012. Elle affirmait que « les citoyens devraient désormais pouvoir habiliter directement les candidats à l'élection majeure de la vie politique du pays ».

Il y a lieu de rappeler que le rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, créé quelques années plus tôt par le président Nicolas Sarkozy et présidé par Édouard Balladur, avait considéré que « le système actuel de parrainages a[vait] vécu ». Ce comité proposait que seuls les candidats ayant recueilli la signature d'une proportion déterminée des électeurs inscrits soient à même de se présenter à l'élection présidentielle. D'autres propositions avaient envisagé un seuil de 500 000 parrainages. On est encore très loin du nombre retenu au moment de la réforme de 2008 pour le référendum d'initiative populaire, seuil que le même Jean-Claude Colliard a qualifié d'irréaliste.

De nombreuses réflexions et observations ont donc été faites. Des arguments favorables au texte existent. En effet, nous sommes le seul pays où l'élection du Président de la République au suffrage universel se pratique avec un système de parrainage d'élus. Il est vrai qu'il s'agit d'un héritage du temps où le Président était élu par un collège élargi, de 1958 à 1962. Jusqu'en 1976, le nombre de parrainages requis était fixé à 100.

L'échec de la réforme de 1976 à empêcher la multiplication des candidatures par le système de parrainage des élus est un fait. Comme le dit le professeur Dominique Rousseau : « Le mécanisme n'a pas eu l'effet escompté. » D'autant qu'on constate une incapacité à faire une place à des candidats populaires mais hors système ou liés à des formations disposant de peu d'élus. Pour répondre à cette dernière critique, nous pourrions certes imaginer un système alternatif, consistant à permettre à un élu de donner deux voix : l'une au candidat dont il partage les idées, l'autre à celui dont il estime la participation au débat public nécessaire.

Les arguments défavorables sont forts également. Ce dispositif va à l'encontre des primaires organisées à droite et à gauche pour déterminer une candidature de rassemblement. Certes, le système des États-Unis a bien des inconvénients, mais il y a des élections primaires. Aux dernières élections, celles de 2020, le taux de participation a été le plus fort depuis 1900. Il faut noter que le système des primaires aux États-Unis est organisé à la fois par les partis et par les unités fédérées, qu'on appelle là-bas les États membres ; d'importantes variations peuvent exister d'un État à l'autre.

Cet engouement pour les « primaires », ailleurs et ici, montre que les citoyens sont prêts à s'investir dans des pratiques participatives. Cela suppose aussi que les candidats et candidates respectent leurs propres engagements. On doit donc considérer qu'un système de primaires est bien de nature à assurer une participation forte.

Les petits partis ont critiqué le dispositif que nous examinons, car le seuil reste haut, notamment comparé à d'autres pays. Au Portugal, il faut moins de 10 000 parrainages pour 10 millions d'habitants.

Cette proposition pose enfin, fortement, les questions du contrôle des parrainages par le Conseil constitutionnel et de l'effectivité du choix des citoyens. Je pense que si l'État et le Gouvernement mettaient le paquet, si vous me permettez l'expression, sur l'identité numérique, nous envisagerions le développement du vote citoyen numérique selon une perspective nouvelle. En l'état, les élus transmettent eux-mêmes le parrainage. Cela renvoie à la question de la publicité des parrainages, effective depuis 2016.

Finalement, nous sommes favorables à la proposition, parce que c'est une bonne mesure,…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.