Intervention de Thomas Gassilloud

Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 9h00
Parrainages citoyens pour la candidature à l'élection présidentielle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Gassilloud :

Si je n'ai pas suivi les débats en commission, je suis chargé de vous faire part de la position du groupe Agir ensemble sur la proposition de loi organique instaurant une procédure de parrainages citoyens pour la candidature à l'élection présidentielle, qui vise à conférer directement aux citoyens une capacité d'investiture politique, au même titre qu'aux élus. Cette idée n'est pas nouvelle, puisqu'elle a déjà été évoquée par plusieurs anciens candidats et par des comités de réflexion, comme le Comité Balladur initié par Nicolas Sarkozy, ou encore la commission présidée par Lionel Jospin à l'époque de la présidence de François Hollande. Mais le parrainage citoyen présentait des difficultés d'ordre technique et n'a jamais été adopté.

À l'ère de la démocratie directe, de la réinvention du lien entre le politique et le citoyen, mais aussi des réseaux sociaux, de l'instantanéité et du déluge informationnel, notre assemblée doit aujourd'hui se prononcer sur la question du parrainage citoyen. Du point de vue idéologique, ce système permettrait peut-être de rapprocher la politique des citoyens et de renforcer la démocratie participative.

Néanmoins, d'un point de vue empirique, il ne faut pas oublier que ce système porte en lui un risque exacerbé de dérive populiste. À l'heure où 68 % des Français s'informent sur internet, où Facebook reste le premier réseau social utilisé par nos compatriotes pour diffuser de l'information, le législateur doit s'interroger. Dans la société de l'instantanéité, de la viralité, où le blogueur fait office de journaliste, où le chant informationnel devient un espace de confrontation des puissances, il ne faut pas que nous fassions nous-mêmes entrer le loup dans la bergerie. Les capacités inédites de diffusion rapide de l'information, la quasi-impossibilité d'identifier le primo-diffuseur et la crise de confiance politique que vivent nos démocraties dévaluent la parole publique, allant jusqu'à relativiser la notion même de vérité, ce qui nous contraint à aborder ce problème avec la main tremblante.

De plus, un tel système pose problème quant à sa mise en œuvre, notamment en raison du délai trop court accordé au Conseil constitutionnel pour vérifier l'intégralité des 150 000 signatures ou plus. Par ailleurs, il nécessite une anonymisation des citoyens signataires. Or, si l'exposé des motifs évoque une telle démarche, celle-ci ne figure pas dans le dispositif juridique. Des candidats folkloriques ou alternatifs sont présents à chaque élection en France : la barrière des 500 signatures d'élus, non anonymisées, permet de ne pas les laisser passer.

Nous ne pouvons cependant pas nous contenter d'invoquer le risque populiste. Il nous faut réinventer les moyens de faire de la politique, d'y impliquer davantage le citoyen, et de faire nation. C'est seulement ainsi que la noblesse de la politique reprendra la main sur son pendant abjuré par les Français : la politique politicienne. La proposition de loi organique qui nous est présentée aborde ainsi un sujet profond, que nous devons regarder en face, mais propose un traitement qui ne nous semble pas adapté, voire potentiellement dangereux. C'est pourquoi le groupe Agir ensemble votera contre ce texte.

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