Intervention de Ian Boucard

Séance en hémicycle du jeudi 6 mai 2021 à 9h00
Parrainages citoyens pour la candidature à l'élection présidentielle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIan Boucard :

Nous sommes réunis ce matin pour débattre de la proposition de loi organique, déposée dans le cadre de la niche du groupe La France insoumise, visant à instaurer une procédure de parrainages citoyens pour la candidature à l'élection présidentielle, en complément de la procédure de parrainages par les élus, actuellement en vigueur. Les conditions requises pour être candidat à l'élection présidentielle sont actuellement fixées par l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel. En l'espèce, pour se présenter, il est indispensable que le candidat soit de nationalité française, qu'il ait plus de 18 ans, qu'il puisse jouir de ses droits civils et politiques, et qu'il ne soit dans aucun cas d'incapacité prévu par la loi. Le système actuellement en vigueur repose, de plus, sur la nécessité d'obtenir le parrainage d'un certain nombre d'élus.

Pour lutter contre la multiplication de candidats à cette élection, devenue, sans aucun doute, la plus centrale dans notre vie politique, si on considère une participation bien supérieure à celle de tout autre scrutin, la loi a porté le nombre de parrainages à 500. Ce système de filtrage a ainsi permis d'écarter les candidatures dites fantaisistes ou de témoignage, ayant pour unique but de faire connaître une personnalité ou les intérêts catégoriels qu'elle défend. Plus de 45 000 élus locaux sont ainsi habilités à parrainer les candidats qui souhaitent se présenter à l'élection présidentielle. Une clause de représentativité nationale a été incluse dans la loi du 6 novembre 1962. Enfin, chaque élu ne peut parrainer qu'un seul candidat et son choix est irrévocable.

Cette procédure de parrainage des candidats est placée sous le contrôle du Conseil constitutionnel qui établit le formulaire de parrainage, est destinataire de celui-ci, et vérifie sa validité. La présente proposition de loi organique vient en complément de ce système de parrainage par les élus. L'ensemble des dispositions qu'elle prévoit ont déjà été formulées en 2012, à l'occasion de la remise du rapport « Pour un renouveau démocratique », issu des travaux de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par l'ancien Premier ministre Lionel Jospin.

Ce texte vise à permettre au candidat d'obtenir le droit de se présenter à l'élection présidentielle grâce à des parrainages de citoyens, chaque candidat à l'élection devant réunir 150 000 soutiens de la part de citoyens inscrits sur les listes électorales, et issus, comme cela est le cas pour les parrainages d'élus, d'au moins 30 départements et collectivités d'outre-mer différents. Diverses possibilités pourraient être aménagées pour que les citoyens parrainent le candidat de leur choix, sachant que chaque citoyen ne pourrait parrainer qu'un seul candidat, d'une part, par le biais d'un formulaire officiel adressé au Conseil constitutionnel par la voie postale, et, d'autre part, par voie électronique ou sur une plateforme numérique mise en ligne par l'administration. Il est prévu que chaque parrainage sera décompté de manière anonyme sans publication de l'identité des parrains.

La question que nous devons nous poser est celle de l'utilité d'un tel dispositif et de sa possible mise en application. La commission présidée par Lionel Jospin relevait que plusieurs courants de pensée de la vie politique rencontraient des difficultés pour trouver les 500 parrainages d'élus nécessaires pour présenter un candidat.

Nous avons tous en tête la difficulté chronique rencontrée par Jean-Marie Le Pen pour obtenir ces 500 fameux parrainages, notamment en 2002, année où il s'est qualifié, à la stupeur générale, pour le second tour des élections présidentielles. Est-il normal que, dans notre pays, un courant de pensée ne puisse pas être représenté, alors que des millions de Français sont prêts à voter pour le candidat qui l'incarne ? La réponse est évidemment non. Si je combats l'extrême droite et l'extrême gauche représentée par La France insoumise, il est impératif que ces courants de pensée puissent avoir un candidat, pour laisser les citoyens trancher.

Pour autant, si certains candidats ont pu rencontrer des difficultés à recueillir les 500 parrainages, je n'ai pas trouvé trace, depuis la mise en place de l'élection au suffrage universel, de courants de pensée importants qui n'aient finalement pas pu être représentés à l'élection présidentielle. Celle de 2017 est d'ailleurs particulièrement éclairante. L'extrême droite y était représentée et concurrencée par un candidat souverainiste et par un candidat favorable au Frexit ; Jean Lassalle y concourait en tant que candidat indépendant, tout comme M. Cheminade. Pas moins de cinq candidats représentant toutes les tendances de la gauche étaient en lice : M. Macron, qui remporta finalement l'élection présidentielle, mais également un candidat insoumis, un socialiste, une trotskiste et un marxiste. Le candidat de la droite républicaine était bien sûr également présent. Le filtre du parrainage ne me semble donc pas être si excluant.

Je ne reviens pas sur les difficultés de la mise en œuvre d'un tel dispositif dans le temps imparti, les interventions de mes collègues l'ont très bien souligné. Dès lors, pourquoi une telle proposition de loi organique ? Si l'on ne peut que soutenir la volonté du groupe La France insoumise de donner la parole au peuple, il ne faut pas laisser croire que le parrainage d'élus locaux serait le fait de notables, comme certains membres de ce groupe l'ont évoqué. Ces propos, pour le moins maladroits, méconnaissent le lien de proximité entre les élus locaux et les citoyens, qui les élisent et qui les respectent.

Les maires des communes rurales pourraient d'ailleurs être surpris de se voir qualifier de notables par des députés et par certaines personnes qui ont occupé tous les postes possibles dans la Ve République. Une telle façon d'opposer les Français à ceux qui les représentent n'est pas respectable. En réalité, le présent texte, qui reprend une proposition du candidat déclaré de La France insoumise à l'élection présidentielle, est une forme de marketing politique visant à maquiller la brouille, pour la prochaine élection présidentielle, entre les communistes, qui ont de nombreux élus locaux, et les insoumis, sous un vernis de démocratie participative.

Les modalités de l'élection présidentielle, centrale dans notre démocratie, ne peuvent pas être modifiées pour de mauvaises raisons, à un an du scrutin. Ainsi, le texte ne semblant pas apporter une réelle avancée démocratique, nous ne le soutiendrons pas.

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