Dans le contexte de la crise sanitaire devenue, par l'action du Gouvernement, une crise socio-économique majeure, cette question se pose avec une acuité et une urgence renforcées. Depuis un an, à cause de cette crise, la jeunesse n'est plus l'âge de tous les possibles : elle est devenue un âge de tous les risques. D'ordinaire, les plus jeunes sont déjà les plus concernés par la pauvreté et la précarité. La moitié des personnes pauvres dans notre pays ont moins de 30 ans, la classe d'âge des 18 à 29 ans étant très touchée.
La précarité étudiante n'est pas non plus un phénomène nouveau, puisque 20 % des étudiants vivaient sous le seuil de la pauvreté avant 2020. Or, depuis cette crise, les petits boulots ont disparu et la solidarité familiale, qui permettait de compenser, ne suffit parfois plus. Cette situation, déjà inacceptable hier, devient encore plus sinistre aujourd'hui. Pour les jeunes, les perspectives de la fin de semaine ont remplacé les perspectives de carrière, découragés qu'ils sont par un marché du travail durablement affecté. Les voici désormais nombreux à venir grossir les files d'attente pour recevoir une aide alimentaire.
À notre tour de nous montrer dignes de la solidarité spontanée qui s'est manifestée dans notre pays, en organisant mieux la solidarité nationale. Ouvrir le RSA aux jeunes de moins de 25 ans est une réponse adaptée, une réponse d'urgence. C'est une proposition que le groupe Libertés et territoires a soutenue dès les premiers mois de la crise, en dépit du refus constant de la majorité comme du Gouvernement. Les solutions mises en place jusqu'ici par le Gouvernement ne permettent pas d'aboutir à une stratégie globale : elles continuent d'écarter un trop grand nombre de jeunes en n'agissant qu'à travers les seuls prismes de l'emploi et de l'insertion.
Je pense, par exemple, à la garantie jeunes. Elle constitue un levier indispensable, nous le reconnaissons, mais si les premières évolutions présentées jusqu'ici comme des dérogations sont encourageantes, nous sommes encore loin d'une garantie jeunes universelle et il y a fort à parier qu'elle ne sera jamais universelle, malgré les annonces du jour du Président concernant une nouvelle aide avant l'été. En attendant, les concertations se poursuivent et ce dispositif encore sous-dimensionné demeure mal connu. Il fait l'objet d'un non-recours important : en 2019, alors que plus de 900 000 jeunes se trouvaient hors du cadre des études, sans emploi ni en formation, il n'y a eu que 93 000 bénéficiaires.
Au-delà de son élargissement, la garantie jeunes ne répond pas à toutes les situations d'urgence : certaines d'entre elles appellent avant tout un soutien financier, le temps de ne pas sombrer, le temps de trouver un emploi, le temps surtout de ne pas basculer dans une précarité et une pauvreté irrémédiables. Ouvrir le RSA, dispositif déjà bien connu, donc facilement mobilisable, nous paraît donc une solution adaptée, au moins temporairement.
D'autres dispositifs sont d'ailleurs envisageables. Le revenu de base, le revenu minimum garanti, le socle citoyen dès 18 ans, qu'importe le nom, peut être une solution temporaire pour garantir l'universalité d'une aide impérative pour la jeunesse. Le comité d'experts chargé, au sein de France stratégie, d'évaluer la stratégie de lutte contre la pauvreté a souligné l'incompréhension que suscite l'exclusion des moins de 25 ans des aides sociales et plaide pour un revenu de base pour ces derniers.
Cessons de confondre politiques d'insertion et politiques sociales. Nous avons besoin des unes comme des autres. Recourir à la solidarité nationale pour aider les plus fragiles d'entre nous ne doit être ni un tabou ni une honte. Cessons de voir l'octroi d'aides comme un horizon pour les jeunes : voyons-les plutôt comme une promesse d'émancipation. D'ici là, pour faire face à l'urgence, utilisons les outils qui sont à notre disposition et ouvrons le RSA aux moins de 25 ans.