La victoire de la candidature de Paris pour l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, prononcée par le Comité international olympique (CIO), réuni à Lima le 13 septembre dernier, a enclenché un décompte : la France a désormais six ans pour être prête à relever ce défi et accueillir 15 000 athlètes olympiques et paralympiques et 11 millions de spectateurs. Ce délai peut sembler très long, mais il ne l'est pas tant que ça au regard de nos objectifs ambitieux.
Pour éclairer le débat, je vais vous présenter le dispositif d'organisation et de financement des Jeux, même s'il ne figure pas dans le projet de loi. Ce dispositif ne relève pas du législateur mais du groupement d'intérêt public (GIP) chargé de la candidature pour Paris 2024, organisation comprenant trois structures. La première, le comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (COJOP), devra être installée au plus tard le 13 février 2018. Conformément à l'architecture défendue dans le dossier de candidature, il s'agira d'une association à but non lucratif, régie par la loi du 1er juillet 1901. Les représentants du mouvement sportif disposeront de la majorité des voix au sein de ses organes de direction. Le deuxième organisme sera la société de livraison des équipements olympiques (Solideo), un établissement public prévu par la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain, et qui sera chargé de garantir la livraison de l'ensemble des ouvrages et de réaliser l'ensemble des opérations d'aménagement nécessaires à l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. La troisième structure reste à définir ; elle pourrait prendre la forme d'une fondation et serait consacrée à la promotion de l'héritage des Jeux – en coordination avec des associations, des organisations non gouvernementales –, et à la gestion des impacts positifs qu'aura la tenue des Jeux à Paris sur le sport en France et sur la société en général.
Le budget du COJOP est évalué par le dossier de candidature à 3,6 milliards d'euros et permettra de financer l'aménagement des sites sportifs existants ou provisoires, la sécurité, le transport, les ressources humaines, la technologie et les dépenses événementielles. Les recettes prévues pour financer les dépenses du COJOP sont presque intégralement d'origine privée – elles proviendront du CIO pour 1,5 milliard, des recettes du sponsoring pour un montant estimé à un milliard et des recettes issues de la billetterie pour au moins un milliard également –, à l'exception d'une contribution publique destinée uniquement à l'organisation des Jeux Paralympiques, s'élevant à 100 millions. Néanmoins, à ce stade, un excédent reste encore hypothétique ; c'est pourquoi l'article 33 du second projet de loi des finances rectificative pour 2017, déposé le 15 novembre dernier, prévoit d'accorder la garantie de l'État au bénéfice du COJOP.
De fait, les structures en question se révèlent coûteuses, d'autant plus que de nombreuses villes hôtes ont rencontré, depuis 1977 et les JO de Montréal, de sérieux problèmes de réutilisation d'installations devenues démesurées après la fin des Jeux, au point qu'on a souvent évoqué, à leur propos, des « éléphants blancs ». Or l'un des points forts de la candidature de Paris était que presque 95 % des sites nécessaires au déroulement des compétitions sont déjà construits ou programmés – pour 70 % d'entre eux – ou temporaires – pour 25 % –, et seuls deux sites restent à construire sur un total de trente-six enceintes sportives, même si certaines nécessiteront une rénovation d'ensemble.
Le présent texte est la traduction des évolutions législatives nécessaires au respect des engagements pris mais, au-delà, il apporte les simplifications indispensables pour que les quelques sites et équipements à créer soient opérationnels le 1er janvier 2024. Il cherche à mettre le droit français en conformité avec les standards internationaux en matière de lutte contre le dopage et contre la corruption dans le milieu sportif. Enfin, il intègre les institutions créées pour prendre en charge les Jeux, notamment le futur COJOP, dans le dispositif français de contrôle et des comptes publics et de lutte contre les conflits d'intérêts.
De nombreuses dispositions, en particulier celles du titre Ier, ont pour vocation de traduire en droit des engagements pris dans le cadre de la procédure de sélection de la ville hôte. Juste après la décision du CIO attribuant l'organisation des JOP de 2024, un contrat de « ville hôte » a été signé le 13 septembre 2017 entre, d'une part, le CIO et, d'autre part, la ville de Paris et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Le titre Ier reconnaît la qualité d'organisateur des JOP au COJOP, au CIO et au Comité international paralympique (CIP), de manière conjointe afin de pouvoir dissocier l'organisateur de la manifestation, de facto le COJOP, et le titulaire des droits d'exploitation et de diffusion de celle-ci, le CIO. Il étend le champ de protection des termes et emblèmes considérés comme « propriétés olympiques et paralympiques », afin de lutter contre leur utilisation commerciale. Enfin, le titre Ier apporte une dérogation générale aux interdictions et restrictions en matière d'affichage et de pavoisement afin de pouvoir pavoiser aux couleurs olympiques à l'occasion de tous les événements de promotion des Jeux, événements organisés entre 2018 et 2024. Si la promotion des Jeux est nécessaire, je n'ai pas eu de réponse quant à la précision de l'obligation contractuelle à laquelle cette dérogation répond.
L'article 4 prévoit des dérogations aux interdictions et restrictions en matière d'affichage publicitaire dans et aux abords des sites olympiques pendant leur déroulement, au profit des partenaires de marketing olympique du CIO et du COJOP.
L'article 11 vise à lever les restrictions existantes afin de permettre aux partenaires de marketing olympique d'apposer de la publicité dans un rayon de 500 mètres autour des sites olympiques durant les trois mois de déroulement des Jeux. Le contrat de ville hôte impose en effet de faire une « place nette » de toute publicité pour ces partenaires de marketing olympique. Ces derniers regroupent les sponsors du CIO et du COJOP qui devraient contribuer à hauteur de 1,26 milliard d'euros ; le CIO apportera de son côté 1,15 milliard d'euros au budget du COJOP. Au total, sur un budget prévisionnel du COJOP de 3,8 milliards d'euros, 2,3 milliards dépendent de la publicité et de l'exposition des marques des partenaires de marketing olympique.
J'ai tenu à entendre les défenseurs du patrimoine et de l'environnement et, en séance publique, je soutiendrai des mesures permettant de limiter l'impact des dérogations sur le patrimoine, mais on ne peut que reconnaître que ces recettes couvriront les deux tiers du coût d'organisation des JOP. Par ailleurs, certains monuments utilisés, comme le Grand Palais, bénéficieront d'une rénovation au titre de leur participation. Enfin, l'utilisation des monuments classés par les annonceurs se fera dans les conditions prévues par le code du patrimoine pour les bâches publicitaires : les fonds ainsi récoltés iront au financement de leur entretien et de leur rénovation.
Le titre II, pour sa part, regroupe plusieurs dispositions destinées à accélérer les procédures d'urbanisme pour les Jeux et à faciliter la mise en place d'installations temporaires. Je laisserai notre collègue Patrice Anato, rapporteur pour avis sur ces dispositions, les présenter plus en détail. Je me contenterai pour ma part de relever qu'il est tout à fait possible d'organiser une procédure de consultation unique du public sur les impacts environnementaux d'un projet selon des formes modernes et des délais resserrés, et dans le strict respect des obligations constitutionnelles et européennes. Regrouper ces procédures permet ainsi à la fois aux citoyens et aux élus d'avoir une vision globale de l'opération envisagée et de regrouper les procédures de recours contentieux.
J'en viens au titre III qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures législatives créant des « voies olympiques » réservées au transport des athlètes et des personnes accréditées pendant la durée des Jeux, permettant de garantir qu'ils pourront se rendre au site de compétition en moins de trente minutes, comme promis dans le dossier de candidature.
Le titre IV, pour finir, regroupe les articles relatifs à l'éthique et à l'intégrité. Les deux premiers articles visent à conformer aux standards internationaux les mécanismes français de lutte contre le dopage en réformant le régime des sanctions de l'Agence française de lutte contre le dopage et en transposant les principes du code mondial antidopage en matière de corruption sportive. Les deux derniers articles permettent d'intégrer les JOP dans les mécanismes de contrôle de l'intégrité des comptes et des pratiques publiques. Afin d'éviter les situations de conflits d'intérêts, l'article 17 soumet les dirigeants du COJOP à une obligation de déclaration d'intérêts et de patrimoine auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. L'article 18 donne compétence à la Cour des comptes pour contrôler les personnes concourant à l'organisation des Jeux, afin de lui donner la mission d'effectuer un contrôle centralisé et cohérent de l'intégralité des comptes et de la gestion des personnes morales françaises chargées de l'organisation des JOP 2024.
Ces dispositions seront plus amplement présentées par notre collègue Stéphane Mazars, rapporteur pour avis de la commission des lois. Si elles représentent des avancées en matière de contrôle du fonctionnement, je reste cependant déçue par leur manque d'ambition en matière de transparence.
Le choix a été fait de constituer le COJOP comme une association à but non lucratif, relevant du droit privé. Cette soumission au droit privé peut simplifier certains aspects de la gestion ; elle permet également de justifier une certaine opacité et le recours à des pratiques sans doute compréhensibles dans des structures privées à but lucratif, mais injustifiées, injustifiables, s'agissant d'une structure qui sera, je le rappelle, subventionnée à hauteur de 100 millions d'euros, exemptée d'impôt sur les bénéfices, d'impôt sur les sociétés ou le revenu, de taxe sur les salaires et d'impôts fonciers ; une structure qui fera bénéficier ses partenaires des dispositions fiscales dont jouissent les entreprises parrainant des associations sportives ; une structure qui bénéficiera de la garantie de l'État pour son fonctionnement et ses emprunts et qui sera chargée d'une mission relevant du service public, au sens où le droit français l'entend.
Le comité de candidature a promis des Jeux exemplaires. Aussi, en déposant des amendements en vue de la séance publique, mais également en maintenant la même exigence à la tête du groupe de travail créé par la commission pour suivre l'organisation des Jeux, j'entends bien poursuivre cette mission de contrôle avec notre collègue Régis Juanico, afin que ces Jeux soient ceux des athlètes olympiques et paralympiques mais également ceux des Français.