« Dans une certaine mesure, l'émancipation des femmes est devenue un fait. La femme a aujourd'hui accès à presque toutes les professions. Elle jouit des mêmes droits que l'homme dans la vie sociale et politique […] Or, si l'on y regarde de plus près, cette égalité garantie par les principes n'est que formelle. […] La femme est l'égale de l'homme en droit, mais elle ne l'est pas dans l'évaluation sociale. » S'ils datent de 1933, ces mots d'Hannah Arendt décrivent pourtant avec acuité la place des femmes dans notre système économique, professionnel et social, construit il y a plus de soixante-quinze ans, quand, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, ont été établis les grands principes qui irriguent encore notre organisation collective. Celle-ci a été conçue sur le modèle alors traditionnel du père de famille travaillant à temps plein, jouissant de droits directs, et de la mère au foyer, occupée entre l'éducation des enfants et les tâches domestiques, bénéficiant de droits dérivés liés à son statut d'épouse et de mère.
Construite sur un tel paradigme, notre société reste encore profondément inégalitaire. Faut-il rappeler que les femmes perçoivent un revenu inférieur de 28,5 % à celui des hommes, qu'au sein d'un couple, elles gagnent en moyenne 42 % de moins que leurs conjoints ? À ces chiffres, j'ajouterai que les femmes n'occupent qu'un nombre limité de métiers et de secteurs professionnels, que le plafond de verre demeure une réalité, que les emplois peu qualifiés et le temps partiel sont très majoritairement le lot des femmes, et que la pauvreté au travail a trois fois sur quatre le visage d'une femme.
Les raisons qui expliquent ces chiffres sont multiples et relèvent d'une vision encore archaïque du rôle des femmes dans la société. Non, l'argent des femmes n'est ni un argent de poche ni un revenu d'appoint.