Ce projet de loi sur les Jeux Olympiques ne parle pas de sport, il détaille le projet financier d'un grand événement. Nous en prenons acte. Il soulève tous les problèmes inhérents à la ventilation des profits et au respect des règles démocratiques. Au risque de dénoter dans l'unanimité ambiante, j'ai beau aimer le sport, puisque nous n'en parlons pas, j'évoquerai plutôt le fait que les citoyens n'aient pas été consultés sur l'organisation de ces Jeux Olympiques.
Anne Hidalgo avait d'abord évoqué son souhait d'un référendum, avant de se rétracter, puis de changer à nouveau d'avis avant de se rétracter une nouvelle fois. C'est dommage parce que les habitants de la Seine-Saint-Denis, qui sont très concernés par les aménagements prévus, n'ont pas été consultés, alors qu'il était possible d'organiser une pétition comme à Budapest, ou un référendum comme à Munich, ville qui a abandonné l'idée d'organiser les JO après que le non l'a emporté au référendum.
C'est dommage parce que les citoyens sont les premiers à financer ces Jeux, par le biais de la redevance TV et de l'argent qu'ils donneront aux sponsors en achetant leurs produits, par le biais également de leurs impôts, qui financeront les infrastructures, ou des billets d'entrée qu'ils acquitteront. Les Jeux Olympiques, ce sont en effet 6,5 milliards d'euros de dépenses, dont 50 % pris en charge par le CIO, mais 1 milliard remboursés par la vente de billets, un milliard à la charge de l'État, 209 millions financés par la région Île-de-France, 145 millions par Paris et 135 millions par la Seine-Saint-Denis, soit environ le coût de vingt-cinq hôpitaux de taille moyenne. Et je me place ici dans l'hypothèse où le budget serait tenu car il peut fort bien exploser, les précédents en témoignent : des 6 milliards d'euros prévus à l'origine, le budget des Jeux de Londres est passé à 14 milliards ; les Jeux de Sotchi ont coûté, eux, 37 milliards d'euros au lieu de 8, et les Jeux de Pékin douze fois plus que prévu.
Les Jeux Olympiques servent les intérêts des plus riches. Ils sont une marchandisation du sport, comme en témoignent les 100 millions d'euros de dépenses de publicité et le dispositif d'exonération fiscale dont bénéficient certains organisateurs, alors qu'à Rio, la moitié des sportifs vivaient avec moins de 500 euros par mois, bien que ce soient leurs performances qui génèrent les profits, notamment ceux des sponsors.
D'autres effets pervers de ces Jeux vont toucher les citoyens, au premier rang desquels la pression immobilière qui va s'accentuer – à Londres, les loyers ont été multipliés par cinq près du village olympique – avec le risque de gentrification de certains quartiers que cela implique. Que dire également de la manière dont on s'affranchit de certaines règles en autorisant la publicité dans les lieux classés monuments historiques, en simplifiant les procédures d'urbanisme pour tenir les délais, en réduisant la concertation ou en procédant à des expropriations accélérées ?
Nous sommes donc loin des principes qui guident depuis Coubertin l'organisation des Jeux Olympiques, comme nous sommes loin de la charte olympique, qui pose que le but de l'olympisme est de mettre le sport au service du développement harmonieux de l'humanité, en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine. Ces Jeux sont à nos yeux une gabegie financière au profit du secteur privé. Nous préférons défendre une version émancipatrice et populaire du sport, qui développe le lien social dans le respect des vraies valeurs.