Je tiens tout d'abord à saluer le travail constructif qui a été réalisé sur ce projet de loi avec le rapporteur et le Gouvernement, mais aussi avec l'ensemble des groupes de notre assemblée. Pas moins de 106 amendements, issus de tous les bancs de cet hémicycle, ont été adoptés sur les 579 qui ont été soutenus. C'est suffisamment rare pour être souligné et pour retenir non seulement la qualité des contributions, mais aussi l'accueil qui leur a été réservé.
Je souhaite également saluer les modifications apportées à ce texte grâce à la forte implication du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés, notamment à travers l'action de notre collègue Laurence Vichnievsky. Nous sommes ainsi parvenus, par exemple, à faire aboutir la création d'un pôle d'instruction national spécialisé dans les crimes sériels et les affaires non élucidées, projet soutenu par notre collègue Vichnievsky et réétudié avec le Gouvernement en vue de l'examen en séance.
Notre groupe a enrichi ce projet de loi de plusieurs autres dispositions, comme l'extension aux infractions connexes à celles faisant l'objet d'une enquête, la possibilité d'effectuer des mesures de réquisition ou des perquisitions chez un avocat lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner ce dernier d'avoir commis lesdites infractions, l'inscription dans la loi des autorités compétentes pour autoriser l'enregistrement des audiences ou encore l'allongement des délais d'enquête préliminaire pour les actes de terrorisme et tous les crimes qui relèvent du parquet national antiterroriste.
Cependant, nous avons également des regrets, notamment le rejet de deux de nos amendements qui portaient sur des points importants. Le premier visait à inscrire les infractions financières pour lesquelles le parquet national financier (PNF) est compétent parmi celles qui bénéficient d'un régime dérogatoire, avec une durée maximale d'enquête portée à trois ans. Les infractions financières, du fait de leur complexité, nécessitent en effet souvent des investigations plus longues et réduire la durée des enquêtes préliminaires en la matière risque de favoriser l'impunité de leurs auteurs.
Notre second regret concerne la présence d'un avocat honoraire parmi les assesseurs dans la composition de la formation de jugement aux assises. Outre que cette disposition peut être interprétée comme la manifestation d'une défiance à l'égard des magistrats, l'argument du manque d'effectifs qui nous a été opposé s'agissant des cours criminelles départementales n'est pas pertinent pour les cours d'assises, qui n'éprouvent aucune difficulté à se réunir. Ce dispositif expérimental porte atteinte aux fonctions respectives des juges et des avocats en opérant une confusion entre le jugement et la défense. Il eût été plus judicieux, si l'objectif est de diversifier les profils des juges, d'élargir l'accès à titre temporaire des avocats au statut de magistrat.
En dépit de ces quelques regrets, nous estimons que ce projet de loi est empreint de mesure et d'équilibre. Il accorde des droits nouveaux à la défense, tout en lui imposant une déontologie. Il récompense l'effort, le travail et le désir de réinsertion, mais sanctionne leur absence chez les détenus. Il œuvre non pas pour une justice expéditive, mais pour qu'elle ne s'égare pas dans les méandres de procédures sans fin. En effet, quelle famille, ébranlée par le viol d'un de ses enfants, peut attendre tant d'années avant de voir comparaître l'auteur des faits ? La généralisation des cours criminelles départementales permettra, nous l'espérons tous, que ces affaires soient jugées plus rapidement – deux fois plus rapidement au vu des résultats de l'expérimentation. Mais il faudra veiller à ce que les moyens nécessaires leur soient donnés pour parvenir à cette étape – je parle d'étape, car deux fois moins d'attente, c'est parfois encore bien trop long.
Je tiens à évoquer un dernier point qui me tient particulièrement à cœur : ces dernières années, notre groupe a proposé à plusieurs reprises de supprimer ou de réviser le rappel à la loi, mesure alternative aux poursuites. Or le Gouvernement n'y était pas favorable. Nous nous réjouissons donc que vous ayez finalement intégré une disposition en ce sens, que nous appelions de nos vœux de longue date. Nos concitoyens, respectueux de la loi, peuvent comprendre qu'on rappelle celle-ci une fois, peut-être deux, mais à la troisième, c'est la confiance en toute l'institution qui est ébranlée. En outre, l'action de la justice s'inscrit bien souvent dans la continuité de celle des forces de l'ordre, qui ont besoin, elles aussi, de savoir qu'une suite autre qu'un simple sermon est donnée. « La police ne fait rien, elle ne se déplace même pas » : combien de fois ai-je entendu cette remarque de la part de nos concitoyens, excédés par des tapages, outrages, injures et incivilités répétés par les mêmes individus ? En renforçant la confiance dans la justice et dans les réponses qu'elle donne aux délits, nous ferons en sorte que nos concitoyens se sentent protégés, que les policiers et gendarmes se sachent soutenus, et que leur travail ne soit pas vain. Combien de fois ai-je aussi entendu les forces de l'ordre exprimer leur lassitude de courir toujours après les mêmes personnes ? Vous nous avez annoncé une mission flash pour étudier ensemble une nouvelle disposition qui remplacerait le rappel à la loi : notre groupe souhaite vivement y être associé.
Monsieur le ministre, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera en faveur de ce projet de loi, qui est un pas supplémentaire vers un meilleur fonctionnement de la justice et une restauration du lien de confiance entre les justiciables et l'institution judiciaire.