À l'occasion de la motion de rejet préalable que j'ai défendue, j'ai exprimé, au nom de mon groupe, des points sérieux de contestation que je rappellerai ici rapidement. Le premier réside dans la diffusion des procès : si elle vise un but pédagogique intéressant, elle n'est pas entourée par le législateur des garanties suffisantes pour faire en sorte qu'elle concerne avant tout les professionnels qui s'y intéressent.
Notre deuxième critique sérieuse porte sur les cours criminelles, dont nous contestons la généralisation. L'expérimentation de ces cours a été votée ici même par la représentation nationale, qui a prévu qu'elle durerait jusqu'en 2023 ; aussi nous paraît-il étrange et cavalier de revenir sur un tel dispositif. Un rapport a certes été établi à son sujet par des députés parfaitement méritants, mais dans une période de pandémie qui n'était pas tout à fait idéale, convenons-en. Les cours criminelles seront en outre coûteuses en magistrats, puisqu'ils seront cinq à y siéger, contre trois dans les cours d'assises. Enfin, il y a une forme d'incohérence à vouloir supprimer les cours d'assises – ou en tout cas les réduire notablement – alors que dans le même temps, on crée une convention citoyenne pour le climat et on cherche, à juste titre, tous les moyens pour que les citoyens, à l'image des jurys populaires, participent à la chose publique. Les cours d'assises constituaient justement un formidable outil faisant appel aux jurys populaires, et nous les regretterons.
Enfin, notre troisième critique sérieuse concerne la réforme des peines. Nous partageons bien évidemment l'objectif de réinsertion des détenus, mais encore faudrait-il que les prisons en aient les moyens. Le laxisme dont on pourrait taxer la présente réforme doit être démenti : les juges savent pénaliser les mauvaises conduites des détenus, et nous n'évoluons pas dans un monde de laxisme ou de laisser-aller – bien au contraire. Cette réforme risque de provoquer des tensions en prison. Si elle est appliquée – mais elle ne le sera pas, faute de moyens –, elle entraînera une surpopulation carcérale qui sera de toute évidence contraire au projet de réinsertion que nous devons proposer à chaque détenu.
Le projet de loi comporte certes des dispositions utiles, comme la protection du secret de l'avocat. Toutefois, qu'en sera-t-il du secret professionnel du journaliste ? Dans le cadre de la navette, vous devrez faire en sorte qu'il soit protégé. La limitation de la durée de l'enquête préliminaire, assortie d'un renforcement des droits de la défense et du contradictoire, est également une excellente chose. Enfin, je ne contesterai bien évidemment pas la création de collèges de déontologie et de discipline chez les officiers publics ministériels et les officiers ministériels ; je regrette néanmoins que l'on n'ait pas jugé utile d'instaurer un collège de déontologie chez les avocats, comme si une profession pouvait s'en abstraire.
Pour finir, la confiance dans la justice passe d'abord par l'indépendance du parquet. On ne doit pas répondre aux interrogations légitimes des policiers et des gendarmes en augmentant les peines, dans une logique de surenchère, mais plutôt en affichant l'indépendance du parquet. Je vous livrerai deux propositions à ce sujet, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, que vous transmettrez à M. le garde des sceaux. Il faut institutionnaliser un espace de dialogue dans la loi, protéger le pouvoir du juge, mais aussi éclairer les policiers et les gendarmes sur les mesures prises par ce dernier. À cet égard, l'idée du référent n'est pas suffisante : il faut aller beaucoup plus loin, et faire en sorte que les conseils de juridiction, qui sont une vitrine du tribunal et relèvent du domaine réglementaire, accèdent au niveau de la loi et deviennent de véritables vitrines dans lesquelles une discussion puisse avoir lieu.
En conclusion, notre groupe votera très majoritairement contre ce texte, et certains de ses membres s'abstiendront.