Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mardi 1er juin 2021 à 21h00
Prévention d'actes de terrorisme et renseignement — Article 1er

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Je ne comprends pas très bien la comparaison que vous établissez entre le dispositif dont il est ici question et l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée, madame Karamanli, sauf s'il s'agit seulement de souligner que ni l'un ni l'autre n'est inscrit dans le droit commun – nous proposons justement d'y procéder pour les dispositions de la loi SILT.

Penser que nous résoudrons le problème du terrorisme islamiste en quelques mois, ce serait mentir à nos compatriotes : c'est le combat d'au moins une génération. Étant né en 1982, j'ai connu les attentats des années 1995 qui ont touché le cœur de Paris, au métro Saint-Michel ou à la FNAC – chacun s'en souvient. Liés à la décennie noire qui a frappé l'Algérie, ces attentats peuvent être qualifiés d'islamistes de première génération. Puis, à 20 ans, j'ai vu les tours jumelles s'effondrer à New York, et j'ai assisté au début d'une deuxième vague d'attentats terroristes islamistes, commandés, cette fois, par des agents extérieurs, notamment Oussama Ben Laden. Quand j'ai atteint la trentaine, ce furent les attentats du Bataclan – cette troisième vague a en réalité commencé avec l'attaque de Mohamed Merah notamment contre une école juive de Toulouse, et s'est poursuivie jusqu'à la fin du quinquennat du président Hollande, donnant lieu à des tueries de masse exportées par un État islamiste autoproclamé. La quatrième génération de terrorisme – celle que je vis à 40 ans, maintenant que je suis aux responsabilités – est une menace endogène, provoquée par une auto-radicalisation au sein de notre pays.

Quelle sera la cinquième génération ? Qui peut penser que ce qui se produit en ce moment même au Mali, dans la bande sahélo-saharienne, en Afghanistan et, de manière générale, dans les lieux de radicalisation des sociétés occidentales, n'aura aucune conséquence ? Pensons à la crise très dure qui touche une partie du monde sunnite. Tout cela ne se réglera pas en quelques mois, grâce à quelques mesures nationales. Le présent projet de loi n'est qu'une pierre de l'édifice général, le combat du monde contre des personnes dont les idées radicales ne seront pas vaincues en quelques mots, par quelques mesures et avec quelques moyens.

Penser que nous pourrons vivre dès demain, dès après-demain ou dès la fin du quinquennat actuel en dehors des mesures dont nous avons besoin aujourd'hui, serait un rêve d'enfant. Il faut certes essayer d'y parvenir, mais cela ne passera pas par un unique texte de loi. Ce ne serait pas faire du bon droit que de maintenir le caractère expérimental de mesures dont – il faut le dire aux Français – nous aurons besoin de nombreuses années. Je ne souhaite qu'une chose, que notre génération politique – au sens général du terme – fasse ce travail difficile et que nos enfants n'aient pas à subir de nouvelles vagues de terrorisme, parce que nous nous serons voilé la face et n'aurons pas mis des mots sur les choses.

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