Cette troisième lecture du projet de loi relatif à la bioéthique vient presque parachever un long processus prévu pour 2018, c'est-à-dire sept ans après la précédente révision. Alors que le projet de loi approche enfin de sa phase terminale, j'entends nombre de députés et de nos concitoyens trouver la démarche un peu longue. Beaucoup de Français croient que la PMA pour toutes est déjà dans la loi.
À l'inverse, j'écoute également avec attention ceux qui voudraient retarder encore ce progrès inéluctable au motif qu'il n'y aurait pas de consensus absolu – comme si l'on pouvait rêver d'un texte identique, applaudi simultanément par tous, les conservateurs traditionalistes comme les progressistes humanistes. Si l'on prétendait à une union totale sur des textes comme ceux sur l'interruption volontaire de grossesse, l'IVG, la recherche sur les cellules souches et beaucoup d'autres questions de bioéthique, nous devrions attendre encore quelques décennies. L'équilibre, oui, le consensus mou, non !
Et que la minorité encore réticente se rassure : personne n'est contraint à quoi que ce soit, si ce n'est à respecter le point de vue de son voisin. En fait, le moment est venu : alors que les couples de femmes peuvent désormais se marier, adopter et élever des enfants, comment continuer à leur dénier le droit d'accès à la procréation ? Certes, dans les couples de femmes homosexuelles et chez les femmes seules, les enfants n'auront pas de père, mais quand ces femmes adoptaient des enfants, il n'y en avait pas davantage. Surtout, nous sommes totalement rassurés par les études montrant le bon développement et l'épanouissement des enfants et des adultes provenant de PMA dans des couples hétérosexuels ou homosexuels ou chez des femmes seules.
La lenteur française à légiférer sur les questions de société fait que nous sommes précédés en la matière par nombre de pays européens. Les investigations qui y sont conduites donnent des résultats parfaitement rassurants et nous guident dans l'organisation d'un encadrement opportun.
Rétablissons donc l'article 1er que nous avions déjà voté, en affirmant bien sûr que la prise en charge par la solidarité nationale s'appliquera indistinctement pour toutes les femmes, sans discrimination. Faire cesser la stigmatisation qui pesait encore sur les femmes homosexuelles sera un honneur pour nous. Restera bien sûr à écarter de la même façon la discrimination qui pénalise les personnes trans.
Plusieurs autres questions induites par cette avancée devront naturellement trouver une solution cette année ou très prochainement. La PMA de volonté survivante nous est recommandée par le Conseil d'État, dans la mesure où nous autorisons la PMA chez les femmes seules. L'interdire reviendrait à considérer les femmes veuves comme inaptes à exercer leur réflexion et leur libre arbitre. Aujourd'hui, une femme peut décider de l'arrêt ou du prolongement de sa grossesse, mais pas du prolongement du projet parental conçu avec son conjoint. De même, l'avenir conduira nécessairement à autoriser la modalité de procréation qu'est la réception des ovocytes de la partenaire (ROPA), possibilité que nous avions ouverte en commission lors de la deuxième lecture puis sur laquelle nous étions revenus.
Le texte offrira aux femmes, dès cette année, des droits additionnels qui seront complétés ultérieurement. Il en fournira aussi aux enfants. Ainsi les enfants nés grâce à un tiers donneur pourront dès l'âge de 18 ans avoir accès à des informations importantes et utiles sur leurs origines. Cela les aidera à mieux se construire. Tout comme les arbres ont besoin de racines solides pour lancer leurs branches vers le ciel, ces personnes, grâce à une connaissance précise et exacte de leurs origines, s'épanouiront beaucoup mieux.
D'autres enfants demeurent privés de droits et, dans le passé, la France a été condamnée pour cela par la CEDH : il s'agit des enfants nés de GPA à l'étranger. Si certaines formes de GPA peuvent susciter un regard réprobateur, les enfants n'ont pas à être pénalisés. Le message est à adresser à leurs parents et non à eux-mêmes. Ils ne peuvent être en aucun cas tenus pour responsables des conditions de leur procréation, qu'ils ignorent du reste pendant longtemps. Il faut que ces enfants aient des parents, les leurs. Et je reprends à notre compte l'engagement du candidat Emmanuel Macron qui, devant les Français, appelait en 2017 à reconnaître l'existence des enfants nés d'une GPA à l'étranger vivant en France et à leur donner un statut juridique car ils ne peuvent pas être des victimes. Transitoirement, nous avions voté ici même une possibilité de transcrire dans certains cas les états civils établis dans des pays sûrs et rigoureux, puis la relève a été prise par les magistrats eux-mêmes.
Enfin, il nous a été promis une loi facilitant et raccourcissant le processus d'adoption. Elle n'est pas encore promulguée et en attendant, il est probablement souhaitable de laisser les magistrats résoudre, en leur âme et conscience, chaque cas individuel.
Cette révision de la loi de bioéthique édicte moins d'interdits que les lois comparables du passé. Elle entrouvre, de manière prudente, raisonnée et encadrée, des possibilités de procréation, de conservation autologues des ovocytes, de respect des femmes et des enfants, de traitements par transplantation, de recherches très contrôlées sur les embryons surnuméraires, de progression, enfin, en génétique et en intelligence artificielle.
Nous pourrons être fiers de ces avancées, même si elles nécessitent de passer par d'autres étapes. Je ne doute pas que les discussions continueront à se développer ici dans un état d'esprit apaisé, sans pour autant que soient niées les diverses divergences, bien sûr respectables. Après quatre ans de préparation du texte, en dehors puis au sein des deux chambres du Parlement, je pense que notre pays sortira grandi de l'affirmation du respect à l'égard des différents types de familles et de l'amélioration de l'accueil réservé à des enfants qui bénéficieront de protections nouvelles apportées par la loi.