Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du lundi 7 juin 2021 à 16h00
Bioéthique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul, rapporteur de la commission spéciale :

J'ai l'honneur d'être, pour cette nouvelle lecture, le rapporteur du titre II consacré aux dons d'organes, de tissus et de cellules. Au cours de la deuxième lecture, un juste équilibre a pu être construit autour des dispositions de ce titre, certes moins médiatisé mais essentiel.

Chaque chambre a d'abord su faire un pas vers l'autre sur le sujet du don d'organes. L'Assemblée a adopté l'article 5 relatif aux dons croisés d'organes dans la rédaction proposée par le Sénat. Celui-ci s'est rangé à l'avis de l'Assemblée en renonçant à créer le statut de donneur d'organes. Par ailleurs, l'adoption conforme des articles 8 et 9 démontre l'existence d'un consensus autour des grands principes éthiques en matière de génétique. Je constate enfin que la rédaction de l'article 7 ter issu du Sénat, relatif à l'encadrement du don du corps à la science, fait également consensus.

En revanche, un sujet de profond désaccord entre nos deux assemblées persiste depuis la première lecture. En commission spéciale, la semaine dernière, nous avons ainsi une nouvelle fois supprimé l'abaissement à 16 ans de l'âge à partir duquel le mineur peut consentir lui-même au prélèvement de ses cellules de moelle osseuse au bénéfice de ses parents, disposition réintroduite par le Sénat. Je vous rappelle que l'article 6 vise à développer le don de ces cellules dans le cadre intra-familial pour les personnes mineures ou des personnes majeures protégées. Nous ne pouvons risquer de soumettre le mineur à de telles pressions.

Cette nouvelle lecture sera surtout l'occasion de discuter à nouveau de deux sujets importants à mes yeux.

Le premier a déjà fait l'objet de nombreux débats dans cet hémicycle, je pense évidemment au principe selon lequel nul ne peut être exclu du don de sang en raison de son orientation sexuelle. En deuxième lecture, la commission spéciale avait fait le choix de réaffirmer solennellement ce principe déjà posé dans la loi de 2016 mais dont l'application est très insatisfaisante. Un délai d'abstinence spécifique est encore imposé aux hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes. Il est de quatre mois. S'il y a eu des progrès évidents, nous ne saurions accepter une telle discrimination qui est, selon moi, totalement injustifiée. Comment expliquer qu'un homme en couple depuis de nombreuses années avec un autre homme n'ait pas le droit de donner son sang s'il a eu un rapport sexuel avec son conjoint dans les quatre derniers mois ?

Évidemment, le principe de précaution doit être respecté, le don du sang n'est pas un droit et notre devoir est d'assurer la sécurité des receveurs. Cependant, je vous rappelle qu'une note publiée en avril 2020 par Santé publique France estime que le risque résiduel lié au VIH atteindrait seulement 1 pour 4,3 millions de dons. La même étude estime qu'un tel alignement correspondrait à 3 122 donneurs supplémentaires alors qu'il y a encore quelques jours, l'Établissement français du sang (EFS) alertait sur le niveau dramatiquement bas des réserves de sang en France.

Le rapport bénéfices-risques plaide donc en faveur d'une suppression immédiate du délai d'abstinence spécifique aux hommes homosexuels. Je ne peux me satisfaire de l'actuelle rédaction de l'article 7 bis qui maintient le statu quo et la discrimination exercée contre certains donneurs. De nombreux pays ont déjà ouvert le don du sang aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, parmi lesquels le Portugal, l'Espagne, l'Italie ou Israël et même la Pologne. La France peut-elle encore être en retard sur ce sujet ? Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, vous nous aviez promis de nouveaux éléments en deuxième lecture ; nous les attendons avec impatience.

J'en viens au second sujet : la commission spéciale a, contre mon avis, supprimé une disposition fondamentale introduite par deux fois par le Sénat, interdisant tout prélèvement post mortem sur une personne faisant l'objet d'une protection juridique avec représentation à la personne. Le consentement éclairé de ces majeurs protégés ne pouvant être présumé, comment les prélèvements post mortem pourraient-ils se faire dans des conditions respectueuses de leur personne ? Le régime de droit commun, qui prévoit une inscription sur le registre national des refus, apparaît inadapté car il implique que la personne ait l'autonomie, voire le discernement nécessaire, pour s'inscrire sur celui-ci. Ce choix éminemment personnel de donner ou non ses organes ne saurait en outre relever de la mission du représentant légal. Enfin, le contrôle minimum prévu dans le droit actuel – le consentement écrit du tuteur –ne peut être maintenu, compte tenu de la cessation de sa mission au décès du majeur protégé. Je proposerai donc d'adopter l'article 7 dans sa rédaction issue du Sénat.

Des débats passionnants, en conscience, nous attendent encore sur ces sujets. C'est donc avec enthousiasme, messieurs les ministres, que j'aborde cette nouvelle lecture.

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