Intervention de Agnès Firmin Le Bodo

Séance en hémicycle du lundi 7 juin 2021 à 16h00
Bioéthique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAgnès Firmin Le Bodo, présidente de la commission spéciale :

C'est un plaisir, au terme de presque deux ans de travaux, de se retrouver pour la nouvelle lecture du texte relatif à la bioéthique, après des dizaines d'heures de débats, d'examen attentif, de propositions, d'échanges et surtout beaucoup de respect. Je remercie tous ceux qui ont fait de ces moments, des moments riches.

Nous pouvons nous féliciter d'avoir réussi à travailler sur cette ligne de crête pour tenter d'articuler au mieux science, conscience et éthique. C'était un exercice périlleux et très humain et nous pouvons nous enorgueillir de n'avoir point failli. Réviser les lois bioéthiques était un défi que nous avons relevé avec intelligence puisque jamais – ou très rarement – nous ne sommes tombés dans l'invective. La révision de ces textes nous invitait à la sagesse pour savoir ce que la science peut et ce que nous, humains, sommes en mesure d'accepter. Vaste ambition. Nos manques, nos imperfections, nos fragilités font l'humanité : c'est vertigineux et ambitieux mais le législateur ne peut se dérober. Dans ce domaine, il ne faut ni honnir, ni banaliser, ni leurrer et je crois modestement que nous y sommes parvenus.

Certes, ce projet de loi, comme tout texte issu de la synthèse d'avis pour le moins divergents, ne plaît pas à tout le monde. Mais il a été rédigé avec mesure, après que tous les points de vue ont été écoutés dans le cadre d'un vrai et profond travail de parlementaires, qui s'est appuyé sur des travaux antérieurs dont je veux remercier les auteurs : l'Agence de la biomédecine, le Conseil d'État, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), la mission d'information de l'Assemblée nationale, les états généraux de la bioéthique ouverts en janvier 2018 et le CCNE qui a formulé son propre avis sur les thèmes débattus lors desdits états généraux. Nos travaux sont le fruit de ces contributions multiples et ont été fortement documentés. Ce texte établit des limites – certes nécessaires – mais il apporte également l'espoir indispensable au progrès.

C'est avant tout un texte d'ouverture et de confiance que nous examinons, qui n'oublie à aucun moment ces trois principes : la dignité d'abord, c'est-à-dire la primauté de la personne humaine, le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie, l'absence de caractère patrimonial du corps humain, l'inviolabilité et l'intégrité de l'espèce humaine ; la solidarité ensuite, qui se traduit notamment par l'assurance maladie obligatoire et l'égal accès aux soins ; la liberté, enfin, qui vise à préserver la part de vie privée et donc l'autonomie de l'individu dans ses choix.

C'est à la lumière de ces principes que nous avons examiné plusieurs sujets, qu'il s'agisse des progrès en génétique, des développements de l'intelligence artificielle appliquée à la santé ou dans le champ des neurosciences, ou bien des aspirations sociales – je pense à l'assouplissement du cadre juridique actuel pour permettre l'accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires, à la possibilité de prélever et de conserver ses ovocytes ou encore à l'ouverture de droits nouveaux avec l'accès à l'identité du donneur de gamètes pour les enfants nés de PMA avec tiers donneur. Il s'agissait également de conforter, d'accompagner le don d'organes de tissus et de cellules, et de poursuivre l'amélioration de la qualité et de la sécurité des pratiques en matière de bioéthique.

L'examen de sujets aussi divers nécessitait un travail honnête pour tenter d'aboutir à un équilibre et pour ne pas rester bloqués sur une opposition entre défenseurs de principes intangibles et partisans d'avancées sociales incontrôlées. Le chemin est étroit entre le risque de sacrifier nos valeurs à une quête effrénée de connaissances et celui de priver des malades de thérapies innovantes en cédant à des craintes ou à des préjugés. Il ne s'agit pas d'autoriser sans contrôle mais de faire confiance à nos chercheurs, sous réserve d'interdits clairement identifiés et fixés au préalable.

C'est à cet équilibre délicat que nous sommes parvenus à force de dialogue, d'écoute et de concertation avec nos chercheurs. Chacun a examiné ce projet de loi avec sa sensibilité, son vécu, sa vision de l'intérêt général. Loin d'être des décisions faciles, ces modifications sont guidées par des données concrètes, chiffrées, rationnelles mais aussi par des éléments plus subjectifs liés à nos rencontres, notre vie, nos convictions. Légiférer avec notre intime conviction est un écueil si l'on s'y engouffre sans raison, mais cela devient une force si nous l'éclairons de l'éthique. Je nous souhaite de bons travaux.

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