Depuis plusieurs jours, nous entendons des mots qui me semblent bien éloignés des débats qui nous préoccupent. On parle ainsi de débat à marche forcée, de manque de transparence, de débat en catimini. Cela me semble bien loin d'un texte qui est pourtant en discussion depuis maintenant deux ans au sein de notre assemblée, et même depuis quatre ans auprès des Français, puisque, au moment de la campagne présidentielle, déjà, cette promesse avait été énoncée. Ensuite, nous avons organisé les états généraux de la bioéthique, saisi le CCNE. Enfin, nous n'avons pas souhaité engager la procédure d'urgence sur ce texte, afin qu'il puisse vous être soumis en troisième lecture afin que se tienne un débat de qualité.
J'ai aussi l'impression que nous ne parlons pas des mêmes institutions – comme si, à l'Assemblée, la moindre chose serait cachée à nos concitoyens, alors que tout est public. Rien n'est caché dans nos scrutins, dans nos intentions, dans les mots que nous employons ni dans nos votes. S'ouvre donc en effet aujourd'hui en séance publique, et pour la troisième fois, le débat sur la révision des lois de bioéthique.
Venons-en au fond du texte. Monsieur le garde des sceaux, vous avez parlé d'amour, et c'est un mot qui me semble en effet important quand on parle de l'intérêt supérieur de l'enfant, que beaucoup ont à la bouche, mais que beaucoup oublient dans les intentions véritables qu'il faudrait avoir à son égard.
Nous parlons d'un droit nouveau que nous souhaitons ouvrir aux femmes, un droit qui existe pour certaines mais pas pour toutes. Trop nombreux sont ceux qui considèrent, quand il s'agit des droits des femmes, qu'on aurait – qu'elles auraient – toujours le temps d'attendre, qu'il s'agisse de leurs droits économiques – et c'est pour cela que nous les avons renforcés dans une proposition de loi présentée ici, à l'Assemblée – ou du droit à pouvoir librement utiliser leur corps – raison pour laquelle, à l'Assemblée toujours, nous avons permis d'allonger les délais applicables à l'IVG. Nous souhaitons aller jusqu'au bout de cette réforme et je sais que le Gouvernement en a bien l'intention.
Permettre que de nouveaux droits soient ouverts aux femmes n'enlève évidemment rien aux hommes. Il n'est pas question ici d'effacer les pères, mais de permettre que plus de mères le deviennent, et le deviennent en toute sécurité – sécurité pour leurs propres enfants et sécurité sanitaire aussi, puisque trop d'entre elles sont contraintes d'aller à l'étranger pour avoir accès à cette pratique dans des conditions qui, malheureusement, ne sont pas toujours satisfaisantes, il s'en faut, pour elles comme pour les enfants qui viennent au monde.
Ce texte contient encore d'autres avancées, dont on parle moins, à propos notamment des dons d'organes, question pourtant vitale pour tant de familles et tant de nos concitoyens, et à propos de la recherche. On ne peut pas, en effet, parler matin, midi et soir de la souveraineté française et de la nécessité que notre recherche reste un fleuron tout en empêchant, dans le même temps, nos chercheurs de travailler et en essayant de jeter le discrédit sur la manière dont ils le feraient sur l'une des matières les plus sensibles qui soient : les cellules souches embryonnaires. Il n'est pas question ici de trafic.
Chacun d'entre nous, je crois, a reçu aujourd'hui une petite boîte envoyée par une association. Outre la question que peut soulever son financement, j'ai été interpellée par cette action de lobbying visant à dire que les parlementaires qui voteraient la loi et autoriseraient des recherches sur les cellules souches embryonnaires pour sauver demain des enfants en permettant notamment de faire avancer les recherches sur les cancers pédiatriques, voudraient, pour reprendre les termes employés, trafiquer les hommes et les rendre « hybrides ». Il n'y a rien de tel ici. Les parlementaires que nous sommes veulent, précisément, mieux encadrer la recherche sur les cellules souches embryonnaires et, évidemment, faire avancer la recherche, car elle est une nécessité pour nous tous, comme nous l'avons bien vu ces derniers mois. La question des cancers pédiatriques devrait tous nous réunir et nous éviter les polémiques.
Malheureusement, notre pays sombre souvent, et certains ici y participent, dans un complotisme délétère pour la vie démocratique. Les débats que nous avons sur les lois de bioéthique honorent, au contraire, notre assemblée, tant par la sérénité que par la qualité dont ils témoignent. J'espère profondément que cette troisième lecture permettra que ce soit encore le cas, parce que cette loi est une loi nécessaire, une loi d'égalité, une loi de liberté pour un plus grand nombre de femmes et une loi qui fera avancer notre recherche et, je le crois, notre démocratie.