Intervention de Delphine Bagarry

Séance en hémicycle du lundi 7 juin 2021 à 16h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDelphine Bagarry :

Après deux examens par les deux chambres, nous voici arrivés à la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la bioéthique ; son étude prend du temps et c'était attendu, tant les thèmes débattus sont complexes et touchent parfois aux intimes convictions des uns et des autres. Aussi complexes et intimes qu'ils soient, il n'en demeure pas moins nécessaire pour le législateur d'apporter un cadre légal rénové et adapté aux enjeux contemporains de la bioéthique. Le progrès technique et médical produit chez nos concitoyens des attentes nouvelles et, dans le monde de la recherche, de nouvelles potentialités. C'est donc à la recherche d'un équilibre que nous nous consacrons depuis plus de deux ans : celui entre ouverture aux techniques permises par l'évolution scientifique et respect de l'être humain dans leur application.

Le projet de loi relatif à la bioéthique est un texte attendu et nécessaire, qui touche à de vastes domaines. Pourtant, les échanges se sont pour l'essentiel centrés sur un nombre limité des avancées sociales qu'il contient : l'extension de l'AMP a pris, dans nos discussions, une place centrale ; elle prend, dans le débat public, toute la place. L'ouverture de la technique à l'ensemble des familles, sans distinction fondée sur l'orientation sexuelle et sans jugement sur la formation de la cellule familiale, met au centre l'intérêt de l'enfant : en inscrivant celui-ci dans un projet familial et parental, le projet de loi promeut les meilleures conditions de son épanouissement. Ces avancées ont été permises par le travail de nombre d'entre vous ; je pense particulièrement à l'engagement de Guillaume Chiche qui ne pourra malheureusement pas s'exprimer dans l'hémicycle, pour cause de temps législatif programmé.

L'intérêt de l'enfant est conforté par un renforcement et une sécurisation des droits des enfants nés d'AMP. La levée partielle de l'anonymat donnera à l'enfant, à partir de la majorité, accès à l'identité du tiers donneur ; la reconnaissance anticipée de la filiation permettra aux couples de femmes de devenir légalement les parents de l'enfant dès la naissance. Je regrette que nous n'ayons pas trouvé de consensus pour améliorer la reconnaissance des deux parents pour les enfants nés de GPA. On s'en tiendra à ce que nous dictent la jurisprudence et la nécessité de conformité au droit européen. À l'instar de la reconnaissance anticipée pour l'AMP, c'eût été, à mon sens, une avancée dans l'intérêt de l'enfant.

Toutefois, si importantes que soient ces dispositions, le projet de loi ne peut s'y résumer. Le développement des techniques génétiques, l'intelligence artificielle, la culture et la conservation des embryons ouvrent des enjeux éthiques nouveaux dans le monde de la recherche et de la médecine. Les lois de bioéthique sont là pour anticiper, accompagner et guider un progressisme fondé sur le progrès dans le respect de la dignité humaine.

Le projet de loi doit éviter que demain le législateur agisse sous pression d'attentes ou d'usages inattendus parce qu'il serait resté à quai en matière d'avancées sociales, de progrès médicaux, d'innovations technologiques. Aussi, je regrette que le délai de révision des lois de bioéthique n'ait pas été modulé et soit resté à sept ans, un temps qui paraît bien long au vu de l'accélération des innovations et des champs des possibles.

Ce texte doit être celui d'avancées qui amélioreront, dès son adoption, la vie de nombreux Français et Françaises, tout en portant en son sein le progrès scientifique permettant de changer les destins. Mais il doit aussi être celui d'un État responsable, parce que l'innovation ne se confond pas toujours avec le souhaitable et qu'elle doit garantir le respect de la dignité humaine, la liberté et l'émancipation de tous et toutes en toute circonstance.

Il met en balance la science et nos consciences, et nous donne parfois le vertige face aux potentiels presque infinis de la recherche et de ses conséquences, et il est attendu du législateur qu'il agisse avec sagesse, dans le respect de nos principes éthiques.

Le projet de loi doit être une réponse que nous devons apporter aux attentes sociales que nos concitoyens expriment aujourd'hui et pourront exprimer demain, et celle-ci devra être conforme au projet de société humaine et solidaire, libre et responsable que nous défendons. Tel est l'équilibre recherché par ce projet de loi, fruit de très longues heures de discussion et de travail, et de débats fournis, qui est pour cette raison soutenu par les députés du collectif Écologie Démocratie Solidarité.

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