Intervention de Jacqueline Gourault

Séance en hémicycle du jeudi 10 juin 2021 à 9h30
Ratification des ordonnances portant réforme de la formation des élus locaux — Présentation

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Notre pays compte environ 510 000 élus locaux. C'est, comme vous le savez, mesdames, messieurs les députés, une singularité française. C'est aussi, je le crois, une vraie richesse car ces hommes et ces femmes sont les visages de la République au plus près de nos concitoyens, dans les communes comme dans les intercommunalités, dans les départements comme dans les régions. Nous savons tous ici ce qu'il faut d'engagement personnel pour assurer cette mission, que beaucoup exercent bénévolement, et ce qu'il faut aussi d'exigence devant la technicité croissante de l'action publique.

Qu'ils soient élus de nos villes, de nos campagnes ou de nos territoires ultramarins, qu'ils soient titulaires d'un mandat exécutif ou non, qu'ils soient élus de la majorité ou de l'opposition, tous ont droit à une formation. C'est une condition essentielle au bon fonctionnement de notre vie démocratique que de garantir à nos élus l'accès à un parcours de formation de qualité et librement choisi. C'est la raison d'être du système spécifique mis en place, lequel poursuit deux objectifs : il s'agit tout d'abord de répondre aux besoins particuliers auxquels les élus sont confrontés dans l'exercice de leur mandat comme, par exemple, la maîtrise des règles budgétaires, du droit des marchés publics ou encore de l'urbanisme, et aussi de leur permettre, s'ils le souhaitent, de s'inscrire dans une démarche d'évolution professionnelle à l'issue de leur mandat. Nous avons le devoir de rendre effectif ce droit à la formation car trop de dysfonctionnements existent et le système en est fragilisé.

Fin 2019, le Parlement a habilité le Gouvernement, dans la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, présentée par le ministre Sébastien Lecornu, à légiférer par ordonnance sur ce sujet. C'est d'ailleurs vous, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, qui aviez suivi ce texte et qui veillez aujourd'hui avec attention à la continuité des travaux alors entrepris. Nous avons depuis mené une importante concertation avec les associations d'élus et avec les organismes de formation.

Le présent texte est aussi le fruit du travail engagé par le Sénat qui, en cherchant un juste compromis, a renforcé les garanties apportées aux élus tout en préservant l'efficacité des nouveaux dispositifs. Nous avons devant nous aujourd'hui un texte qui, pour être équilibré, n'en est pas moins ambitieux, et je crois, au regard des travaux qu'elle a menés la semaine dernière, que votre commission des lois partage cette analyse, ce dont je la remercie.

Permettez-moi tout d'abord de rappeler les caractéristiques du système actuel et ses principales limites.

Premièrement, les organismes de formation doivent disposer d'un agrément ministériel pour former des élus. Cet agrément, je dois le reconnaître, n'a pas toujours permis d'éviter des dérives dans le secteur.

Deuxièmement, la formation des élus est financée par deux dispositifs complémentaires : l'un existe depuis 1992 et prévoit l'obligation pour les collectivités de prévoir un budget de formation de leurs élus égal au moins à 2 % des indemnités pour un montant total d'au moins 34 millions d'euros, mais force est de constater que des petites communes n'ont parfois pas les moyens nécessaires pour faire face aux demandes et qu'il y a par ailleurs certaines réticences à consacrer des moyens à la formation ; l'autre existe depuis 2019, à savoir le droit individuel à la formation des élus (DIFE), dont tous les élus bénéficient et disposent à ce titre de vingt heures de formation par an, ce droit étant financé par une cotisation de 1 % des indemnités versées aux élus, ce qui représente environ 16 millions d'euros, mais il faut bien reconnaître un certain nombre de défaillances – prix élevés, faible nombre d'élus formés, concentration de la dépense sur quelques organismes et déficit très important du système.

La réforme que je vous présente vise à répondre à ces dysfonctionnements.

Premier point : l'ordonnance du 20 janvier 2021 conforte le dispositif de financement par les collectivités car le Gouvernement sait qu'elles y sont très attachées. Ainsi, pour répondre aux besoins des petites communes, l'intercommunalité à fiscalité propre pourra désormais contribuer à la formation des conseillers municipaux. L'élu pourra par ailleurs cumuler aisément les deux dispositifs – le financement par sa collectivité et son DIFE. Je tiens à dire devant vous que je ferai les efforts nécessaires de pédagogie mais aussi de rappel des obligations, conjointement avec les associations d'élus et les préfets, pour que les collectivités assument leurs responsabilités à cet égard.

Deuxième point : l'ordonnance susmentionnée pérennise le DIFE tout en assouplissant ses modalités d'exercice. Nous devons en effet sortir d'un système des droits en heures qui a conduit à la dérive des prix de formation et, de fait, à concentrer les dépenses sur un faible nombre d'élus. Il est donc prévu de doter chaque élu d'une enveloppe annuelle en euros, ce qui lui permettra ainsi choisir le meilleur rapport qualité-prix, ayant accès à une vision d'ensemble de l'offre grâce à l'intégration du DIFE dans la plateforme moncompteformation.gouv.fr, qui traite déjà le compte personnel de formation. La plateforme est gérée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), dont je veux saluer ici l'engagement dans cette réforme. S'agissant des formations visant à la réinsertion professionnelle, l'élu pourra facilement cumuler les droits obtenus avant son élection et ceux acquis durant son mandat.

Cette réforme est une opération de sauvetage du DIFE, dont le fonds de financement est au bord de la cessation de paiement après deux années de déficit : l'ordonnance permet, pour faire face à l'épuisement de la trésorerie, à la Caisse des dépôts et consignations de consentir une avance de fonds au DIFE. L'équilibre financier sera garanti à moyen terme notamment par la modulation du taux de cotisation de l'enveloppe accordée aux élus et par le plafonnement des prix.

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