…où je visitais une exploitation agricole. Rien qu'en géolocalisant les tracteurs chargés de l'épandage et en optimisant leurs déplacements de quelques centimètres grâce au numérique, l'agriculteur est parvenu à diminuer de 20 % sa consommation de pétrole et de produits phytosanitaires. D'autres exemples montrent d'ailleurs l'efficacité de ces techniques. Ainsi, en Vendée, un cultivateur de maïs, en installant dans le sol des sondes hydrométriques connectées au système d'arrosage et en arrosant uniquement lorsque le niveau d'humidité des sols le justifiait, a réussi à économiser l'équivalent de quinze jours d'arrosage par an. Si nous sommes capables de démultiplier ces quelques exemples, d'agir de la même manière dans les domaines de la logistique, des transports et de l'industrie – je rappelle qu'une usine connectée consomme 60 % de gaz à effet de serre en moins – et d'aller encore plus loin dans cette direction, alors nous disposerons d'un levier extraordinaire pour réussir la transition environnementale. C'est pourquoi je suis persuadé – même si j'aurai l'occasion de revenir sur les efforts que doivent fournir les secteurs du numérique et des communications électroniques en la matière – qu'il ne faut pas opposer transition numérique et transition environnementale, mais faire en sorte qu'elles se nourrissent l'une de l'autre.
Cependant, les acteurs du numérique ne sauraient évidemment se dispenser d'améliorer le bilan environnemental de leur fonctionnement : à l'instar de tous les autres secteurs de l'économie, le numérique doit faire des efforts. On estime actuellement – je suppose que d'autres avanceront ces chiffres – que le numérique représente 5 % à 10 % de la pollution et des émissions de gaz à effet de serre. Même si la progression est forte, commençons par rappeler quelques données de base afin que chacun sache de quoi il retourne : pour un individu, un aller-retour Paris-Nice en avion entraîne autant d'émissions de gaz à effet de serre que deux ans d'activité numérique. S'il faut certes agir, il faut donc savoir raison garder lorsqu'on évoque l'incidence générale de la pollution numérique.
Cela étant, il faut évidemment agir sur les questions les plus prégnantes, c'est-à-dire, avant tout, sur celle des équipements électroniques. Nous aurons l'occasion d'insister sur ce point : la pollution numérique, à l'heure actuelle, est d'abord liée, à hauteur de 75 % à 80 %, aux équipements électroniques. S'il est vrai que l'augmentation du volume de données crée de la pollution supplémentaire et que la consommation éventuelle de réseau téléphonique dans les ascenseurs peut créer quelques dommages collatéraux, le véritable enjeu est d'abord celui du rythme de renouvellement des éléments électroniques, que nous devons absolument ralentir : nous changeons trop souvent de télévision, d'ordinateur ou de téléphone portable.
Barbara Pompili et moi-même avons eu l'occasion, en février dernier, de présenter la feuille de route du Gouvernement en matière de numérique et d'environnement. Ce plan repose sur trois grands axes d'action qui figurent dans la présente proposition de loi, laquelle a fait l'objet d'un très gros travail de la part du rapporteur, Vincent Thiébaut, que je remercie, ainsi que du rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et des services du Gouvernement.
Le premier axe consiste à mesurer : entre 5 % et 10 % des émissions de gaz à effet de serre, il existe une très grande différence. Nous ne connaissons pas encore suffisamment l'incidence réelle du numérique sur l'environnement, ni ses déterminants. C'est pourquoi certaines mesures visent à mieux estimer et mesurer, en donnant à des institutions comme l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) ou l'Agence de la transition écologique (ADEME), les outils nécessaires pour obtenir les données qui permettront d'évaluer le volume de la pollution numérique et de comprendre comme il se constitue.
Le deuxième axe, sur lequel je reviendrai également, consiste à favoriser la prise de conscience, par nos concitoyens, de la nécessité de réduire la pollution numérique, ou au moins d'améliorer l'efficacité de nos usages. Sur cette question, les actions du Gouvernement et du Parlement ne se limitent évidemment pas au présent texte : je rappelle que vous avez instauré, dans le cadre de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite loi AGEC, un indice de réparabilité, qui me semble constituer un élément essentiel pour aider nos concitoyens à prendre conscience des leviers dont ils disposent, en tant que consommateurs, pour contribuer à l'allongement de la durée de vie des terminaux et des équipements électroniques, quels qu'ils soient.
Il nous faut, enfin, innover. J'ai eu l'occasion de souligner à quel point il est essentiel que nous investissions encore davantage dans les technologies numériques liées à la transition environnementale et que nous soutenions cet écosystème, qui fait partie des plus performants, des plus créateurs d'emplois et des plus dynamiques du secteur numérique français. Barbara Pompili et moi-même avons annoncé la création d'un fonds de 300 millions d'euros consacré aux solutions numériques en faveur de la transition environnementale. Nous continuerons de soutenir ces initiatives, qui représentent un pilier essentiel de ce plan.
Je vais prendre quelques minutes pour revenir sur différents éléments de la présente proposition de loi. Le Gouvernement a souhaité qu'un travail constructif s'engage avec le Parlement. Cela s'est parfois révélé compliqué – vous y reviendrez peut-être –, mais je crois que sur la plupart des points en discussion, sinon tous, nous avons atteint un équilibre satisfaisant. Nombre des mesures proposées rejoignent d'ailleurs les priorités du Gouvernement : l'amélioration de la sensibilisation et de la formation des citoyens et des professionnels, la lutte contre l'obsolescence programmée, le soutien à l'objectivation des incidences positives et négatives du numérique sur l'environnement, le soutien à des data centers – centres de données – plus vertueux – j'insiste sur cette mesure qui me semble très importante dans un contexte de croissance de l'économie de la donnée –, la régulation par la donnée, la mutualisation des pylônes dans le cadre du déploiement des réseaux mobiles partout en France, ce dernier étant une priorité du Gouvernement, la lutte contre la spéculation foncière, etc. Toutes ces mesures – nous y reviendrons dans quelques minutes –, nous les soutiendrons.
D'autres dispositions adoptées par les sénateurs ont été satisfaites depuis qu'ils ont voté le texte. Je songe notamment à certaines mesures entrées en vigueur dans le cadre de l'application de la loi AGEC, comme la définition des biens reconditionnés ou l'intégration de critères environnementaux dans les marchés publics. D'autres sont en passe d'être satisfaites par la transposition de directives européennes, comme celle relative aux enjeux de mises à jour logicielles.
Il est donc nécessaire d'assurer la coordination entre les différents textes et d'éviter que n'apparaissent des doublons avec les ordonnances en cours de rédaction – rédaction à laquelle nous avons été très attentifs avec les rapporteur et rapporteur pour avis et qui nécessitera d'ajuster le texte adopté par le Sénat. À cet égard, certaines dispositions soulèvent des difficultés : j'ai eu l'occasion de le dire au Sénat et à nombre d'entre vous.
Les ajustements qu'il nous faut effectuer – car je crois que nous sommes nombreux à être attachés à la qualité de la loi – concernent notamment les questions liées au droit européen, à l'instar des taux réduits de TVA. Je le rappelle, la France plaide au niveau européen pour l'établissement d'un taux réduit sur les appareils reconditionnés. Toutefois, dans la mesure où cette disposition juridique relève du droit européen, celle-ci ne saurait être introduite dans une loi nationale.
Nous estimons d'ailleurs, car ce sujet est de la plus haute importante, que nous devons être exigeants sur la qualité de ce que nous proposons collectivement et qu'il nous faut ajuster certaines dispositions susceptibles de créer une instabilité juridique ou qui ne tiennent pas compte des enjeux cruciaux de sécurité des environnements informatiques : le député Bothorel est mobilisé sur ce point.
En accord avec M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis, nous vous proposerons donc de modifier, d'ajuster ou de supprimer certains articles de la proposition de loi – pas trop nombreux, soyez sans crainte, monsieur le rapporteur.
Pour conclure, j'insisterai sur le fait que la convergence entre numérique et transition écologique n'est pas une mode ou un détail, mais une exigence. J'en suis convaincu, il s'agit désormais d'un élément fondamental pour l'acceptabilité et la soutenabilité des politiques publiques que nous menons. La proposition de loi doit nous permettre d'aller plus loin en informant, en faisant prendre conscience, en créant de l'intelligence collective, en construisant ensemble – du moins je l'espère – cette voie de progrès.