Intervention de Vincent Thiébaut

Séance en hémicycle du jeudi 10 juin 2021 à 9h30
Réduire l'empreinte environnementale du numérique en france — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Thiébaut, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire :

Nous examinons en première lecture la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France. Cela a été dit, ce texte est issu du Sénat et plus particulièrement d'une mission parlementaire qui a été menée d'une manière assez inédite.

De cette mission parlementaire, retenons d'abord deux diagnostics. Premièrement, le numérique est un angle mort des politiques environnementales et climatiques. Deuxièmement, il nous est aujourd'hui difficile de mesurer l'impact carbone du numérique en France, ce qui suppose de se doter d'outils pour en améliorer l'évaluation et ce qui explique pourquoi la prise de conscience de cet impact environnemental est relativement récente.

À cet égard, en résonance avec les propos du secrétaire d'État, j'insiste sur la nécessité d'adopter une approche équilibrée et mesurée, car le numérique permet d'éviter d'importantes émissions de gaz à effet, notamment en matière de transports. Se réunir par visioconférence – grâce au numérique – plutôt que se déplacer représente en effet un gain écologique substantiel. Je reprendrai l'exemple que M. le secrétaire d'État utilise souvent : pour un usager, un aller-retour Paris-Nice en avion a un impact environnemental équivalent à deux années d'activité numérique.

Cela étant, ces gains ne doivent pas être annulés par les impacts directs et indirects du numérique sur l'environnement. Avec plus de 4 milliards d'usagers et 34 milliards de terminaux, ce secteur représente aujourd'hui près de 4 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial – avec 15 millions de tonnes de CO2 rejetées tous les ans – et 2 % en France. On estime que, d'ici à 2040, les émissions dues au numérique connaîtront une progression de plus de 60 %, atteignant ainsi 24 millions de tonnes de CO2 par an. Il est donc nécessaire que nous adoptions une loi pour mesurer, contrôler voire réguler l'impact environnemental du numérique.

Sur la base de ces constats, le texte fixe différents objectifs, répartis en cinq chapitres : faire prendre conscience aux usagers de l'impact environnemental du numérique ; limiter le renouvellement des terminaux ; faire émerger et développer des usages du numérique écologiquement vertueux ; promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores ; et promouvoir une stratégie numérique responsable dans les territoires.

Notons que cette proposition de loi s'ajoute à un ensemble de dispositifs réglementaires ou législatifs que nous avons déjà adoptés ou qui sont en cours d'examen. Je pense en particulier à la loi AGEC et au projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, laquelle est actuellement examinée au Sénat.

Ainsi a-t-il été nécessaire, en commission, de mettre en cohérence la présente proposition de loi avec ces différents dispositifs et de tenir compte des directives européennes devant prochainement entrer en vigueur dans ce domaine. Un tel travail se poursuivra d'ailleurs aujourd'hui en séance.

J'en profite pour saluer l'ensemble des députés ayant assisté aux travaux en commission et remercier la commission des affaires économiques, saisie pour avis. Nos débats ont été riches, étendus, et ont permis de faire avancer le texte.

Il y a donc tout d'abord un enjeu de sensibilisation et de connaissance de l'impact environnemental du numérique : c'est l'objet du chapitre IE R. Cela a été dit, nous allons mieux former, mieux sensibiliser à l'écoconception des services numériques, ainsi qu'à la sobriété numérique. Cela concernera les plus jeunes, en milieu scolaire, mais aussi nos étudiants en enseignement supérieur, qui seront les concepteurs des futurs systèmes numériques.

Il nous reviendra aussi la tâche importante de la création d'un observatoire, devant nous doter des outils et des référentiels communément admis pour mesurer et évaluer non seulement l'impact environnemental du numérique, mais aussi les gains que ce secteur peut générer et qui sont essentiels.

Le chapitre II, qui est selon moi le plus important, porte sur le renouvellement des terminaux et sur leur durabilité. En effet, je rappelle que 70 % de l'empreinte environnementale du numérique est issue de la fabrication des terminaux. Il est donc essentiel de les rendre plus durables, qu'ils soient réparables et bien utilisés, et que nous luttions contre les techniques destinées à accélérer leur renouvellement. C'est ce que nous avons fait en commission en votant les articles 6 et 7, qui nous permettront de lutter contre l'obsolescence programmée des logiciels et d'imposer, à l'issue d'une période de garantie, de pouvoir changer de système d'exploitation pour assurer la durabilité de l'appareil. De plus, les articles 8 à 10 nous permettront d'avancer s'agissant des mises à jour et de leur réversibilité, en lien avec les directives européennes qui entreront en vigueur le 1er juillet prochain.

Le chapitre II concernera aussi le reconditionnement des appareils. La commande publique doit jouer un rôle de promotion du réemploi et du recyclage – sujets au cœur de la loi AGEC que nous avons adoptée. Et il y a également la grande question de la redevance pour copie privée, sur laquelle je souhaite faire un aparté. Ce sujet a fait l'objet de longs débats en commission, souvent très passionnés…

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