Le numérique recèle des promesses de dématérialisation et de croissance infinie. Son impact sur notre planète est pourtant bien réel. Il est d'ores et déjà responsable de 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Et la course à la puissance, avec le passage à la 5G, le développement de la blockchain et du big data, risque d'accroître toujours plus cette empreinte si nous ne savons pas la mettre, avant tout, au service du bien commun et, en premier lieu, au service de la transition écologique.
Tout l'enjeu est de passer du clic au déclic, et de faire muter l'industrie numérique non plus au profit de la surconsommation – que nous connaissons depuis vingt ans et qui s'accélère ces dernières années –, mais au service du défi de ce siècle : la préservation de l'environnement et la sauvegarde d'une planète vivable. Nous en sommes encore loin. La question de l'empreinte environnementale du secteur n'est traitée qu'à la marge dans les politiques publiques. Les fréquences de la 5G ont été attribuées sans étude d'impact environnemental préalable. Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, ne fait qu'évoquer la transition du numérique. Quant à la feuille de route présentée par le Gouvernement, elle n'apporte pas de garanties suffisantes en matière de réduction de l'impact climatique du secteur, comme l'a d'ailleurs expliqué le Haut Conseil pour le climat.
La présente proposition de loi pourrait combler cette faille à condition, toutefois, que l'ambition initiale de ses auteurs ne s'en trouve pas amoindrie. Sur ce point, l'examen en commission ainsi que les nombreux amendements de suppression et de réécriture globale défendus par le Gouvernement sont de mauvais augure.
En commission, la majorité a ainsi voté la suppression de l'article 5 qui instaurait un crédit d'impôt sur la numérisation durable des petites et moyennes entreprises, au motif qu'il créerait un effet d'aubaine pour certains prestataires. Des effets d'aubaine, il en existe déjà quelques-uns… Nous aurions eu intérêt à maintenir cette disposition en ce qu'elle permettrait de répondre à un double enjeu pour ces acteurs économiques : celui de la numérisation et celui de la transition écologique. J'ajouterais même : celui de la performance économique.
Je rappelle d'ailleurs que cette disposition figurait parmi les recommandations du rapport que j'avais remis, à sa demande, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique Emmanuel Macron en mars 2016, rapport sur la stratégie nationale « France Logistique 2025 », qu'il avait ensuite présenté et défendu en conseil des ministres. Force est de constater que ce n'est plus d'actualité.
De même, je regrette que le Gouvernement ait déposé un amendement en séance pour revenir sur l'extension de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % à l'achat de produits électriques et électroniques reconditionnés et à la réparation des terminaux numériques, introduite par l'article 14. Cet article apportait pourtant une réelle avancée pour la filière du reconditionné, qui risque d'ailleurs d'être fragilisée par la suppression de l'article 14 bis B.
En prévoyant d'appliquer la rémunération pour copie privée au secteur du reconditionné, le Gouvernement crée une opposition malvenue entre deux secteurs fragiles, l'un émergent et l'autre profondément éprouvé par la crise. Vous vous seriez, au contraire, honorés à trouver une autre voie de sortie – un dégrèvement, ou une contribution des grandes plateformes du numérique – pour compenser la baisse présupposée des droits d'auteur à venir.