Il y a urgence ! Le dérèglement du climat est commencé, il faut prendre des mesures résolues pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et la destruction du seul écosystème compatible avec la vie humaine. Nous ne pouvons pas nous contenter de belles déclarations d'intention et de mesures non contraignantes. Nous n'avons plus le temps.
En matière de lutte contre l'empreinte environnementale du numérique comme pour le reste, il faut traiter les causes et non pas les conséquences. Il faut agir au niveau de la production et ne pas proposer des incitations aux consommateurs qui ne peuvent de toute manière pas choisir des options que la société ne leur propose pas.
La proposition de loi apporte des avancées concernant l'éducation à la sobriété numérique et à l'obsolescence programmée – notamment l'obsolescence logicielle. Elle instaure une consigne pour les éléments numériques, promeut le réemploi pour les équipements publics, favorise le reconditionnement et crée des obligations d'affichage de l'empreinte numérique. Tout ceci est sans doute très utile et important mais les éléments normatifs, déjà fort peu nombreux, ont été supprimés lors de l'examen du texte en commission. L'allongement de la durée de garantie légale a également disparu.
En somme, ce texte va permettre quelques avancées et surtout servir à se donner bonne conscience. Évidemment, le sujet du texte ne peut pas être réellement abordé par voie d'amendement puisque les ciseaux rageurs de La République en marche – qui décrète hors sujet tout et n'importe quoi – ont encore tranché dans le vif. Artificialisation des sols pour construire des serveurs, hors sujet ; pollution lumineuse et spatiale de Starlink, après qu'une collision avec un satellite de l'Agence spatiale européenne (ESA) a été évitée de justesse, hors sujet ; indice de durabilité, hors sujet ; extension de l'indice de réparabilité à tous les objets électriques et électroniques, hors sujet. La question des émissions importées n'est pas abordée, alors que celles-ci ont augmenté de 78 % entre 1995 et 2018. Nous délocalisons les pollutions numériques, qui ne seront pas concernées par cette proposition de loi. L'amendement relatif au moratoire sur la 5G, recevable en commission, est irrecevable en séance. Décidément, avec l'arbitraire en marche, allez comprendre !
La politique écologique du numérique doit être une politique sociale car, pour les personnes modestes, âgées, habitant des zones rurales – ces critères étant cumulatifs –, c'est la double peine. Non seulement elles n'ont plus accès aux guichets des services publics parce qu'ils n'existent plus, mais elles n'ont pas non plus accès aux guichets numériques faute d'accès à internet, faute de savoir s'en servir, parce que ça coûte trop cher. Résultat, des personnes sont exclues de tout accès aux services publics : 13 millions de Français sont touchés par l'illectronisme. Selon le Défenseur des droits, 15 % de la population n'a pas un accès de bonne qualité à internet. High-tech polluant pour les uns, relégation sociale et galère pour les autres, voilà le résultat d'une écologie anti-sociale.
La dématérialisation est un leurre. Les gens n'ont plus accès à un guichet physique, c'est vrai, mais le guichet numérique demande une grande quantité de matières premières et d'énergie ; il est loin d'être écologique. La fabrication des terminaux a un coût environnemental et social important et représente 70 % de l'empreinte carbone du numérique ; mais là, on ne fait rien. Les mises sur le marché ont augmenté de plus de 48 % entre 2017 et 2020. La moyenne de renouvellement d'un téléphone est en France de vingt-quatre mois ; elle devrait être au moins de cinq ans si on veut pouvoir vivre sur une seule planète.
Les métaux lourds et leur extraction ont des conséquences très graves sur l'environnement. L'extraction génère des gaz à effet de serre et nécessite de grandes quantités d'énergie. Elle contribue également à la pollution de la ressource en eau à cause des produits utilisés. Le recyclage des métaux lourds est très limité et leur extraction pose au demeurant des problèmes de souveraineté.
Nous reviendrons au cours de la discussion sur la redevance pour copie privée pour les appareils reconditionnés, mais je pose comme préalable qu'il ne faut pas opposer la culture et l'écologie – comme dans toute chose. Ce n'est pas l'un ou l'autre : il faut préserver la culture et donner les moyens à ce secteur tout en planifiant la bifurcation écologique, notamment en réduisant la création de terminaux neufs. Le Gouvernement, dans l'embarras, veut proposer une nouvelle usine à gaz avec un chèque de 10 euros, pour tenter de faire plaisir à tout le monde. C'est un dispositif complexe, qui présente au moins une seule assurance, celle du non-recours. Nous défendrons donc l'exonération de la redevance pour les produits reconditionnés.
Le groupe La France insoumise a défendu la création d'un domaine public commun pour garantir une protection sociale à tous les travailleurs de l'art. Nous avons proposé la création d'un Centre national des artistes auteurs et d'un fonds d'aide à la création. Des solutions alternatives existent : vous les avez refusées.
En somme, ce texte revient à vider l'océan à la petite cuillère : nous n'avons pas le temps et ça ne sert à rien. Nous sommes pour une écologie populaire et la planification écologique des emplois du numérique comme du reste de l'économie. Engageons la bifurcation écologique de nos modes de production, c'est urgent !