Intervention de Olivier Dussopt

Séance en hémicycle du vendredi 11 juin 2021 à 9h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2021 — Présentation

Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics :

Comme M. Bruno Le Maire l'a dit, le PLFR que nous vous présentons a l'ambition d'accompagner la sortie de crise et la reprise d'activité, et de répondre à la fois à des besoins exprimés au cours de ce début d'exercice budgétaire et à des besoins de financement relatifs à des mesures, engagements ou décisions pris ou annoncés par le Président de la République ou le Gouvernement.

Je souhaite m'arrêter sur quatre points. Ce texte permettra tout d'abord, si vous l'adoptez, de financer la sortie dégressive des mesures d'urgence déployées pour soutenir l'économie depuis le début de la crise du covid-19. Nous vous proposons d'ouvrir 15,5 milliards d'euros de crédits, afin de financer des compensations d'exonérations de cotisations auprès de la sécurité sociale, pour un montant de 4 milliards d'euros, et de permettre le financement du fonds de solidarité pour les entreprises, indépendants et entrepreneurs, jusqu'à la fin de l'été, par le biais d'une aide aux entreprises dégressive et sectorisée, d'un montant de 3,4 milliards d'euros. Cette aide a été évoquée récemment par le Premier ministre et, à l'instant, par M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance. Plus de 30 milliards d'euros ont été engagés pour le fonds de solidarité depuis quinze mois, au bénéfice de 2,2 millions d'entreprises.

Nous vous proposons aussi d'inscrire 6,4 milliards d'euros pour financer l'activité partielle et recharger notamment les crédits de l'activité partielle de longue durée, sollicités pour faire face aux conditions de prise en charge de l'activité partielle pendant la période du covid-19. Ce dernier dispositif sera particulièrement utile pour accompagner des filières comme l'aéronautique, touchée durablement.

Par ailleurs, nous vous proposons d'inscrire 150 millions d'euros pour financer des mesures sectorielles à destination du monde de la culture et 200 millions d'euros pour aider les collectivités, notamment celles qui organisent plusieurs services publics en régie, que nous n'avons pas pu accompagner jusqu'à présent pour des questions de droit, mais que nous vous proposerons d'aider à l'occasion de l'examen de ce PLFR.

Le deuxième point qui caractérise ce PLFR est la volonté de faciliter la mise en œuvre du plan de relance. Comme cela a été dit, notre objectif est qu'à la fin de l'année 2021, 70 milliards d'euros sur les 100 milliards d'euros du plan de relance puissent être engagés et que la moitié puisse être décaissée. Nous avons d'ores et déjà engagé plus d'un tiers du plan de relance à date, soit plus de 36 milliards d'euros. Avec ce PLFR, nous vous proposerons, par exemple, de reflécher 600 millions d'euros pour financer les dispositifs « industrie du futur ». Par ailleurs, nous accompagnerons ce PLFR de mesures réglementaires pour permettre le réabondement des dispositifs les plus sollicités en matière industrielle, de numérisation, et dans le domaine agricole. Comme nous l'avons indiqué, cela pourra passer par des redéploiements au sein de l'enveloppe de 100 milliards d'euros que vous avez adoptée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2021.

Ce PLFR qui répond, en troisième lieu, à plusieurs besoins exprimés, est marqué par la volonté de financer des décisions annoncées par le Président de la République ou par le Gouvernement. Avant d'énumérer les quelques mesures que nous vous proposons, je voudrais souligner que, si nous avons fait le choix d'inscrire dans ce PLFR pour 15,5 milliards d'euros de crédits d'urgence ayant des conséquences sur les déficits publics sur lesquelles je reviendrai, nous voulons aussi que ce PLFR, qui marque le retour à la normalité, marque également le retour à un objectif de soutenabilité des dépenses publiques. Le sérieux budgétaire dont le Gouvernement, la majorité, et le Parlement, au-delà des rangs de la majorité, font preuve depuis maintenant plusieurs années, nous a permis à la fois de rétablir les comptes publics et de faire face à la crise dans de bonnes conditions. La France a ainsi pu mobiliser les marchés financiers à des taux particulièrement bienveillants.

C'est ce sérieux que nous devons observer et respecter. C'est pourquoi les mesures nouvelles que nous proposons, d'un montant de 1,4 milliard d'euros, sont gagées et ne dégradent pas le déficit public ni le solde des comptes publics. Nous les avons gagées à la fois en annulant une partie, très minoritaire, des crédits mis en réserve de précaution depuis le début de l'année, et en diminuant les crédits prévus pour les appels de garantie en matière de prêts garantis par l'État (PGE). Le cumul de la possibilité de report de la première échéance de remboursement et d'une amélioration des situations économiques – véritable réassurance en matière de sinistralité – nous permet en effet de diminuer ces appels de garantie, pour un peu plus de 950 millions d'euros.

Ainsi, sans dégradation du déficit public, nous pourrons financer, pour 700 millions d'euros, le maintien du niveau d'hébergement d'urgence hivernal pendant toute la période estivale. Cette décision avait été annoncée. Notre choix est d'assurer en sortie de crise le maintien du nombre de places d'hébergement d'urgence à un niveau particulièrement important.

Nous vous proposons aussi de financer pour 350 millions d'euros les premières aides sectorielles versées aux agriculteurs, comme celle relative à la commercialisation des broutards, celle visant à les aider à faire face à certains aléas comme la jaunisse de la betterave ou encore les premières indemnisations des conséquences du gel que nous avons connu début avril, déployées dans le cadre de l'engagement du Premier ministre d'allouer 1 milliard d'euros à leur prise en charge.

Nous vous proposons par ailleurs d'inscrire 100 millions d'euros pour financer le pass sport annoncé par le Président de la République, ainsi que 57 millions d'euros pour financer le renouvellement de plusieurs dispositions concernant les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Nous vous proposons également d'inscrire 150 millions d'euros pour financer les bourses de l'enseignement supérieur, dont le recours a augmenté en raison des conséquences de la crise pour le monde étudiant, ainsi que 82 millions d'euros visant à aider la Nouvelle-Calédonie à faire face aux difficultés qu'elle a pu connaître et que la crise a amplifiées.

Enfin, ce projet de loi de finances rectificative contient plusieurs dispositions « de lettre » qui ont toutes vocation à accompagner la sortie de crise et à mieux protéger les Français. Nous vous proposons ainsi le renouvellement, pour une troisième année consécutive, de la prime exceptionnelle pour le pouvoir d'achat exonérée de fiscalité et de cotisations. En 2020, malgré le contexte de crise, plus de 3 milliards d'euros de prime ont été versés au sein de 560 000 établissements. Nous vous proposons aussi de repousser au 31 décembre la date butoir jusqu'à laquelle les entreprises peuvent souscrire aux PGE ou compléter ceux auxquels elles ont pu souscrire par le passé, afin d'accompagner en trésorerie les entreprises qui auraient besoin de solliciter un PGE dans les mois à venir.

Comme M. Bruno Le Maire l'a indiqué, nous vous proposons de déplafonner le dispositif de carry back et de le lisser sur trois ans. S'agissant des aides et des dispositifs fiscaux relatifs aux entreprises, le Gouvernement aura un avis favorable aux amendements adoptés par la commission des finances –, à l'initiative du rapporteur général pour ce qui concerne le taux de la réduction d'impôt sur le revenu pour la souscription au capital des PME – IR-PME, et de M. Jean-Noël Barrot pour ce qui concerne le dispositif de prise en charge des abandons de créances en matière de loyer, adopté précédemment.

Nous vous proposerons également, comme je l'ai indiqué il y a un instant, la prise en compte des pertes tarifaires des régies. Plusieurs régies publiques, organisées en service public industriel et commercial (SPIC), n'ont pu bénéficier d'aides publiques bien qu'étant soumises à la concurrence. D'autres régies, organisées en service public administratif (SPA), ont affiché des pertes tarifaires importantes.

Nous vous proposerons donc un dispositif de prise en charge, et nous aurons un avis favorable à l'amendement de Jean-René Cazeneuve, qui permet à la fois de préciser le dispositif et de l'ouvrir à un certain nombre de délégations de service public, qui peuvent connaître les mêmes caractéristiques et les mêmes difficultés de prise en charge dans la période qui s'ouvre.

D'autres dispositifs enfin, inclus dans ce PLFR, n'ont pas d'impact sur le déficit public au sens des critères de Maastricht – je pense notamment à l'abondement de 600 millions d'euros sur le fonds de développement économique et social (FDES) pour le financement des mesures anti-faillite évoquées par Bruno Le Maire, il y a quelques instants. Nous vous proposons également d'autoriser l'Agence des participations de l'État à s'engager pour 2 milliards d'euros supplémentaires afin de répondre à un certain nombre d'opérations qui sont prévues et, enfin, nous vous proposons d'abonder le compte d'avances du contrôle aérien de 200 millions d'euros pour aider ce secteur à faire face à la crise et à la baisse d'activité durables de l'aéronautique.

D'autres sujets devraient nourrir nos débats, comme la possibilité obtenue par le gouvernement français auprès de la Commission européenne d'autoriser un duty free sur les quais d'embarquement d'Eurotunnel au terminal de Calais ; je pense encore à un amendement de Sacha Houlié sur la prorogation des dispositifs de protection des ménages exonérés jusqu'alors de taxe d'habitation et de redevance audiovisuelle.

Les mesures que nous vous proposons n'ont pas toutes une incidence sur le déficit public. Je me dois de souligner que certaines, notamment les 15,5 milliards d'euros que nous engageons pour répondre à la crise et accompagner la sortie de crise de notre économie, se traduisent par une dégradation du déficit public prévisionnel. Vous avez adopté un projet de loi de finances pour 2021 qui fixait un objectif de déficit à 9 % : nous sommes obligés aujourd'hui de le revoir à la hausse, avec une prévision de 9,4 %, qui tient compte tant des dépenses nouvelles que nous proposons que des recettes fiscales légèrement supérieures aux prévisions, ce qui témoigne de l'amélioration des conditions économiques.

De même, nous vous proposons de revoir le niveau de dette publique à 117,2 %, en baisse par rapport au taux de dette publique prévisionnel. Cela peut paraître paradoxal à un moment où nous vous proposons des dépenses supplémentaires, mais cela tient compte à la fois de la révision à la hausse par l'Insee du niveau de produit intérieur brut (PIB) des années précédentes et des meilleures perspectives de croissance économique au cours de cette année.

Ce budget rectificatif que nous vous proposons illustre donc à la fois la volonté du Gouvernement – et, je crois, de la majorité – de continuer à accompagner l'économie pendant la sortie de crise, et sa détermination à démontrer que la soutenabilité et le sérieux budgétaires ne sont pas incompatibles avec l'ampleur et l'ambition des aides que nous mettons en œuvre.

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