Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du vendredi 11 juin 2021 à 9h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2021 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Chacun d'entre vous peut désormais l'observer, notre pays s'ouvre à nouveau, après un hiver qui n'a que trop duré. Au moment où la vaccination progresse : où la reprise de l'économie s'esquisse, mais où la menace de variants plus contagieux, voire parfois plus virulents reste présente, nous pouvons adopter, je crois, un certain optimisme, mais un optimisme vigilant.

À cette occasion, il nous revient de dessiner la façon dont les pouvoirs publics vont accompagner ce processus. Le projet de loi de finances rectificative dont nous sommes saisis – le sixième texte budgétaire que nous examinons depuis le début de cette crise, avant la loi de règlement que nous examinerons la semaine prochaine – propose une ligne claire pour cette période de transition, à savoir le soutien budgétaire massif en faveur des collectivités, des entreprises et des ménages de notre pays. C'est cela, le « quoi qu'il en coûte », qui a été et qui sera mené avec constance jusqu'au bout de la crise sanitaire et économique.

Ce texte présentera de façon très simple et très claire des augmentations de crédits budgétaires et de nouveaux outils pour de nouvelles perspectives.

La continuité d'abord, avec des outils qui nous sont connus : ainsi, ce texte prévoit-il la ratification du décret d'avance du 19 mai dernier, qui a ouvert 7,2 milliards d'euros, en faveur notamment du fonds de solidarité. La commission des finances de notre assemblée, tout comme celle du Sénat, avait approuvé ces ouvertures de crédit, et ce décret avait permis d'éviter une rupture de trésorerie du fonds de solidarité et de l'activité partielle. Le projet de loi de finances rectificative propose de compléter ce rechargement des programmes de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » par des ouvertures de crédit en faveur du fonds de solidarité, à hauteur de 3,6 milliards d'euros, de l'activité partielle d'urgence, pour 2,2 milliards d'euros, et de la compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges, pour 4 milliards d'euros.

Après la loi de finances initiale (LFI), les reports de crédits à hauteur de 28,8 milliards d'euros et le décret d'avance, il s'agit donc de la dernière pierre budgétaire apportée à l'édifice d'urgence pour l'année 2021, qui porte au total le montant des crédits pour la mission « Plan urgence » à 44,7 milliards d'euros sur cet exercice. Notons d'ailleurs qu'une partie non négligeable de ces crédits sert aussi à financer des droits ouverts l'année dernière.

Dans la même perspective, ce projet de loi de finances rectificative prolonge la durée de vie de certains outils, comme le fonds de solidarité, jusqu'à la fin du mois d'août 2021. Il ouvre également la faculté de solliciter un prêt garanti par l'État jusqu'à la fin de l'année 2021. Enfin, il prolonge durant l'été, dans une version incitative à la reprise d'activité, les aides au paiement des cotisations sociales des petites entreprises touchées par les restrictions sanitaires.

Ce texte propose également, en plus des ajustements que je viens de citer, un véritable changement d'approche pour les collectivités, les entreprises et les ménages. Pour les collectivités qui n'ont pas pu bénéficier des mesures d'urgence de droit commun, à la différence des établissements privés aux activités comparables, c'était un angle mort du soutien apporté à notre tissu économique depuis plus d'un an. La solution proposée par ce texte rectificatif pour les services publics gérés en régie complète le dispositif d'aide globale aux collectivités territoriales.

Au demeurant, le présent texte constitue un changement de perspective dans la façon dont les pouvoirs publics envisagent le soutien aux entreprises, dans le cadre d'un retour progressif à la normale. Si les outils du « quoi qu'il en coûte » sont légitimement complétés et prolongés, la perspective reste néanmoins d'en limiter l'ampleur de façon progressive, à compter de ce mois et durant l'été, puis d'y mettre fin, pour l'essentiel, à partir de la rentrée de septembre 2021.

La fin des aides d'urgence implique un soutien en faveur du haut de bilan et des fonds propres de nos entreprises, pour que leur viabilité réelle ne soit pas mise en péril par un bilan ponctuellement dégradé – le fameux mur de dettes de nos petites et moyennes entreprises. C'est l'objet, tout à la fois, du renforcement des crédits destinés aux prises de participations de l'État, pour 2 milliards d'euros, et de la création d'un fonds de transition pour les entreprises, doté de 3 milliards d'euros au total. Enfin, le déplafonnement du report en arrière des déficits – carry back – constatés au titre de l'exercice 2020, sur les trois exercices précédents, pour un coût en trésorerie que nous estimons à environ 400 millions d'euros, constituera un outil supplémentaire pour redonner de l'air aux entreprises et favoriser l'investissement.

Ce soutien tourné vers la relance de notre économie s'appuie également sur le remboursement légitime des crédits de l'activité partielle longue durée ayant servi à financer l'activité partielle d'urgence à hauteur de 4,2 milliards d'euros. Nous en avions parlé lors de l'examen du décret d'avance, et il me paraissait normal de rappeler que l'ensemble des crédits de 100 milliards d'euros du plan de relance sont bien rétablis dans ce texte.

En cohérence avec les textes précédents, celui-ci n'oublie ni les ménages ni les travailleurs. La remise en place opportune de la prime Macron défiscalisée et désocialisée jusqu'en mars 2022 porte la marque de la crise sanitaire : le plafond de droit commun de 1 000 euros est porté à 2 000 euros en faveur des salariés de la deuxième ligne. J'appelle ici tous les employeurs de ces conducteurs de véhicule, agents d'entretien, caissières et caissiers, ouvriers de la manutention et du bâtiment, préparateurs et vendeurs de nos boulangeries et boucheries, aides à domicile, aides ménagères et agents de sécurité, à se saisir, s'ils le peuvent, de l'occasion de mieux rémunérer leurs salariés.

Alors, évidemment, tout cela a un coût pour nos finances publiques, et l'ensemble de ces dispositions conduit à une dégradation forte, marquée, de nos indicateurs. Le déficit de l'État atteindrait 219,5 milliards d'euros, contre 173,3 milliards d'euros en loi de finances initiale – pour rappel, 178,1 milliards d'euros en 2020 –, et la part du déficit public, toutes administrations publiques confondues, atteindrait 9,4 % du PIB, pour une exécution, en 2020, de 9,2 % du PIB, soit une légère dégradation.

Cette dégradation est restreinte par le relèvement des prévisions de recettes fiscales, signe d'une économie résiliente en phase de reprise, ainsi que par l'annulation de certains crédits mis en réserve. Cela étant, il faut souligner, puisque, à juste titre, nous parlons de plus en plus de la dette de notre pays et des conditions de son financement, que ce déficit supplémentaire ne sera pas financé par un endettement supplémentaire mais par la trésorerie disponible à la suite du programme d'émission de dette effectué l'année passée. Le programme d'émission de dette à moyen et long termes n'est donc pas modifié par ce nouveau texte, il est important de le mentionner.

Face à la nouvelle donne budgétaire, le temps de la réflexion sur la stratégie et les outils de rétablissement de nos finances publiques a commencé. Le programme de stabilité d'avril établit ainsi une trajectoire de maîtrise de nos finances publiques jusqu'en 2027. Le rapport de la commission présidée par Jean Arthuis propose qu'une loi de programmation des finances publiques (LPFP) dresse, en début de législature, une trajectoire quinquennale d'évolution de ces dépenses : notre assemblée sera prochainement saisie d'une proposition de loi organique sur la gouvernance des finances publiques qu'Éric Woerth et moi avons déposée et qui propose de rendre obligatoire l'adoption d'une telle trajectoire dans les LPFP. La Cour des comptes ne manquera pas de contribuer à ces prévisions, à ces travaux et à ces initiatives dans les prochains jours, et il appartiendra donc au Parlement de se prononcer, après les échéances démocratiques nationales de 2022, sur la trajectoire qui permettra à la France de maîtriser son déficit, son endettement et – je le dis avec une certaine gravité – son destin.

Pour l'heure, ce texte permet de dresser la perspective, propre aux prochains mois, des capacités d'urgence calibrées pour financer, jusqu'au bout, tout ce qui doit l'être au service des collectivités, au service des entreprises, au service des ménages. L'urgence et la relance, telles qu'appréhendées depuis maintenant plus d'un an, sont une réussite collective, soutenue, il faut le dire, par un très grand nombre de forces politiques ici présentes, composant les assemblées. Il serait donc logique que le présent texte recueille un assentiment aussi large que celui qu'avaient recueilli les projets de loi de finances rectificative pour l'année 2020 et le plan de relance du PLF pour 2021.

Ce texte, mes chers collègues, est la poursuite et, en partie, le point d'arrivée de la séquence que nous avons commencée ensemble il y a maintenant quinze mois.

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