Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du vendredi 11 juin 2021 à 9h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2021 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Ne disposant que de cinq minutes, je ne détaillerai pas les mesures de ce PLFR, avec lequel nous sommes dans un entre-deux : entre chien et loup, entre urgence et relance, juste avant l'après-covid, dans une sorte de clair-obscur budgétaire. Ainsi, le solde structurel et le solde conjoncturel se croisent-ils entre 2020 et 2021 – il faudra nous l'expliquer. Un certain nombre de mesures, considérées comme ponctuelles, deviennent des mesures permanentes.

En outre, c'est un texte d'urgence, pas un texte de relance, ainsi qu'en témoigne la hausse des montants de 2020 à 2021 – 45 milliards d'euros de crédits pour le plan d'urgence en 2021, soit davantage qu'en 2020. La part des dépenses d'urgence dépasse, quant à elle, largement celle des dépenses de relance, puisqu'on peut estimer qu'elle représente 150 % des dépenses de relance contre seulement 20 % en LFI, sans tenir compte d'ailleurs des mesures fiscales, sans doute nécessaires au soutien de l'économie, que le rapporteur général, le ministre et le ministre délégué ont détaillées. Ainsi, avec ce PLFR, les dépenses publiques atteignent quasiment 61 % du PIB. C'est absolument catastrophique, en tout cas, stratosphérique.

L'estimation de la croissance reste fixée à 5 %. Les recettes publiques augmentent de 4 % et les dépenses de 4,7 %. Selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFI), l'augmentation des dépenses publiques de 66 milliards d'euros par rapport à l'année dernière comprend des dépenses dites ordinaires pour 41 milliards, alors que les dépenses de soutien et de relance représentent seulement 25 milliards. La bonne dépense attire la mauvaise dépense.

Pour la deuxième année consécutive, le montant de notre emprunt sera quasiment équivalent à celui des retraites et supérieur à celui de nos recettes fiscales. Le déficit budgétaire pour l'année 2021 représente 80 % des recettes fiscales. Ces chiffres exceptionnels sont évidemment anormaux. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, en commission, vous avez dit qu'il fallait revenir à la normale. Or, vous le savez, nous sommes toujours dans une situation anormale. Seule une croissance forte sur la durée, associée à une maîtrise rigoureuse de la dépense publique, nous permettra de trouver la solution d'un retour à l'équilibre, sans lequel nous serons à la merci de tous les événements.

Permettez-moi de rappeler une anecdote qui n'a rien à voir avec les finances publiques. En juillet 1961, il y a soixante ans, les meilleurs alpinistes du monde – notre ancien collègue Pierre Mazeaud en était –, sont partis à la conquête d'un défi extraordinaire : l'ascension du pilier du Frêney dans le massif du Mont-Blanc, l'un des derniers piliers inexplorés des Alpes. Cette extraordinaire équipe, confrontée à cet extraordinaire défi, a vu tout à coup le temps changer de manière absolument imprévisible, passant du plein été au plein hiver. Le défi était gigantesque, il n'a pu être relevé et le drame est arrivé, car l'équipe n'était pas préparée à cet impossible changement de temps. La France doit se préparer au changement de temps : à l'augmentation des taux, à l'évolution des politiques monétaires ou aux tensions économiques internationales. Si nous ne le faisons pas, nous risquons alors de compromettre dangereusement sa souveraineté, sa solvabilité et la soutenabilité de ses propres politiques.

Ainsi, je voterai ce texte comme j'ai voté les précédents comportant des mesures d'urgence et de relance, parce qu'ils sont évidemment nécessaires. Ce texte ne correspond pas ce que nous avions prévu ; du reste, vous n'aviez inscrit quasiment aucun crédit d'urgence dans le PLF pour 2021. J'attends avec impatience des signes de maîtrise de nos dépenses ordinaires de la part du Gouvernement.

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