Intervention de Valérie Petit

Séance en hémicycle du lundi 14 juin 2021 à 21h30
Impact des mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire sur la santé et l'espérance de vie des français

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Petit :

Le 12 mars 2020, tandis que notre pays traversait l'une des plus graves crises sanitaires de son histoire, le Président de la République déclarait aux Français : « La santé n'a pas de prix. Le Gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu'il en coûte. » Aujourd'hui, nul ne peut nier que cette promesse du « quoi qu'il en coûte » ait été tenue.

La France, l'un des pays les plus généreux en matière de soutien sanitaire, économique et social, n'a jamais compté lorsqu'il s'est agi de sauver des vies et de prendre en charge les 5,7 millions de Français touchés par la covid. Ainsi, le ministère de l'économie, des finances et de la relance estime à près de 424 milliards d'euros le coût de la crise, soit un niveau de dépenses qui correspond à une fois et demie le budget annuel de la France.

Si 110 000 Français sont décédés de ce terrible virus, nul ne peut nier que de nombreuses vies ont été sauvées grâce aux mesures sanitaires et aux deux confinements. Dans une étude parue en mai dernier et intitulée « Années de vie gagnées, années de vie perdues », le think tank GenerationLibre avance le chiffre de 100 000 vies sauvées. Cette estimation se situe dans la fourchette, évoquée par des études scientifiques, comprise entre 20 000 et 220 000 vies sauvées. Alors oui, nous avons sauvé des vies et nous n'avons pas compté pour ce faire, c'est un fait.

Mais qu'entendons-nous exactement par « vies sauvées » ? Dans l'étude précitée, les auteurs proposent une estimation des effets des mesures sanitaires, non pas sur le nombre de décès dus à l'épidémie de covid-19, mais sur l'espérance de vie des Français. Dit autrement, ils procèdent à une analyse coûts-bénéfices des mesures sanitaires fondée non plus sur les décès évités, mais sur les années d'espérance de vie gagnées ou perdues. Leurs résultats révèlent une vision très différente des effets de la crise. D'un côté, en sauvant près de 100 000 vies, les mesures sanitaires ont permis aux Français de gagner environ 500 000 années d'espérance de vie ; de l'autre, en accroissant la pauvreté, la crise économique et sociale induite par la pandémie leur aurait coûté 1,2 million d'années d'espérance de vie en moins.

Ainsi, vous le constatez, la balance est négative, ce que confirment les derniers chiffres de l'INSEE sur l'espérance de vie à la naissance en 2020. En effet, celle-ci a fortement baissé par rapport à 2019, les hommes ayant perdu en moyenne une demi-année, car la pauvreté progresse dans notre pays.

L'INSEE constate que la situation financière des ménages les plus modestes s'est davantage dégradée que celle des plus aisés. Un tiers d'entre eux estiment ainsi que leur revenu mensuel a baissé entre mars 2020 et mars 2021, tandis que le nombre d'allocataires du RSA, lui, a augmenté de 7,5 % en 2020. De son côté, le Secours catholique estime à 1 million le nombre de Français ayant basculé dans la pauvreté. Or, vous le savez, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, il existe une corrélation entre pauvreté et espérance de vie : une femme pauvre voit diminuer son espérance de vie de huit ans, un homme pauvre, de douze ans.

Alors, ce soir, il ne s'agit pas de juger, y compris d'un point de vue moral, l'action du Gouvernement et sa détermination à prendre les meilleures mesures pour le bien des Français– dont personne ne doute ici. Ce qui est en jeu, c'est l'évaluation rigoureuse, scientifique de la décision et de l'action publiques dans le contexte inédit de l'état d'urgence sanitaire car, nous le savons, il y aura d'autres crises et nous devons nous y préparer le mieux possible. Je ne connais pas d'autre moyen que d'évaluer pour mieux agir ; c'est ce que je défendais déjà en 2018 dans un rapport parlementaire dont seul le tiroir de mon bureau se souvient.

Il est temps pour le Parlement de se ressaisir de ses prérogatives d'évaluation des politiques publiques prévues à l'article 24 de notre Constitution. Évaluer pour mieux agir, c'est le sens de ce débat inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale à la demande du groupe Agir ensemble. Nous avons voulu à la fois jouer notre rôle d'évaluateur mais aussi travailler conjointement avec le Gouvernement à un modèle global et pertinent d'évaluation de l'impact des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Pour ce faire, monsieur le ministre, et au nom du groupe Agir ensemble, je souhaite qu'il permette de répondre à trois questions.

La première porte sur les intentions du Gouvernement en matière d'évaluation de l'effet des mesures prises sous le régime de l'état d'urgence sanitaire. Qu'est-il prévu afin de rendre compte avec rigueur au Parlement et aux Français des impacts de la crise sanitaire sur la vie des Français ? Avez-vous des éléments, s'agissant des mesures et du calendrier envisagés, à nous présenter ?

Ma deuxième question a trait au modèle d'évaluation qui sera retenu pour analyser l'ensemble des conséquences de la crise. Il doit être suffisamment exhaustif afin de saisir toutes les dimensions de la vie des Français affectés par la crise sanitaire. Cependant, force est de constater que les indicateurs dont nous disposons sont insuffisants. Voici un exemple. Nous savons mesurer les effets de la crise sur la santé de nos concitoyens : ainsi, 110 299 Français sont décédés des suites de la covid-19 et 5,76 millions de cas positifs ont été détectés. En revanche, nous ne savons pas mesurer le nombre de Français atteints de la covid-19 et qui continuent d'avoir des symptômes, au moins douze semaines après leur infection ; ils sont atteints de ce que l'on appelle le covid long.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.