Intervention de Alain David

Séance en hémicycle du lundi 14 juin 2021 à 21h30
Impact des mesures prises dans le cadre de la crise sanitaire sur la santé et l'espérance de vie des français

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain David :

Selon les chiffres de Santé publique France, depuis le début de la crise sanitaire, 5,7 millions de nos concitoyens ont été infectés par la maladie et 110 420 sont décédés du covid-19. Ce bilan ne tient évidemment pas compte des pertes de chances pour les autres malades qui n'ont pu être soignés d'une autre pathologie, ni de l'augmentation des troubles liés à la santé mentale – alcoolisme, suicide – après plusieurs confinements. Pour autant, selon l'OMS, même si, comme partout ailleurs, le bilan chiffré de l'épidémie est sous-estimé – il s'approcherait plutôt de 140 000 morts –, nous pouvons nous enorgueillir de posséder l'un des meilleurs systèmes de surveillance sanitaire, le fardeau réel de la maladie évalué par l'Organisation mondiale de la santé étant très proche du bilan officiel.

L'ampleur du bilan ne parlera cependant pas de toutes les pertes indirectes, de toutes les victimes invisibles, ni de toutes les séquelles chez les victimes de covid long, insuffisamment prises en charge ; surtout, ce chiffre ne rendra pas justice aux efforts colossaux consentis par tout un pays, à commencer par ses soignants, pour la contenir, ni ne rendra compte de toutes ces contraintes qui ont pesé et pèsent encore sur les Françaises et les Français.

Quoi qu'il en soit, selon les données de l'université John Hopkins, rapportée à la population, la mortalité cumulée de la covid-19 dans notre pays est 8 % supérieure à celle de la Suède, par exemple ; les Australiens sont proportionnellement quarante fois moins nombreux à être décédés de la covid que les Français et les Néo-Zélandais, 270 fois moins. Je ne reviendrai pas sur le spectaculaire exemple de Taïwan, que j'ai déjà présenté dans une question au Gouvernement.

« Prévenir plutôt que guérir. » Chacun connaît la sagesse du propos. Hélas, nous l'avons signalé à chaque étape de la pandémie : nous n'avons pas été à la hauteur sur les masques ; nous avons payé les fermetures de lits hospitaliers qui se poursuivent scandaleusement pendant la marée épidémique ; nous n'avons pas non plus réussi la fameuse stratégie « tester, tracer, isoler », ni le contrôle des voyageurs. De même, le Gouvernement a manifestement trop souvent ignoré l'avis des épidémiologistes quand ils énonçaient une réalité toute bête : on combat plus efficacement un phénomène exponentiel à ses débuts, quand la courbe est plate, ou presque.

Constater que 110 000 de nos concitoyens sont décédés, c'est aussi ouvrir les yeux sur une réalité cruelle : nous n'avons pas été égaux face à la covid. Il a tué davantage dans les quartiers défavorisés, dans les habitats petits et surchargés, parmi les travailleurs de première et seconde ligne, là où les comorbidités sont présentes, là où la médecine peinait déjà à atteindre et à protéger les plus fragiles. Nous l'avions signalé avec tristesse lors du débat du 4 mai dernier : l'action de l'État à l'égard des plus précaires lors de la crise sanitaire n'a pas été à la hauteur.

Plus préoccupant encore, ce sont ces mêmes précaires, ces mêmes travailleurs de première ligne, ces mêmes quartiers défavorisés qui vont se retrouver les plus menacés par la crise économique et sociale qui risque de suivre la crise sanitaire. Les jeunes ont tant sacrifié par l'effet des mesures prises pour la sauvegarde générale ! Le gel de nombre de secteurs d'activité a ajouté une crise de plus à toutes celles qui frappent les territoires de relégation où ont été entassés tous les problèmes du pays.

Aux États-Unis, le président Biden a pris la mesure de ce danger d'effondrement social en accordant notamment, dans le cadre d'un gigantesque plan d'urgence, une aide sans condition aux plus exposés. Cette protection sans équivalent depuis des décennies découle logiquement du choix qui a été majoritairement partagé autour de la planète : placer la solidarité au-dessus de toute autre considération.

En France, comme aux États-Unis et comme ailleurs, cette décision implique une nouvelle responsabilité : ne pas se contenter de réparer les dégâts immédiats de la catastrophe, mais, bien au-delà, colmater les fissures béantes que les 110 000 morts ont dévoilées au sein de notre société.

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