Mon collègue Michel Castellani a rappelé les nombreuses conséquences sur la santé des mesures de restrictions prises dans le cadre de la lutte contre le covid-19. Je voudrais pour ma part insister sur les pertes de chance provoquées par le non-recours aux soins pendant la crise sanitaire et surtout sur notre capacité à les mesurer et à prévenir leurs conséquences.
Pour évaluer le renoncement aux soins des Français lors du premier confinement, l'assurance maladie a mené une enquête : 60 % des personnes interrogées ont indiqué ne pas avoir effectué au moins un soin ou un acte dont elles avaient pourtant besoin. L'étude a également montré une chute spectaculaire des dépenses dites de soins de ville – baisse de 30 % des consultations pour les généralistes et de 60 % pour les spécialistes –, ainsi qu'une sous-consommation des médicaments et vaccins.
La question des dépistages se pose de manière moins immédiate, mais est tout aussi inquiétante. Combien n'ont pu être pratiqués ? Combien de maladies n'ont pu être détectées à temps ? Des études indiquent une surmortalité par cancer de l'ordre de 6 % à 20 % selon le type de cancer.
Nous formulons ces questions depuis le début de la crise. Pourtant, aujourd'hui encore nous peinons à évaluer l'ampleur de la vague qui est devant nous. Pour mesurer les pertes de chance causées par le non-recours aux soins, nous avons besoin de disposer d'indicateurs précis de suivi, mais aussi de connaître les conséquences des déprogrammations d'opérations et de traitements imposées par les plans blancs.
Il nous faut enfin établir les profils de ceux qui sont les plus touchés, afin d'orienter les politiques publiques. Les études pointent notamment les femmes et les personnes les plus défavorisées socialement. Comment mesurer la baisse d'espérance de vie ? Comment renforcer l'offre de soins pour éviter que de tels drames se reproduisent ? Des mesures complémentaires en la matière sont-elles envisagées ?