Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 15h00
Restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le printemps de l'évaluation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Ces dernières semaines ont été intenses pour la commission des finances, qui a dû mener de front, dans des délais très serrés, le Printemps de l'évaluation – désormais étendu, et c'est heureux, aux questions de finances sociales – et l'examen du projet de loi de finances rectificative, dont nous avons achevé l'examen vendredi dernier.

À l'image du Janus qui figure sur le bas-relief de Lemot, sous cette tribune, il a fallu regarder vers le passé – ce qu'ont fait les commissions d'évaluation des politiques publiques (CEPP) – pour contrôler l'exécution et la gestion propres à l'exercice budgétaire de l'année 2020, mais aussi préparer l'avenir en décidant de la stratégie de sortie de crise et du dégel de l'économie en ce milieu d'année 2021.

Finalement, le Printemps de l'évaluation est devenu un rendez-vous budgétaire presque incontournable. Il traduit la volonté commune de la majorité et de l'opposition, partagée par tous les groupes, de rééquilibrer les débats budgétaires entre l'automne, traditionnellement très dense, et le printemps, où l'exécution de l'année passée – à travers l'examen du texte trop technique peut-être qu'est le projet de loi de règlement – attirait assez peu l'attention. La présente séance marque l'aboutissement de trois semaines de travaux qui ont mobilisé l'ensemble des rapporteurs spéciaux, des rapporteurs pour avis, de nombreuses administrations et des ministres du Gouvernement : je tiens à saluer l'engagement de chacun.

Les travaux de printemps de la commission des finances, à l'occasion du projet de loi de règlement, concrétisent ce que j'appelle un chaînage vertueux, que nous cherchons à renforcer, entre contrôle de l'exécution et projet de budget pour l'année suivante. J'ai coutume de dire qu'il nous faut moins d'automne de l'autorisation et plus de printemps de l'évaluation. C'est un moment déterminant pour vérifier que l'autorisation parlementaire a bien été mise en œuvre, ce qui est essentiel. La séance de demain, consacrée au projet de loi de règlement, nous permettra de l'évoquer et de l'entériner.

Il convient néanmoins de répéter à chaque fois que l'ambition de l'exercice est plus large. La Constitution, faut-il le rappeler, confie aussi au Parlement un rôle d'évaluation des politiques publiques : le Printemps de l'évaluation permet d'ancrer dans les habitudes un rendez-vous panoramique et transpartisan d'évaluation autour de l'examen du projet de loi de règlement. La commission des finances approuve en début d'année les thématiques choisies par les rapporteurs spéciaux et ceux-ci rendent leurs conclusions lors des CEPP, à la fin du mois de mai. Les rapporteurs spéciaux disposent d'ailleurs, à l'occasion de ces travaux, de pouvoirs étendus prévus par la LOLF. On ne répétera jamais assez qu'ils ne doivent pas hésiter à s'en saisir : la Constitution confère des droits et des possibilités de contrôle à tous les rapporteurs spéciaux.

La présentation des quarante-six rapports est ensuite l'occasion de demander aux ministres des comptes sur leur gestion et de leur faire part des conclusions des rapporteurs spéciaux, sur lesquelles ils sont invités à réagir. Cette année, j'ai moi-même endossé avec le président de la commission Éric Woerth le rôle de corapporteur spécial de la mission "Plan d'urgence face à la crise sanitaire" et, l'année prochaine, nous reprendrons les mêmes rôles pour la mission "Plan de relance" . Les évaluations que nous menons dans le cadre du Printemps de l'évaluation aboutissent à des conclusions bien identifiées et testées auprès du Gouvernement. Elles pourront donc trouver des traductions législatives dans le cadre soit du prochain projet de loi de finances (PLF), soit d'un prochain véhicule législatif. Ces travaux interviennent au bon moment, c'est-à-dire avant que les arbitrages budgétaires du Premier ministre ne fixent, dans le courant de l'été, les axes du projet de budget.

En somme, je me réjouis de constater que le Printemps de l'évaluation déborde aujourd'hui le cadre de la commission des finances, avec des rapporteurs pour avis particulièrement impliqués au sein des CEPP. Comme je l'ai souligné, le fait que la commission des affaires sociales ait décliné son propre Printemps témoigne de l'intérêt de l'exercice. C'est aussi le signe d'une approche rassemblant toutes les APU – administrations publiques – des finances publiques, dont je suis convaincu qu'elle est une nécessité et qu'elle finira par s'imposer. Nécessité devant faire loi, nos deux commissions vous proposeront ensemble des propositions de loi organique relatives à nos finances publiques, comprenant de nouvelles avancées en la matière.

Au moment de dresser le bilan des travaux menés par les rapporteurs spéciaux, je me réjouis aussi de constater la qualité de ce qui a été produit. J'entends ainsi mettre en lumière quelques exemples de conclusions qui m'ont marqué, pour illustrer la richesse de la séquence qui se termine aujourd'hui en ce qui concerne la commission des finances. Cette liste n'est pas exhaustive mais concerne des cas très concrets.

Vincent Ledoux, par exemple, nous a alertés sur la perte d'attractivité de la France pour les étudiants étrangers et a proposé des pistes d'amélioration de notre dispositif d'accueil. Philippe Chassaing s'est intéressé à la place croissante de l'économie sociale et solidaire et en appelle à l'instauration d'une véritable politique publique consacrée à ce secteur ; la création d'un secrétariat d'État s'inscrit d'ailleurs dans cette dynamique.

Marie-Christine Verdier-Jouclas a proposé un bilan exhaustif de l'engagement, constant depuis le début du quinquennat, d'augmenter le taux d'emploi par l'amélioration du niveau de formation de la population. Valérie Rabault a quant à elle travaillé sur les participations de l'État dans le domaine de l'énergie ; elle appelle notre attention sur la réorganisation en cours d'EDF, qui doit permettre au groupe de dégager des marges de manœuvre pour prendre le tournant des énergies renouvelables face à une concurrence toujours plus forte. Ce sujet doit d'ailleurs appeler notre plus grande vigilance au regard de ses impacts financiers très importants.

Marc Le Fur nous a alertés pour sa part sur le surendettement des pays en développement, problème majeur pour notre politique de développement dans les prochaines années. Au sein du G20, la communauté internationale a élaboré une approche pour traiter ce problème mais, malgré les sommes en jeu, le rapporteur spécial a regretté que le Parlement ne se prononce pas sur les annulations de dette décidées au niveau international. Enfin, Marie-Christine Dalloz appelle à créer une agence unique responsable du pilotage de la stratégie de l'innovation en santé, chargée d'allouer les financements à l'ensemble des projets de recherche et développement dans le secteur de la santé.

Au-delà des thématiques purement budgétaires, plusieurs rapporteurs spéciaux se sont intéressés à des dépenses fiscales emblématiques. À l'issue de ses travaux, François Jolivet a proposé par exemple la mise en extinction du dispositif Pinel ; ses conclusions ont été confirmées par un rapport remis hier au Parlement. Bénédicte Peyrol a quant à elle proposé la prolongation, moyennant quelques ajustements, de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), que nous pourrons sans nul doute examiner à l'occasion du prochain PLF. Enfin, les travaux que nous avons menés avec Éric Woerth nous ont permis de suivre concrètement, sur le terrain, le déploiement du plan de relance ainsi que des mesures d'urgence dans les territoires. Nous avons pu constater que ces aides ont permis d'amortir de façon puissante le choc économique lié à la crise sanitaire, ce dont nous ne doutions pas.

Après ce rapide tour d'horizon, je vais vous faire part de quelques réflexions sur l'exercice en lui-même. Cette année marque la quatrième édition du Printemps de l'évaluation, dont les quatre éditions successives ont presque toutes été organisées selon des modalités différentes. L'édition de l'année dernière a été perturbée par la crise sanitaire qui nous a conduits à réorienter les travaux décidés en début d'année et, pour des raisons de logistique sanitaire, à ne finalement pas organiser de réunion avec les ministres ni de débat en séance publique. Les deux années précédentes, des propositions de résolution avaient été présentées à la commission des finances sur la base des travaux du Printemps de l'évaluation. Cette année, la commission des finances a pu revenir à un fonctionnement plus habituel des CEPP. Je me réjouis surtout que nous en revenions au schéma initial, avec une séance publique, quand bien même ce n'est pas pour l'examen d'une proposition de résolution. On peut le regretter, mais l'agenda parlementaire est ainsi fait.

Au moment de faire un bilan, je pense que certains points pourraient faire l'objet d'une amélioration. Tout d'abord, la visibilité des travaux issus des conférences d'évaluation des politiques publiques est encore trop limitée. Nous produisons beaucoup de matière de grande qualité, qui reste trop peu mise en valeur. Pour cela, il me semble que nous devrons peut-être, la prochaine fois, revenir à la formule initiale, en faisant porter par la commission des finances certaines propositions de résolution issues des travaux des rapporteurs spéciaux : cela améliorerait probablement leur impact et leur visibilité. Il s'agit d'un appui déterminant pour certains rapporteurs spéciaux qui veulent obtenir des inflexions budgétaires, stratégiques ou politiques aux problèmes qu'ils ont identifiés, pour préparer leurs travaux en tant que rapporteurs spéciaux à l'automne suivant. Peut-être devons-nous également rechercher un échange plus interactif entre les CEPP elles-mêmes. Cette année, les rapporteurs spéciaux n'ont pas pu échanger avec tous les commissaires présents, l'ensemble des questions étant adressées aux ministres. Il me semble que la mise en valeur des travaux des rapporteurs spéciaux passe aussi par la capacité à discuter, à s'interroger et à débattre entre nous, en commission et en séance, sur les conclusions des différents rapports. Cela sera probablement l'étape suivante à aborder.

Je répéterai en conclusion qu'il faut vraiment saluer les travaux menés et ne surtout pas relâcher l'effort. Nous pouvons être fiers du travail accompli. Il n'est pas banal que le Parlement parvienne à imposer un nouveau rendez-vous dans le cadre d'un cycle annuel budgétaire déjà bien rempli. Je félicite le président de la commission des finances pour son initiative en ce sens depuis le début de la législature. J'ai évoqué le prochain examen d'une proposition de loi organique que nous avons déposée ensemble. Il y a beaucoup de choses à imaginer pour continuer de renforcer l'évaluation des politiques publiques au sein du Parlement. Je vous donne rendez-vous en commission spéciale dès la fin du mois et en séance publique au mois de juillet.

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