Intervention de Thomas Mesnier

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 15h00
Restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le printemps de l'évaluation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

C'est la première fois que nous avons l'occasion de discuter des conclusions du Printemps social de l'évaluation en séance publique. Outre sa dimension symbolique, cette évolution donne une meilleure visibilité à nos travaux et permet d'avoir, dans la solennité de l'hémicycle, un dialogue avec les ministres, très complémentaire de celui que nous avons avec les administrations en commission. J'ajoute qu'il s'agit peut-être là d'une transition vers un modèle qui gagnerait encore en solennité : j'ai proposé que, dans le cadre d'un texte organique rénové, le Printemps soit aussi l'occasion d'un vote sur une véritable loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Cette loi serait accompagnée d'une documentation riche, tant sur des dispositifs spécifiques que sur l'évaluation des politiques de sécurité sociale. Ce débat pourra donc être un prélude à un cycle d'examens plus complets sur le volet social.

Outre les deux sujets que j'ai choisi de rapporter, sur lesquels je reviendrai dans quelques instants, je souhaite tirer quelques leçons de nos discussions en commission. Sur le financement, d'abord, la situation des comptes sociaux demeure fondamentalement dégradée par la crise, les déficits restent importants et l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) devrait, en raison de la gestion de la crise, se situer 14 milliards d'euros au-dessus des montants que nous avions votés lors de la dernière LFSS. Les quelques très bonnes surprises concernant les recettes en 2020 invitent toutefois à espérer et témoignent même, à mon sens, de la pertinence de la politique de soutien aux entreprises menée par le Gouvernement pendant la crise, une politique tellement peu orthodoxe qu'elle a pu légèrement perturber la Cour des comptes au moment de la certification, dont il a beaucoup été question en commission.

Cela pose naturellement aussi la question des voies et moyens du nécessaire rétablissement des comptes pour que cette trajectoire soit construite sur le long terme plutôt que dictée par les circonstances. Un cadre pluriannuel de discussion des finances sociales, en particulier, semble donc particulièrement utile, et c'est ce que propose le texte organique qui sera soumis à l'approbation de l'Assemblée le mois prochain.

La deuxième leçon que nous pouvons tirer de nos discussions en commission porte sur la dimension structurelle de la réponse que nous devons apporter. C'est ainsi une démarche très aboutie d'évaluation – y compris de certaines niches sociales, si cela s'avère nécessaire – qui doit être engagée. Je suis par exemple convaincu que le meilleur service que nous puissions rendre à l'assurance maladie consisterait en une véritable transformation du système de santé. Sur ce point, la publication de l'ensemble des ordonnances, attendue depuis la promulgation de la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, montre bien la détermination du Gouvernement à conserver une vision stratégique de ces politiques au service d'une meilleure protection et d'une meilleure efficacité.

Enfin, la troisième leçon porte sur le contrôle parlementaire, dont le Printemps n'est d'ailleurs qu'une des réponses. Un cycle complet de contrôle, je l'ai dit, mais aussi un périmètre de contrôle cohérent, une information renforcée, un domaine des lois financières clarifié, contribueraient à son renforcement. Cette ambition ne saurait se résumer aux seuls textes organiques que j'évoquais précédemment, mais ces derniers sont le préalable à une appropriation parlementaire renforcée des politiques de sécurité sociale, enjeu majeur au regard tant de leurs masses financières que de la place qu'elles ont dans la façon dont nous définissons collectivement l'égalité et la solidarité.

À l'heure où nous parlons beaucoup de vaccination contre le covid-19, j'ai souhaité suivre une réforme essentielle en matière de santé publique, à savoir l'extension des obligations vaccinales des jeunes enfants. L'article 49 de la LFSS pour 2018 étend, pour les enfants de zéro à deux ans nés à compter du 1er janvier 2018, l'obligation vaccinale qui concernait déjà la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite à huit vaccins supplémentaires qui n'étaient auparavant que recommandés. L'objectif était de restaurer la confiance des parents dans la vaccination de leurs enfants et d'améliorer les couvertures vaccinales.

Le bilan que l'on peut dresser de cette mesure trois ans après son entrée en vigueur est globalement très positif. Tout d'abord, la réforme est perçue favorablement par la population française, ensuite tous les acteurs se sont fortement mobilisés pour en assurer une application efficace. Cette mobilisation a permis une augmentation des couvertures vaccinales et semble contribuer à l'éradication de certaines maladies infectieuses comme la rougeole ou les infections à méningocoques. Enfin, les analyses de pharmacovigilance confirment la sécurité d'emploi des vaccins.

Malgré ce bilan positif, l'objectif d'une couverture vaccinale égale à 95 % pour l'ensemble des vaccins obligatoires n'est pas encore atteint. Vous le savez, une méconnaissance, voire une certaine méfiance persiste en matière de vaccination. Les auditions que j'ai menées m'ont permis de formuler plusieurs recommandations. Tout d'abord, il nous faut renforcer la communication et la formation en matière de vaccination. De nouveaux efforts de communication en direction des collectivités territoriales et des écoles sont nécessaires : les premiers enfants concernés par la réforme entreront en effet à l'école maternelle en septembre prochain. La formation initiale et continue des professionnels de santé en matière de vaccination doit également être renforcée car ces professionnels jouent un rôle essentiel dans la confiance que leurs patients ont dans les vaccins.

Il nous faut garantir l'accès de tous les enfants à la vaccination et, pour cela, les publics les plus fragiles devraient être davantage informés de la possibilité de faire vacciner gratuitement leurs enfants en centre de vaccination ou en centre de protection maternelle et infantile (PMI). Il nous faut également reprendre les travaux de la Haute Autorité de santé (HAS) sur l'extension des compétences vaccinales des professionnels de santé, une mesure votée dans cet hémicycle.

Enfin, nous devons faciliter le contrôle des obligations vaccinales par les personnels de la petite enfance, ce qui nécessite de simplifier le carnet de santé et de déployer aussi rapidement que possible le carnet de vaccination électronique. Il semble également utile de renforcer et d'homogénéiser le rôle joué par les services de PMI en matière de contrôle vaccinal.

Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, un bilan actualisé de la réforme devait être très prochainement publié par vos services. Pouvez-vous déjà nous indiquer si les couvertures vaccinales ont continué leur progression ? Pouvez-vous nous préciser quelles mesures vous comptez prendre pour combler le retard pris au début de la crise sanitaire dans la vaccination des nourrissons ?

Pour conclure, je voudrais m'arrêter sur la réforme du régime social des artistes-auteurs. Si elle n'avait pas fait l'objet en son temps d'autant de débats que l'extension de l'obligation vaccinale, elle visait cependant à apporter une solution à des problèmes massifs de recouvrement des cotisations. En effet, sous le précédent régime, de nombreux assujettis à l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) l'une des deux caisses des artistes-auteurs, n'ont payé aucune cotisation d'assurance vieillesse, souvent sans le savoir, faute d'adaptation du système informatique de la caisse. Nous en connaissons les conséquences : des milliers d'artistes n'ont aujourd'hui aucun droit à la retraite. Il fallait donc remédier urgemment à cette défaillance, ce qui était l'objet de l'article 23 de la LFSS pour 2018, qui comprenait deux volets.

Tout d'abord, la suppression de la distinction entre affiliés et assujettis en fonction d'un seuil de revenus : désormais, l'ensemble des artistes auteurs cotisent sur leurs revenus au premier euro, indépendamment de la manière dont ils déclarent leurs revenus. Ensuite, le transfert des activités de recouvrement de l'AGESSA et de la Maison des artistes vers l'URSSAF du Limousin, même si les deux premières ont conservé leurs compétences en matière d'affiliation au régime et de mise en œuvre de l'action sociale.

Je ne reviendrai pas sur les problèmes techniques qui ont émaillé un transfert pourtant censé simplifier et faciliter la vie des cotisants. Les auditions que j'ai menées, tout comme les discussions que nous avons eues en commission, ont démontré que ces dysfonctionnements étaient en voie de résorption.

Depuis l'ouverture, le 26 mai dernier, de la campagne d'appel des cotisations, les choses rentrent progressivement dans l'ordre, et les artistes-auteurs vont pouvoir bénéficier d'un portail unique dédié à leurs déclarations sociales. Je m'attarderai un instant sur l'avenir de ce régime, dont les particularités reflètent autant les spécificités de l'activité artistique que le soutien de la solidarité nationale à l'égard des créateurs.

La question la plus pressante est celle des retraités dont la précarité s'explique par l'absence de cotisations. C'est une situation qui a duré parfois quarante ans, et l'on ne peut s'attendre qu'elle soit réglée du jour au lendemain. Une circulaire a prévu, dès 2016, des modalités spécifiques de rachat des trimestres manquants, notamment grâce à un étalement du calendrier. Pourtant, de nombreux artistes-auteurs sont incapables de racheter des dizaines de trimestres manquants, faute d'avoir pu le prévoir. Monsieur le ministre, vos services ont-ils des pistes pour faciliter le rachat de leurs trimestres par des personnes qui ne sont en rien responsables de l'absence de cotisations pendant parfois plusieurs décennies ?

Pour l'avenir, nous devons être attentifs à ce que l'ensemble des artistes-auteurs puissent bénéficier de leurs droits sociaux – je pense en particulier aux indemnités journalières maladie et maternité. Je vous prie de m'excuser de la technicité en la matière, mais elle est cruciale. Alors qu'aujourd'hui, l'assiette annuelle de validation des trimestres de retraite est de 600 SMIC horaires, celle des indemnités journalières est de 900 SMIC. À ce premier effet de seuil s'ajoute la question de la prolongation des mesures d'accompagnement prises pendant la crise. Le seuil a été aligné en 2020 à 600 SMIC pour garantir à tous les artistes-auteurs le droit à des arrêts maladie et des congés maternité indemnisés. Le seuil appliqué actuellement aux artistes-auteurs est certes déjà plus bas que celui du régime général mais, comme je le disais, cette différence est évidemment justifiée par le caractère très aléatoire des revenus que peuvent espérer percevoir les artistes-auteurs.

Aussi, monsieur le ministre, j'ai une dernière question très simple à vous poser : envisagez-vous un abaissement du seuil d'ouverture des droits aux indemnités journalières pour l'ensemble des artistes-auteurs, dans la lignée des mesures de soutien prises en leur faveur pendant la crise ? Nous aurons l'occasion, je l'espère, de revenir au cours du prochain PLFSS sur ces questions qui doivent nous permettre de parachever la modernisation du régime social des artistes-auteurs et d'assurer la protection sociale de nos créateurs.

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