Intervention de Sabine Rubin

Séance en hémicycle du mardi 15 juin 2021 à 15h00
Restitution des travaux des commissions des finances et des affaires sociales sur le printemps de l'évaluation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

Puisqu'il est question d'évaluer, évaluons ! Plus précisément, évaluons le budget 2020 ; plus précisément encore, évaluons les missions de ce budget. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'exercice budgétaire de 2020 a été exceptionnel. Frappé de plein fouet par la crise pandémique, votre sacro-saint mantra de la baisse des dépenses publiques s'est trouvé désavoué par la logique même des événements. La nécessité de mesures contracycliques pour pallier les défaillances du marché, le rôle joué par l'État pour amortir les effets les plus délétères de la crise économique et sociale, l'effort considérable consenti par les collectivités pour appliquer les mesures sanitaires, tout cela témoigne, en vérité, de la faillite d'un dogme libéral appliqué depuis trop longtemps avec rigueur.

Cependant – et je tiens à le redire en guise de préambule –, nous ne sommes pas dupes des effets de manche du Gouvernement. Les dépenses supplémentaires votées par la majorité ne représentent in fine que 46 milliards d'euros au global ; elles recouvrent essentiellement le plan d'urgence, soit près de dix fois moins que l'effort engagé outre-Atlantique, certes avec le confort d'un quasi-monopole sur la monnaie internationale. Pire encore, on constate une sous-exécution pour le moins inhabituelle dans le PLF et les différents PLFR : alors que l'écart entre le budget et la réalisation est habituellement de quelque 1,4 milliard, près de 30 milliards ont été sur-budgétés, allant jusqu'à provoquer l'alarme de la très libérale Cour des comptes. Selon les conclusions du rapport du président de la commission des finances, sur les 70,6 milliards annoncés dans le plan d'urgence, seuls 41,8 ont été effectivement consommés ; près de 28,8 milliards ont donc été reportés – nous y reviendrons lors de l'examen du projet de loi de règlement 2020, d'autant qu'il ne s'agit pas ici de faire la fine bouche !

Face à une crise pandémique qui s'est vite muée en crise sociale et économique, c'est bien vers la puissance publique que se sont tournés les acteurs privés, et c'est bien celle-ci qui a eu l'obligation de suppléer aux défaillances du secteur privé. Je ne citerai ici que quelques exemples parmi les quarante-sept missions examinées lors du Printemps de l'évaluation. J'éluderai pudiquement les missions liées à l'enseignement supérieur et à la recherche ou à l'enseignement scolaire : non seulement elles n'ont pas bénéficié de cette timide embellie, mais elles ont également connu des sous-exécutions incompréhensibles, alors que les établissements scolaires et les étudiants ont tant souffert de la crise.

Pour commencer, je citerai la seule mission Solidarité, insertion et égalité des chances : ses crédits exécutés se sont élevés à 29,9 milliards d'euros pour l'année 2020, soit 2,7 milliards de plus que l'autorisation initiale, dont 2,4 milliards directement imputables à la crise sanitaire. Ce légitime dépassement s'explique principalement par les aides exceptionnelles, les deux plans d'urgence alimentaire et la prise en charge de la rémunération des travailleurs accueillis en établissements et services d'aide par le travail (ESAT). Cependant, selon les conclusions du rapport de Stella Dupont et Patrice Anato, l'échec du Gouvernement est patent vis-à-vis de la jeunesse, pourtant si cruellement touchée par la crise. Le RSA jeune actif plafonne à 860 bénéficiaires précaires, une mascarade lorsqu'on sait que près d'un jeune sur quatre est au chômage, et que près d'un jeune sur six a arrêté ses études du fait de la pandémie. Voilà une raison supplémentaire de continuer notre combat pour un véritable RSA jeune ! La majorité politique et pénale doit coïncider avec la majorité sociale.

Il en est de même pour les collectivités territoriales, qui auront été, malgré l'austérité, les coupes successives et les baisses de dotations globales, les véritables premières de cordée institutionnelles dans la crise sanitaire, notamment lors de la première vague. La dotation de soutien à l'investissement exceptionnel a représenté près de 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement, pour soutenir un bloc communal budgétairement exsangue. Près de 60 millions ont été octroyés en autorisations d'engagement, et 40 millions en crédits de paiement, pour faire face à la pénurie de masques – ces masques qu'un porte-parole du Gouvernement jugeait inutiles.

Enfin, je souhaite évoquer un point qui, alors même que les confinements et les couvre-feux se sont succédé, revêt une importance particulière : les crédits alloués au logement et à l'hébergement d'urgence. Lors du précédent PLF, il s'agissait de faire porter à ces missions une part importante de l'effort de réduction des dépenses publiques, en rabotant leurs crédits de près de 1,2 milliard d'euros. Pourtant, l'exécution de 2020 a représenté un bond de 14 % par rapport à la loi de finances initiale – nous nous en réjouissons. L'ouverture de nouvelles places, la distribution – certes parcimonieuse – de chèques alimentaires et le report de la trêve hivernale ont induit un surcoût de près de 552 millions d'euros. Près de 150 000 bénéficiaires supplémentaires été comptabilisés entre octobre 2019 et octobre 2020, ce qui a entraîné une dépense supplémentaire de 600 millions d'euros dans le PLFR 4. Cependant, les crédits ouverts ont été largement insuffisants pour couvrir les nouveaux besoins occasionnés par la crise sanitaire : selon la Fondation Abbé-Pierre, on comptait près de 4,1 millions de personnes mal logées en France en 2020. Au lieu de tirer les leçons de la crise, vous persistez à penser que les dépenses en matière de logement sont une variable d'ajustement dans vos politiques de compression budgétaire. Ainsi, malgré les reports successifs, la réforme des trois aides au logement est finalement entrée en vigueur le 1er janvier 2021, alors même que ces aides ont pleinement joué leur rôle d'amortisseur social, que la situation sanitaire reste précaire, et que le prix des loyers, lui, demeure excessivement élevé, notamment dans les grandes métropoles.

Vous le comprendrez, il ne s'agit pas de dresser un tableau idyllique de ce que fut la politique budgétaire et économique du Gouvernement.

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